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Littérature: 140 ans de belles lettres saint-louisiennes.

Lundi 14 Janvier 2013

Ancienne capitale de l’Aof (Afrique occidentale française), Saint-Louis du Sénégal, la vieille cité, a célébré cette année – mais hélas dans une grande division ! —, ses 140 ans d’existence. Un siècle et demi riche en légendes, en élégance mais aussi en belles lettres. Car, faut-il le rappeler, c’est dans cette ville chargée d’histoire que la littérature négro-africaine d’expression française a vu le jour. Saint-Louis a en effet produit de belles plumes poreusesqui continuent toujours de contribuer au rayonnement de la vieille cité.
« Le Témoin » ouvre à ses lecteurs les merveilleuses pages de cette littérature d’expression française avec la découverte d’auteurs de la ville de « Mame Kumba bang », le génie tutélaire de l’île.


Littérature: 140 ans de belles lettres saint-louisiennes.
Les précurseurs métis

Ville multiculturelle ouverte au monde, Saint-Louis a toujours été un lieu de brassage culturel et un creuset d’intellectuels. En attestela composition d’une partie de sa population métisse. Portugais, Anglais, Français et Maures ont participé à l’écriture des pages glorieuses de l’ancienne capitale de l’Aof. Laquelle est une ville culturelle, mais également religieuse. Et si la littérature d’expression française a été inaugurée par les Métis, la population autochtone islamisée n’en était pas pour autant constituéed’analphabètes puisque certains « Ndar-Ndar » — Ndar est le nom ouoloff de la ville — écrivaient dans les langues vernaculaires avec des caractères arabes.
C’est donc avec sa population métisse que la littérature d’expression française a commencé à s’exprimer. Abbé David Boilat fut l’un desécrivains les plus représentatifs de cette période.

Né le 20 avril 1814 à Saint Louis du Sénégal alors occupée par les Anglais, son père était Français tandis que sa mère était une métisse « signare » de la vieille ville. C’est en 1853 qu’il publie à Paris « Les esquisse sénégalaises » avec le sous-titre « Physionomie du pays – peuplades – commerce- religion passé et avenir- Récit et légendes ». Le principal souci de cet ouvrage était de faire connaître la Sénégambie en faisant découvrir sa géographie, ses traditions et coutumes. Il s’agissait en fait plus d’un récit ethnographique aux relents exotiques que d’un roman. Il y a eu par la suite les écrits, toujours dans la même veine que Boilat, de Paul Holle et Fréderic Carrere qui ont publié le livre « De la Sénégambie – française » en 1856. Ces deux auteurs aussi, à l’instar de Boilat,avaient pour centre d’intérêt l’aire sénégambienne.
Balbutiements d’une littérature africaine d’expression française

Les véritables écrits négro-africains n’apparaîtront qu’en 1912 avec la publication par l’imprimerie du Sénégal de l’ouvrage « La bataille de Guilé » de l’instituteur Amadou Duguay Clédor Ndiaye, suivi, une année plus tard, de son second ouvrage intitulé « De Faidherbe à Coppolani ». En 1914, Hamet Sow Télémaque, un autre instituteur, publie trois contes dans le Bulletin de l’Enseignement de l’Aof. Il s’agissait des contes suivants : « Combats des grenouilles contre les poissons », « Le lapin devant Dieu » et « Le loup qui se fait passer pour médecin ». Amadou Mapathé Diagne, également instituteur, publie en 1920, à Paris, « Les trois volontés de Malic ».

Une année auparavant, il avait publié dans les Bulletins du centre d’Etudes Historiques et Scientifiques de l’AOf l’ouvrage « Un pays de pilleurs d’épaves, le Gandiole », un récit dans lequel l’auteur, à l’instar de ses prédécesseurs, raconte l’histoire de cette partie du Sénégal. Il faut signaler que ces auteurs, tous des instituteurs, ont été formés dans les premières écoles installées dans l’ancienne capitale de l’AOF par les colons français. C’est ce qui explique tout l’amour qu’ils vouent aux colonisateurs dont ils partagent souvent la mission « civilisatrice ». Des écrits dénués de tout esprit contestataire mais qui vantent plutôt la force de la France à l’instar du premier ouvrage que l’on peut véritablement classer dans le genre romanesque.

