Au Sénégal, l’on ne peut citer le nom d’un grand commerçant sans parler de Moustapha TALL. Homme d’affaires jusqu’au bout des ongles, Tall pour les intimes est dans toutes les batailles pour la défense des intérêts du commerce des denrées et de l’économie en générale. De Dakar à Washington en passant par Paris, Tokyo et Pékin, l’homme est à la recherche de partenaires fiables pour diversifier et développer ses activités. Membre du défunt conseil économique et social du Sénégal, Mr Tall a porté très haut le message de ses concitoyens jusque dans le bureau de l’ancien Président de la République. Lors d’une audience avec le Président Abdoulaye Wade, il a étalé au grand jour les problèmes que vivent les acteurs économiques à cause d’une mauvaise libéralisation du commerce en 1989 et en particulier celui du riz en 1995. Mr Tall avait même proposé à l’autorité l’organisation d’un conseil présidentiel pour corriger tous les manquements, mais malheureusement cette rencontre n’a jamais eu lieu. Cette audace et cette ténacité lui ont valu des déboires avec la Douane Sénégalaise sur un dossier dit de differenciel de péréquation.
Moustapha Tall revient dans cet entretien sur toutes ces questions.
Voulez vous revenir pour nos lecteurs sur l’objet de la rencontre avec les autorités du ministère du commerce sur le sucre.
Cette rencontre avait comme ordre du jour la distribution du 2 éme quota des 20.000 tonnes de sucre aux ayants droits. Le ministère avait déjà distribué 12.000 tonnes le mois dernier entre les différents importateurs qui ont eu à importer l’année dernière. Si vous vous souvenez avant le ramadan, il y avait un stock important de sucre invendu au niveau de la compagnie sucrière et cela est du par le fait d une importation massive par ces importateurs pilotes par l’Unacois Jappo.
En étroite collaboration avec la direction du commerce et subitement Le gouvernement est intervenu pour bloquer les importations qui avaient déjà largement dépassé les quantités autorisées qui normalement pas dépasser les 30.000 tonnes. Mais cette quantité devait être gérée par cette même organisation qui s’était engage auprès de l’état pour respecter toutes les clauses d attribution pour qu’il y ai véritablement une baisse sur le prix de vente auprès des consommateurs dans le cadre de la baisse des prix des denrées et donc s’il devait y avoir sanction cela devait être du côté de ces gens qui ont failli à leurs obligations vis a vis de l’Etat au lieu que ça soit du côté des innocents comme nous dans cette affaire et voila c’est encore ces mêmes qu’on va reconduire au détriment des autres on ne comprend pas trop cette façon de faire qui consiste a discriminer les uns contre les autres c’est cette injustice que je décriais lors de cette réunion .
Vous avez parlé d’ayants droits. Qui sont-ils ?
Ce sont ces importateurs que l’UNACOIS avait choisi comme ses propres partenaires.
Et vous, vous n’avez pas été sélectionné ?
Non, jamais. Je ne suis pas en odeur de sainteté avec ce groupe.parceque depuis mes démêlées avec la justice lors de ce dossier contentieux que je vous ai énumère plus haut de 2004 qui a fait que j’avais séjourné pendant 2 mois à la prison de Reubeuss et pendant cette épreuve si difficile de ma vie, j’ai eu a constater beaucoup d’impaires sur leurs comportements qui ont rendu très difficile la gestion de ce dossier et eux mêmes savent de quoi je parle ,mais dans la douleur j’ai pu élaguer tout cela pour essayer de dépasser cela. Ce qui m’a mis dans tous mes états, c’est le fait qu’entre les deux tours de la présidentielle de 2012 , le candidat Macky Sall, actuel Président de la République avait bien voulu réservé à notre organisation une visite de prise de contact électorale. Et comme j’avais une doléance à lui poser sur ce fameux dossier de douane de 2004 pendant qu’il était premier ministre de Wade.
