Le premier tour de la présidentielle s’est tenu ce samedi 22 juin. Et à peine quelques heures après la fermeture des bureaux de vote, le candidat du parti au pouvoir, le général Ghazouani, a annoncé sa victoire. Une prise de position assez peu appréciée dans certains quartiers de Nouakchott proches de l’opposition.
Au petit matin, alors que le pays dort encore, la déclaration du général Ghazouani passe presque inaperçue. Elle n’est en tous les cas pas encore arrivée dans les quartiers de la capitale favorables à l’opposition. « Moi, je n’ai encore rien entendu, je ne sais rien du tout », déclare surpris un homme croisé dans la rue de Sebkha.
Dans cette commune de Nouakchott, c’est le calme qui domine ce dimanche matin. Quelques affiches de la campagne restent encore placardées aux murs. Plutôt aux couleurs de ces quartiers acquis à l’opposition. Un peu plus loin, devant un magasin, ils sont trois jeunes assis sur une moto.
Ibrahim a voté pour Biram. Il est facteur en France, il est revenu en vacances pour les élections. « La déclaration de Ghazouani, c’est du n’importe quoi, estime-t-il. Pour une fois, beaucoup de gens ont été voter, et si Ghazouani a gagné ce n’est pas normal. »
À ses côtés, il y a Hussein. C’est un partisan affiché de Biram Dah Abeid, dont d’ailleurs l'affiche de campagne figure sur sa moto. Et pour lui, cette victoire du pouvoir est aussi inconcevable : « C’est faux, ce n’est pas vrai. Ghazouani ne peut pas gagner ici. Personne ne le connaît, c’est un général. S’il gagne, ça veut dire qu’il y a du vol. On sait qu’on a mobilisé du monde. » Et Hussein prévient : « On est prêts à mourir pour notre pays. On veut la liberté. Pour moi, s’il est élu ce sera pire qu’avant. Ici, il y a de l’esclavage, du racisme. Il faut que ça change. »
« Ça va créer des problèmes »
Un taxi s’arrête. Dedans il y a Babacar. Il découvre alors la déclaration du candidat au pouvoir et lui aussi commence à s’inquiéter de la suite des évènements : « Les résultats, ils ne sont pas vraiment clairs. Si ce n’est pas clair, ça va créer des problèmes. » Dans le magasin d’à côté, une femme nous interpelle : « Ce n’est pas vrai. Nous, on sait que ce n’est pas vrai. Ils ont menti. » Un résultat que n’est pas prêt d’accepter Abounies : « Ce n’est pas logique, ce n’est pas normal. Les candidats opposants doivent contester cela. »
Et au même moment, quelques kilomètres plus loin, les candidats de l’opposition sont d’ailleurs réunis à huis clos depuis 10 heures du matin. Eux aussi, ils ont été surpris par cette déclaration en pleine nuit. Sidi Mohamed Ould Boubacar, Biram Dah Abeid, Mohamed Ould Maouloud et Kane Hamidou Baba mettent la touche finale à une déclaration commune qu’ils s’apprêtent à lire devant un parterre de journalistes. Et alors que tous les médias ont les yeux tournés vers ces quatre figures, dans les quartiers favorables à l'opposition, la colère s'exprime.
Montée de colère
Pneus brûlés, barricades, bus retourné, une importante fumée s’échappe de ces bastions de l’opposition. Les pompiers sont sur place occupés à éteindre les premiers feux. Dans le quartier de Sebkha, pourtant calme quelques heures plus tôt, le déploiement des forces de l’ordre s’est considérablent renforcé et des explosions de grenades lacrymogènes se font entendre. Des jeunes principalement se tiennent près des feux allumés et cette fois-ci, ils le disent, ils sont en colère à l’image d’Abou : « On ne veut pas que Ghazouani soit élu. On n’est pas content des résultats. On est contre les fausses informations. » Il dit que c’est cela qui a déclenché ce brasier. Plusieurs de ses copains et de ses voisins ont le même discours.
Pour Daoula, en effet, les choses doivent changer sinon la situation peut vraiment se dégrader : « On est mécontent. Si ça continue on va tout casser. » Et Maguay prévient : « Ça ce n’est rien. Ce n’est qu’un ultimatum. Mais après la proclamation des résultats, on va leur montrer ce qu’on peut faire. »
Une mise en garde qui n’inquiète pas particulièrement Hacen. Lui aussi vit à Sebkha et alors que la tension monte autour de chez lui, il reste philosophe. « Moi, la victoire ou non de Ghazouani, en réalité je n’en pense rien. Il est Mauritanien, comme moi. Alors s’il gagne, c’est qu’il aura eu de la chance. »
De notre envoyée spéciale à Nouakchott, Paulina Zidi