Il s’agit de « Force Bonté » de Bakary Diallo publié en 1926 et qui constitue un véritable hymne à l’action « civilisatrice » de la France. Quoique des doutes persistent sur le fait qu’il soit le véritable auteur de cet ouvrage, cet ancien tirailleur fait les louanges du colonisateur. Parmi les écrivains saint-louisiens ayant marqué cetteépoque pionnière, on peut aussi citer Massyla Diop, un demi-frère du conteur Birago Diop, né à Dakar, mais qui a longtemps vécu dans l’ancienne capitale de l’AOF. Il est l’auteur de deux ouvrages intitulés respectivement« Le reprouvé, roman d’une Sénégalaise » et « Les chemins du salut », publiés tous les deux à Paris. Cet auteur s’est aussi essayé au journalisme puisqu’il a été chargé en 1925 de diriger la rédaction de la Revue africaine artistique et littéraire.

Ousmane Socé Diop, l’élégance saint-louisienne

Avec Ousmane Socé Diop, né à Saint Louis en 1911, la vieille ville pouvait s’enorgueillir de tenir le premier vrai écrivain autochtone dont l’ouvrage, « Karim », Grand prix Littéraire de l’AOF, continue encore d’irriguer la littérature africaine d’expression française par sa splendeur. C’est véritablement le premier roman sénégalais reconnu pour sa densité thématique. C’est ce qui explique que ce roman est toujours enseigné dans les collèges et universités africains. Dans les écoles élémentaires aussi. Ousmane Socé Diop est également l’auteur de nombreux poèmes publiés dans le recueil « Rythme du khalam » publié en 1962mais aussi dans des ouvrages comme « Contes et légendes d’Afrique Noire » en 1942.

Là, évidemment, on quitte les auteurs de l’ère coloniale pour plonger de plain-pied dans celle de l’après-indépendance. Amadou Cissé Dia, qui a été pendant de longues années le président de l’Assemblé nationale du Sénégal, né à Saint Louis, s’est illustré dans la dramaturgie avec son recueil de théâtre « Les derniers jours de Lat Dior, la mort du Damel » devenu un classique du théâtre sénégalais. Il ya également parmi ces auteurs post-indépendance, Lamine Diakhaté, auteur de nombreux ouvrages dont « Chalys d’Harlem », Grand prix littéraire d’Afrique Noire en 1979. Il est également l’auteur d’œuvres poétiques. Cet ancien ministre-conseiller à l’Unesco de Senghor né en 1927 a beaucoup marqué l’histoire littéraire du Sénégal par sa bonne maîtrise de la langue française, mais reste un inconnu pour nombre de ses compatriotes.

Aminata Sow Fall, la fée gracieuse de Ndar

Cependant, l’auteur le plus représentatif de cette époque qui va de 1960 aux années 80 demeure sans aucun doute Malick Fall prématurément arraché aux Lettres Africaines en juillet 1978. Avec son roman « La plaie », il demeure l’un des écrivains sénégalais les plus rigoureux sur le plan de l’écriture. Il s’est également illustré avec un égal bonheur dans la poésie. A travers lui, on a affaire à une plume sur laquelle la critique reste unanime quant à son élégance et la profondeur de sa pensée littéraire. C’est pourquoi des auteurs de la vieille cité veillent afin que son nom ne soit pas oublié. Ils organisent à cette fin des activités littéraires annuelles autour de sa vie et son œuvre.

Surtout, en Aminata Sow Fall Saint-Louis tient sa fée et découvre sa véritable richesse culturelle que porte cette grande dame des lettres. Une Linguère dontl’écriture est majestueuse comme son port et dont toute l’œuvre exhale les belles odeurs de son terroir. Saint Louis illumine l’œuvre de la fondatrice du Centre d’animation et d’échanges culturels (Caec) par ses richesses culinaires,l’élégance de ses habitants mais aussi leur sens de l’accueil. Sur cette plume féconde, l’écrivain Moumar Guèye écrit dans une contributionremarquable faite lors des célébrations des 140 ans de sa ville natale ceci :« Madame Sow, incontestablement, a contribué au rayonnement de Saint-Louis à son développement économique et culturel.