J’ai été retenu parmi les intervenants par le secrétaire général de l’Unacois. A ma grande surprise celui-ci m’a rayé subitement de la liste des intervenants. Du fait que j’insistais beaucoup pour prendre la parole, l’on me donna le micro. Lors de mon intervention, et bizarrement le président de l’Unacois en personne m’a interrompu pendant que j’étais entrain de parler au candidat Sall pour lui dire en un mot « c’ est sûr que vous serez élu mais sachez que vous le serez pour réparer toutes les torts et les injustices que Wade a causé au peuple pendant ces douze dernières années, puisque si vous êtes à cette position précise c’est parce que Wade vous a causé un tort que le bon Dieu veut réparer . Donc je vous demande de commencer par mon dossier qui me tient à cœur, que vous connaissez parfaitement bien puisque pendant les faits vous étiez son premier ministre et qu’aussi tous les auteurs sont encore vivants ». Aussitôt après Macky Sall a pris la parole et s’est engagé devant toute l’assistance pour dire : « si je élu à la magistrature suprême lors des prochaines joutes, je rouvrirai tous les dossiers contentieux en commençant par le vôtre. Si jamais il ya une irrégularité, je corrigerai cela en vous rétablissant dans vos droits ».
Vous n’avez pas cherché l’arbitrage du ministère sur la répartition du quota ?
J’ai souligné cette incohérence au secrétaire général du ministère du commerce qui avait sorti ses critères qui consistaient à distribuer ce quota à ces mêmes personnes comme il l’avait fait le mois passé. Je lui ai dis que ce n’est pas normal de procéder de la sorte. Que ceux qui vont être choisi cette fois ci encore seront les mêmes que ceux de l’année 2012. Donc cela veut dire qu’il y aura un monopole de fait sur l’importation de sucre pour un petit groupe au détriment du grand nombre. Je suis acteur témoin de ce secteur depuis plusieurs décennies. J’ai assisté à toutes ces mutations à savoir, du monopole étatique à la libéralisation de l’importation du sucre avec toutes ses difficultés. J’ai été même combattu par l’ancien régime dans le dossier que je vous ai dit plus haut et plusieurs autres dossiers pour m’éliminer physiquement et financièrement mais en vain. D’ailleurs s’il devait y avoir un martyr dans cette corporation c’est bien moi. S’il y a des opérateurs qui ont enduré ce que j’ai subi alors, ils n’ont pas survécu pour le raconter. Donc, je suis là pour revendiquer haut et fort notre part et d’ailleurs pour votre information j’avais aussitôt la fin de cette réunion envoyé une demande de quota sur les 5000 t restantes. Jusqu’à nos jours aucune réponse.
Au fait, c’est quoi votre différent avec l’Etat ?
L’Etat m’accusait de fraude sur le sucre. L’accusation portait selon eux sur un différent de péréquation. La péréquation n’est pas une taxe. C’est un montant que la Douane met sur le coût du prix de revient qui renchérissait un peu le prix de vente du sucre contrairement aux préoccupations de l’actuel régime. Je ne maitrise pas trop le mécanisme, même le transitaire n’est pas habilité ; c’est le rôle de l’inspecteur de la Douane qui est chargé de gérer la déclaration au niveau du cordon. Donc voyez-vous, toutes ces deux personnes ne sont pas sous mes ordres ; ils sont tous des responsables . La Douane a un système verrouillé de telle sorte que personne ne peut échapper au contrôle. Si même ta déclaration est saisie avec un retard d’un jour par rapport au délai arrêté qui est de 45 jours.
Dans ces cas, tu n’es plus dans la fourchette des tarifs indiqués, mais sur un autre registre qui consiste à te taxer sur la valeur du spot la plus faible pour une péréquation plus élevée pour protéger les intérêts de la Douane. Cela est dur, mais c’est comme ça et on y peut rien ; puisque dit-on c’est pour protéger l’industrie sucrière. Donc, comment on peut dans son bureau fermé et dire que telle personne a payé ou n’a pas payer sur plusieurs déclarations d’importations sans lui demander les quittances du trésor et les déclarations afférentes ? Ce sont les quittances qui peuvent justifier si l’on a payé réellement par rapport à des dossiers bien déterminés. Et dans ce cas précis, on ne m’a jamais demandé de dossier ni de quittances pour justifier au moins la confection de ces dits procès verbaux de Douanes. Cela montre clairement que c’était un dossier fabriqué de toutes pièces par ces auteurs qui sont des agents assermentés.
En effet avant que la justice ne m’interpelle, j’avais eu l’information de sources sûres que le gouvernement préparait un dossier sur moi. Quand on m’a convoqué à la Douane, j’ai trouvé qu’ils avaient déjà confectionné déjà 7 procès verbaux sur le même sujet en disant que toutes les importations que j’ai eues à faire dans ma vie n’ont jamais payées de péréquations normales comme pour dire que la Douane Sénégalaise était sous mes ordres.
Les enquêtes Douanières qui avaient à sa tête le Colonel M. Diagne ont fini de fabriquer ces fameux procès verbaux pour un chiffre global de 650 millions. Ils m’ont demandé de les signer, ce que j’ai absolument refusé en leur disant que je ne signe pas sur des PV qu’on a confectionné à mon insu. Ils m’ont dit qu’ils étaient pressés par les autorités, de terminer ce dossier et aussi si je ne signe pas la loi leur permet d’afficher et d’envoyer une plainte et je leur ai dit : « faites ce que vous devez faire, je vous attends ». A ma sortie de la Douane, j’appelle le chef du transit Mr Toure de la Sdv qui avait déclaré la marchandise et qui devait être avec moi à la Douane. Au bout du fil, il m’a tout simplement dit qu’il avait déjà signé le document et pour mon information que le juge du 3èmecabinet était au point de m’arrêter, tout en me disant : « Il faut aller voir le défunt Khalif général Serigne Saliou MBACKE, c’est seulement lui qui peut vous sortir de cette situation ».
Sachant que je ne pouvais pas aller voir Serigne Saliou MBACKE pour cela, j’ai appelé le procureur. Celui-ci m’a informé que le juge du 3èmecabinet avait effectivement demandé sa signature sur un réquisitoire pour pouvoir me convoquer et m’arrêter dans le cadre de l’enquête d’un autre dossier de Douane. Ce dossier s’intitulait : le dossier des bons à enlever ; qui était aussi un autre faux dossier qui s’est terminé par un non lieu. J’ai expliqué alors toute la problématique du dossier au procureur qui m’a dit : « c’est bien, vous m’avez aidé à travers vos explications à mieux m’imprégner du problème. J’ai demandé au juge de m’apporter le dossier ». Mais jusqu’à nos jours ce juge n’a pas amené le dossier au procureur. Le juge a attendu que le procureur parte en vacances pour qu’il fasse signé ce réquisitoire à un des substituts du procureur.
Je me pose la question de savoir, comment un juge ose t-il faire ce genre de manigance sur le dos de son procureur et sans craindre quoi que ce soit ? On peut maintenant comprendre aisément que ce sont les autorités suprêmes qui ont demandé au juge de le faire et sans risque. Ils ont entravé toutes les règles. Ils m’ont arrêté et mis en prison arbitrairement, sans même le moindre interrogatoire. Donc c’est pour cette raison que le juge ne pouvait m’interroger. Il a préféré m’arrêter arbitrairement, me laisser en prison et aller en vacances à l’étranger pendant 45 jours pour me pousser à accepter l’inacceptable.
C’est dans cette période que les dirigeants de l’UNACOIS sont venus me voir. Je leur ai expliqué le problème et à la fin de l’entretien, ils ont tous dit que désormais ce différent avec la justice est leur combat. « Si nous acceptons qu’ils vous fassent cela aujourd’hui, ils feront pire la prochaine fois. Nous n’accepterons jamais cela. Nous allons nous battre et combattre cette injustice ».
Ils ont organisé une grève en décrétant une ville morte ; mais avec trois semaines de retard en me laissant en prison. Depuis lors, plus rien jusqu’à ma sortie de prison. Je les ai interpelés, ils ont dit que ma famille était venue leur demander d’arrêter la grève. Je leur ai répondu en disant : « pourquoi vous n’aviez pas demandé à ma famille de vous donner son accord pendant que vous vouliez faire votre grève.
Je combats cette injustice depuis des années sans l’aide de l’UNACOIS. J’ai interpelé le Président sortant Me Abdoulaye WADE, le Premier Ministre et le Ministre du commerce de l’époque sans l’UNACOIS. J’ai aussi plusieurs fois interpelé l’actuel Président de l’Unacois Mr Thiam sur la question pour qu’il aille avec moi auprès du ministre du commerce pour régler le problème mais en vain. Le Président n’a jamais répondu à mon appel. Trop c’est trop et j’ai décidé de ne plus me rendre au siège de cette association.