Par ses propres moyens, cette grande dame a construit et équipé le Centre Africain d'Animation et d'Echanges Culturels (CAEC), à deux pas de l’Université Gaston Berger. Qui donc peut aimer ou servir Saint-Louis plus qu’Aminata Sow Fall ? Par sa plume féconde, elle a écrit dans son roman : « L’appel des arènes », ces belles phrases poétiques et pleines d’élégance pour exprimer son amour viscéral pour Saint-Louis : « Mon contact avec l’île bleue de Saint-Louis restera la seule découverte de ma vie. Je n’en veux pas d'autres ». « Le deem farci n’est plus le mulet quand les doigts experts d’une Saint-Louisienne l’avaient recomposé en un joyau à déguster ». « Le ceeb u jën de Saint-Louis est doux comme un rêve ! » Toute une histoire passionnante pour son terroir.

Louis Camara, professeur de lettres, a aussi réussi à se forger un caractère littéraire trempé avec une création qui se veut universelle. Lauréat du grand prix du chef de l’Etat pour les Lettres avec son premier roman « Le choix de l’Ori », celui que l’on présente comme le conteur d’Ifa, sent aussi battre le pouls de sa vieille ville comme en attestent les couleurs, bruits et odeurs qui se dégagent de sa nouvelle « Il pleut sur Saint Louis » dans laquelle il conte le quotidien de l’île. Quant à Alioune Badara Seck, auteur de quatre ouvrages dont « Quand les génies entraient en colère », il a réussi lui aussi à se forger une véritableidentité littéraire qui se raffermit à chaque publication.

Avec son roman « La malédiction de Raabi », le poète, essayiste, romancier (et grand apôtre de la polygamie !), le colonel Moumar Guèyea réussi à se faire une place de choix dans ce creuset littéraire saint-louisien. Un creuset d’excellence. Il faut dire que Saint-Louis est une ville que le colonel Moumar Guèye porte dans son cœur et son œuvre et qu’il défend en toutes circonstances. Son dernier roman en date demeure sans aucun doute son œuvre la plus aboutie et confirme ses talents de romancier. L’actuel président de l’Association des écrivains du Sénégal, le dramaturge Alioune Badara Bèye, figure aussi parmi les natifs de la vieille ville de Saint Louis. Il s’est singulièrement illustré dans la dramaturgie avec son recueil-phare, « Nder en flammes », l’une de ses plus belles créations littéraires.

Alioune Badara Coulibaly, président du Cercle des écrivains et poètes de Saint-Louis, fait aussi partie des honorables fils de la vieille ville qui se distinguent par la qualité de leurs œuvres. Il est l’auteur de plusieurs œuvres poétiques de même que Elie Charles Moreau qui vient de publier un recueil dans le cadre de la célébration des 140 ans de la ville. Un recueil dans lequel l’auteur chante ses bonheurs d’être Saint Louisien mais aussi ses peines de voir l’environnement de sa ville se dégrader. Le titre de l’ouvrage« Saint-Louis est un infini poème d’amour » montre, s’il en était besoin, toute la passion qui lie le poète à sa ville natale. D’autres auteurs se frayent un chemin en suivant les traces de leurs aînés pour entretenir cette riche littérature.

Saint-Louis est et demeure un creuset d’intellectuels et compte parmi ses remarquables fils des essayistes commePathé Diagne que l’on ne présente plus, le linguiste Abdoulaye Bara Diop, l’éditeur Alioune Diop, le défunt pharmacien et leader politique Majhemout Diop, l’homme politique Abdoulaye Ly, Papa Guèye Ndiaye, Bakary Traoré et tant d’autres fils et figures emblématiques de cette ville chargée d’histoires.Saint – Louis du Sénégal, c’est certes 140 ans d’histoire, mais également une vie littéraire intense par la qualité de ses hommes et femmes qui continuent de faire rayonner la vieille ville avec leur plume. En tout cas, mieux que ses hommes politiques englués dans des querelles intestines. C’est tout le charme de la littérature qui traverse les ponts et enjambe les frontières et fait de leurs auteurs de véritables ambassadeurs culturels.

Alassane Seck Guèye
« Le Témoin » N° 1110 –Hebdomadaire Sénégalais (JANVIER 2013)


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1.Posté par rahne le 15/01/2013 08:17
Seulement il ya eu des écrits étouffés par les collabo des régimes coloniaux et néocoloniaux,jamais parus et censurés parce que révolutionnaires et indépendistes

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