A ce que je sache, les dirigeants de l’UNACOIS doivent défendre les commerçants, mais non pas combattre ceux qui sont dans le métier. Ils doivent avoir comme seul mot d’ordre la défense des intérêts moraux de la corporation.
Aujourd’hui ces syndicalistes sont au service des autorités. Et ce sont eux-mêmes qui crient sur tous les toits pour dire que nous sommes avec Président de la République. Est-ce qu’un syndicat doit se comporter de la sorte ? Non ! Ils ont failli à leur mission qui est de défendre et de protéger les opprimés.
Avez-vous pensé à approcher le Président de la République pour dénouer cette situation ?
Ils sont avec le Président de la République. Ils ont raconté assez de choses au chef de l’Etat sur ma personne. Vue ce qui c’est passé lorsque le Président est venu nous rendre visite à notre siège, celui-ci ne veut même pas me recevoir et les dirigeants de l’Unacois sont avec lui tous les jours. Donc le fait que je ne sois pas reçu jusqu’à présent par le Président de la République, je peux jurer que ce sont eux qui sont à la base de tout cela. D’ailleurs même le comportement de LAKH (SG du ministère du commerce) l’autre jour en s’adressant à moi disait long sur cette cabale contre ma personne.
J’ai écris au Président de la République plusieurs correspondances qui sont restées sans suite. Et pourtant, il avait tenu la promesse de régler le problème durant la campagne et ceci devant toute l’assistance. Une deuxième fois, le Président Macky a encore renouvelé la promesse, c’était lors du dernier conseil présidentiel sur l’investissement tenu le 14 décembre 2012 au King Fahd palace devant toute la République pour dire que l’ affaire était entrain d’être réglé et jusqu’ à nos jours rien n’est fait et nous sommes en Octobre 2013.
En tant opérateur économique, comment jugez-vous la situation économique du Sénégal ?
C’est dommage de voir le Sénégal dans la situation actuelle. On avait tout à gagner et à se développer avec la première alternance. Il y avait un engouement et un espoir pour booster l’économie du pays. Le peuple avait un espoir extraordinaire pour le régime en place. Mais ce régime n’a pas pu exploiter cette occasion pour transformer cette force vive de la jeunesse vers le développement.
Tout est une question de leadership. La chine s’est développée parce qu’il y avait un visionnaire courageux a la tête de l’Etat. Dans un pays, il faut toujours organiser le peuple autour d’un idéal pour se développer. Le peuple doit s’approprier le culte du travail pour sortir de l’ornière. Il y a trop de politique au Sénégal. Il n’est pas acceptable d’avoir plus de 200 partis politiques pour une population de 12 millions d’habitants et un corps électoral qui n’avoisine pas les 5 millions.
Nous devons revoir la constitution, car il y a trop d’incohérences qui encouragent certaines pratiques et des comportements qui à la longue freinent le développement. Il faut les corriger.
Avez-vous une solution pour une autosuffisance du Sénégal en riz?
Bien sûr, j’ai la solution pour atteindre une autosuffisance en riz pour notre pays dans un délai de cinq(5) ans. Je tiens ce discours depuis des années et j’ai adressé des correspondances aux autorités de ce pays plusieurs fois. Avec un système de commercialisation et une parfaite organisation de la filière l’on peut arriver à régler le problème du riz au Sénégal. Je l’ai dit dans plusieurs interviews à travers les medias nationaux et internationaux. C’est un sujet très important que l’on ne prenne pas à sa juste valeur et c’est extrêmement dangereux pour notre pays. Regardez ce qui se passe dans le secteur de l’énergie et de l’hydraulique. Ces deux ressources sont produites au pays. Imaginez un instant pour le riz qui est une denrée stratégique que nous importons sans discontinue depuis l’Asie. Imaginez qu’il ait un quelconque problème qui nous empêcherez d’être livrer à temps avec tout ce que cela pourrait causer comme conséquences à notre pays. Donc il vaut mieux prévenir que de guérir.
Pour vous, qu’est ce qui explique cette instabilité à la tête du ministère du commerce ?
C’est un manque de vision, cela se vérifie dans tous les ministères. Pour avoir une vision, il faut avoir un programme et cela manque à nos dirigeants. Pour aller d’un point A à un point B, il faut tracer une route et c’est cela qui manque à nos gouvernants. Un pilotage à vue n’a jamais développé un pays.
Comment jugez-vous cette traque des biens mal acquis ?
C’est une bonne chose. Cela rassure les investisseurs. Ils se sentent dans un pays sécurisé où on ne fait pas n’importe quoi. Cette traque est un gage de sécurité. L’investisseur a besoin de cela pour mettre son argent.
Aujourd’hui l’Etat est invité à mettre en place des gardes fous pour empêcher d’éventuelles fraudes ou détournements de ce genre. Mettre en place des mécanismes de contrôle et faire en sorte qu’il n’y ait plus ces genres de pratiques dans ce pays pour sauvegarder nos maigres deniers.
Les populations de Kaolack vous réclament à la tête de la commune. Que répondez-vous ?
Effectivement, j’ai été interpellé par les populations de Kaolack. Mais je me donne un temps de réflexion sur cette proposition, car la politique ne rime pas trop avec les affaires. C’est un appel de mes frères et sœurs que je comprends très bien. Je réfléchis pour voir si cela en vaut la peine, vu mon tempérament, mon caractère et ma disponibilité. Cela va être difficile pour moi de répondre à cet appel politique. Je préfère aider la population autrement que de s’engager dans l’arène politique. Parce qu’il y a trop de risques pour quelqu’un comme moi.
Si j’avais arrêté les affaires, je pouvais bien me consacrer à la politique, mais ce n’est pas le cas présentement.
Vous êtes citoyen Sénégalais. Quelle appréciation faites-vous de ce nouveau gouvernement ?
A mon avis, le gouvernement précédent tournait en rond durant les 18 mois passés au pouvoir. Il avait aussi à remettre beaucoup de choses en place avec la gabegie laissée par le règne de Wade. Je m’attendais à ce que ce gouvernement ait un état de grâce plus long, mais cela n’a pas était le cas, les urgences sont là. Ce remaniement est une surprise pour moi, car des amis et moi se sont ligués pour sauver le Premier Ministre lors du vote de la motion de censure de l’opposition.
Le gouvernement d’Abdoul Mbaye a péché sur les histoires de la traque des biens mal acquis et de l’affaire de Hissein Habré, alors que le peuple attend du pain et du travail. L’homme Aboul Mbaye a réussi partout là où il est passé. Mais l’exercice du pouvoir diffère de celui des finances. On n’avait besoin d’un Premier Ministre apolitique pour traduire la vision du chef de l’Etat dans un terrain technique, mais hélas !
Je souhaite pleine chance à cette nouvelle équipe qui vient d’arriver tout en leur disant que cela va être difficile dans ce contexte mondial perturbé.
BMB et SD
Moustapha Tall revient dans cet entretien sur toutes ces questions.
Voulez vous revenir pour nos lecteurs sur l’objet de la rencontre avec les autorités du ministère du commerce sur le sucre.
Cette rencontre avait comme ordre du jour la distribution du 2 éme quota des 20.000 tonnes de sucre aux ayants droits. Le ministère avait déjà distribué 12.000 tonnes le mois dernier entre les différents importateurs qui ont eu à importer l’année dernière. Si vous vous souvenez avant le ramadan, il y avait un stock important de sucre invendu au niveau de la compagnie sucrière et cela est du par le fait d une importation massive par ces importateurs pilotes par l’Unacois Jappo.
En étroite collaboration avec la direction du commerce et subitement Le gouvernement est intervenu pour bloquer les importations qui avaient déjà largement dépassé les quantités autorisées qui normalement pas dépasser les 30.000 tonnes. Mais cette quantité devait être gérée par cette même organisation qui s’était engage auprès de l’état pour respecter toutes les clauses d attribution pour qu’il y ai véritablement une baisse sur le prix de vente auprès des consommateurs dans le cadre de la baisse des prix des denrées et donc s’il devait y avoir sanction cela devait être du côté de ces gens qui ont failli à leurs obligations vis a vis de l’Etat au lieu que ça soit du côté des innocents comme nous dans cette affaire et voila c’est encore ces mêmes qu’on va reconduire au détriment des autres on ne comprend pas trop cette façon de faire qui consiste a discriminer les uns contre les autres c’est cette injustice que je décriais lors de cette réunion .
Vous avez parlé d’ayants droits. Qui sont-ils ?
Ce sont ces importateurs que l’UNACOIS avait choisi comme ses propres partenaires.
Et vous, vous n’avez pas été sélectionné ?
Non, jamais. Je ne suis pas en odeur de sainteté avec ce groupe.parceque depuis mes démêlées avec la justice lors de ce dossier contentieux que je vous ai énumère plus haut de 2004 qui a fait que j’avais séjourné pendant 2 mois à la prison de Reubeuss et pendant cette épreuve si difficile de ma vie, j’ai eu a constater beaucoup d’impaires sur leurs comportements qui ont rendu très difficile la gestion de ce dossier et eux mêmes savent de quoi je parle ,mais dans la douleur j’ai pu élaguer tout cela pour essayer de dépasser cela. Ce qui m’a mis dans tous mes états, c’est le fait qu’entre les deux tours de la présidentielle de 2012 , le candidat Macky Sall, actuel Président de la République avait bien voulu réservé à notre organisation une visite de prise de contact électorale. Et comme j’avais une doléance à lui poser sur ce fameux dossier de douane de 2004 pendant qu’il était premier ministre de Wade.
J’ai été retenu parmi les intervenants par le secrétaire général de l’Unacois. A ma grande surprise celui-ci m’a rayé subitement de la liste des intervenants. Du fait que j’insistais beaucoup pour prendre la parole, l’on me donna le micro. Lors de mon intervention, et bizarrement le président de l’Unacois en personne m’a interrompu pendant que j’étais entrain de parler au candidat Sall pour lui dire en un mot « c’ est sûr que vous serez élu mais sachez que vous le serez pour réparer toutes les torts et les injustices que Wade a causé au peuple pendant ces douze dernières années, puisque si vous êtes à cette position précise c’est parce que Wade vous a causé un tort que le bon Dieu veut réparer . Donc je vous demande de commencer par mon dossier qui me tient à cœur, que vous connaissez parfaitement bien puisque pendant les faits vous étiez son premier ministre et qu’aussi tous les auteurs sont encore vivants ». Aussitôt après Macky Sall a pris la parole et s’est engagé devant toute l’assistance pour dire : « si je élu à la magistrature suprême lors des prochaines joutes, je rouvrirai tous les dossiers contentieux en commençant par le vôtre. Si jamais il ya une irrégularité, je corrigerai cela en vous rétablissant dans vos droits ».
Vous n’avez pas cherché l’arbitrage du ministère sur la répartition du quota ?
J’ai souligné cette incohérence au secrétaire général du ministère du commerce qui avait sorti ses critères qui consistaient à distribuer ce quota à ces mêmes personnes comme il l’avait fait le mois passé. Je lui ai dis que ce n’est pas normal de procéder de la sorte. Que ceux qui vont être choisi cette fois ci encore seront les mêmes que ceux de l’année 2012. Donc cela veut dire qu’il y aura un monopole de fait sur l’importation de sucre pour un petit groupe au détriment du grand nombre. Je suis acteur témoin de ce secteur depuis plusieurs décennies. J’ai assisté à toutes ces mutations à savoir, du monopole étatique à la libéralisation de l’importation du sucre avec toutes ses difficultés. J’ai été même combattu par l’ancien régime dans le dossier que je vous ai dit plus haut et plusieurs autres dossiers pour m’éliminer physiquement et financièrement mais en vain. D’ailleurs s’il devait y avoir un martyr dans cette corporation c’est bien moi. S’il y a des opérateurs qui ont enduré ce que j’ai subi alors, ils n’ont pas survécu pour le raconter. Donc, je suis là pour revendiquer haut et fort notre part et d’ailleurs pour votre information j’avais aussitôt la fin de cette réunion envoyé une demande de quota sur les 5000 t restantes. Jusqu’à nos jours aucune réponse.
Au fait, c’est quoi votre différent avec l’Etat ?
L’Etat m’accusait de fraude sur le sucre. L’accusation portait selon eux sur un différent de péréquation. La péréquation n’est pas une taxe. C’est un montant que la Douane met sur le coût du prix de revient qui renchérissait un peu le prix de vente du sucre contrairement aux préoccupations de l’actuel régime. Je ne maitrise pas trop le mécanisme, même le transitaire n’est pas habilité ; c’est le rôle de l’inspecteur de la Douane qui est chargé de gérer la déclaration au niveau du cordon. Donc voyez-vous, toutes ces deux personnes ne sont pas sous mes ordres ; ils sont tous des responsables . La Douane a un système verrouillé de telle sorte que personne ne peut échapper au contrôle. Si même ta déclaration est saisie avec un retard d’un jour par rapport au délai arrêté qui est de 45 jours.
Dans ces cas, tu n’es plus dans la fourchette des tarifs indiqués, mais sur un autre registre qui consiste à te taxer sur la valeur du spot la plus faible pour une péréquation plus élevée pour protéger les intérêts de la Douane. Cela est dur, mais c’est comme ça et on y peut rien ; puisque dit-on c’est pour protéger l’industrie sucrière. Donc, comment on peut dans son bureau fermé et dire que telle personne a payé ou n’a pas payer sur plusieurs déclarations d’importations sans lui demander les quittances du trésor et les déclarations afférentes ? Ce sont les quittances qui peuvent justifier si l’on a payé réellement par rapport à des dossiers bien déterminés. Et dans ce cas précis, on ne m’a jamais demandé de dossier ni de quittances pour justifier au moins la confection de ces dits procès verbaux de Douanes. Cela montre clairement que c’était un dossier fabriqué de toutes pièces par ces auteurs qui sont des agents assermentés.
En effet avant que la justice ne m’interpelle, j’avais eu l’information de sources sûres que le gouvernement préparait un dossier sur moi. Quand on m’a convoqué à la Douane, j’ai trouvé qu’ils avaient déjà confectionné déjà 7 procès verbaux sur le même sujet en disant que toutes les importations que j’ai eues à faire dans ma vie n’ont jamais payées de péréquations normales comme pour dire que la Douane Sénégalaise était sous mes ordres.
Les enquêtes Douanières qui avaient à sa tête le Colonel M. Diagne ont fini de fabriquer ces fameux procès verbaux pour un chiffre global de 650 millions. Ils m’ont demandé de les signer, ce que j’ai absolument refusé en leur disant que je ne signe pas sur des PV qu’on a confectionné à mon insu. Ils m’ont dit qu’ils étaient pressés par les autorités, de terminer ce dossier et aussi si je ne signe pas la loi leur permet d’afficher et d’envoyer une plainte et je leur ai dit : « faites ce que vous devez faire, je vous attends ». A ma sortie de la Douane, j’appelle le chef du transit Mr Toure de la Sdv qui avait déclaré la marchandise et qui devait être avec moi à la Douane. Au bout du fil, il m’a tout simplement dit qu’il avait déjà signé le document et pour mon information que le juge du 3èmecabinet était au point de m’arrêter, tout en me disant : « Il faut aller voir le défunt Khalif général Serigne Saliou MBACKE, c’est seulement lui qui peut vous sortir de cette situation ».
Sachant que je ne pouvais pas aller voir Serigne Saliou MBACKE pour cela, j’ai appelé le procureur. Celui-ci m’a informé que le juge du 3èmecabinet avait effectivement demandé sa signature sur un réquisitoire pour pouvoir me convoquer et m’arrêter dans le cadre de l’enquête d’un autre dossier de Douane. Ce dossier s’intitulait : le dossier des bons à enlever ; qui était aussi un autre faux dossier qui s’est terminé par un non lieu. J’ai expliqué alors toute la problématique du dossier au procureur qui m’a dit : « c’est bien, vous m’avez aidé à travers vos explications à mieux m’imprégner du problème. J’ai demandé au juge de m’apporter le dossier ». Mais jusqu’à nos jours ce juge n’a pas amené le dossier au procureur. Le juge a attendu que le procureur parte en vacances pour qu’il fasse signé ce réquisitoire à un des substituts du procureur.
Je me pose la question de savoir, comment un juge ose t-il faire ce genre de manigance sur le dos de son procureur et sans craindre quoi que ce soit ? On peut maintenant comprendre aisément que ce sont les autorités suprêmes qui ont demandé au juge de le faire et sans risque. Ils ont entravé toutes les règles. Ils m’ont arrêté et mis en prison arbitrairement, sans même le moindre interrogatoire. Donc c’est pour cette raison que le juge ne pouvait m’interroger. Il a préféré m’arrêter arbitrairement, me laisser en prison et aller en vacances à l’étranger pendant 45 jours pour me pousser à accepter l’inacceptable.
C’est dans cette période que les dirigeants de l’UNACOIS sont venus me voir. Je leur ai expliqué le problème et à la fin de l’entretien, ils ont tous dit que désormais ce différent avec la justice est leur combat. « Si nous acceptons qu’ils vous fassent cela aujourd’hui, ils feront pire la prochaine fois. Nous n’accepterons jamais cela. Nous allons nous battre et combattre cette injustice ».
Ils ont organisé une grève en décrétant une ville morte ; mais avec trois semaines de retard en me laissant en prison. Depuis lors, plus rien jusqu’à ma sortie de prison. Je les ai interpelés, ils ont dit que ma famille était venue leur demander d’arrêter la grève. Je leur ai répondu en disant : « pourquoi vous n’aviez pas demandé à ma famille de vous donner son accord pendant que vous vouliez faire votre grève.
Je combats cette injustice depuis des années sans l’aide de l’UNACOIS. J’ai interpelé le Président sortant Me Abdoulaye WADE, le Premier Ministre et le Ministre du commerce de l’époque sans l’UNACOIS. J’ai aussi plusieurs fois interpelé l’actuel Président de l’Unacois Mr Thiam sur la question pour qu’il aille avec moi auprès du ministre du commerce pour régler le problème mais en vain. Le Président n’a jamais répondu à mon appel. Trop c’est trop et j’ai décidé de ne plus me rendre au siège de cette association.
A ce que je sache, les dirigeants de l’UNACOIS doivent défendre les commerçants, mais non pas combattre ceux qui sont dans le métier. Ils doivent avoir comme seul mot d’ordre la défense des intérêts moraux de la corporation.
Aujourd’hui ces syndicalistes sont au service des autorités. Et ce sont eux-mêmes qui crient sur tous les toits pour dire que nous sommes avec Président de la République. Est-ce qu’un syndicat doit se comporter de la sorte ? Non ! Ils ont failli à leur mission qui est de défendre et de protéger les opprimés.
Avez-vous pensé à approcher le Président de la République pour dénouer cette situation ?
Ils sont avec le Président de la République. Ils ont raconté assez de choses au chef de l’Etat sur ma personne. Vue ce qui c’est passé lorsque le Président est venu nous rendre visite à notre siège, celui-ci ne veut même pas me recevoir et les dirigeants de l’Unacois sont avec lui tous les jours. Donc le fait que je ne sois pas reçu jusqu’à présent par le Président de la République, je peux jurer que ce sont eux qui sont à la base de tout cela. D’ailleurs même le comportement de LAKH (SG du ministère du commerce) l’autre jour en s’adressant à moi disait long sur cette cabale contre ma personne.
J’ai écris au Président de la République plusieurs correspondances qui sont restées sans suite. Et pourtant, il avait tenu la promesse de régler le problème durant la campagne et ceci devant toute l’assistance. Une deuxième fois, le Président Macky a encore renouvelé la promesse, c’était lors du dernier conseil présidentiel sur l’investissement tenu le 14 décembre 2012 au King Fahd palace devant toute la République pour dire que l’ affaire était entrain d’être réglé et jusqu’ à nos jours rien n’est fait et nous sommes en Octobre 2013.
En tant opérateur économique, comment jugez-vous la situation économique du Sénégal ?
C’est dommage de voir le Sénégal dans la situation actuelle. On avait tout à gagner et à se développer avec la première alternance. Il y avait un engouement et un espoir pour booster l’économie du pays. Le peuple avait un espoir extraordinaire pour le régime en place. Mais ce régime n’a pas pu exploiter cette occasion pour transformer cette force vive de la jeunesse vers le développement.
Tout est une question de leadership. La chine s’est développée parce qu’il y avait un visionnaire courageux a la tête de l’Etat. Dans un pays, il faut toujours organiser le peuple autour d’un idéal pour se développer. Le peuple doit s’approprier le culte du travail pour sortir de l’ornière. Il y a trop de politique au Sénégal. Il n’est pas acceptable d’avoir plus de 200 partis politiques pour une population de 12 millions d’habitants et un corps électoral qui n’avoisine pas les 5 millions.
Nous devons revoir la constitution, car il y a trop d’incohérences qui encouragent certaines pratiques et des comportements qui à la longue freinent le développement. Il faut les corriger.
Avez-vous une solution pour une autosuffisance du Sénégal en riz?
Bien sûr, j’ai la solution pour atteindre une autosuffisance en riz pour notre pays dans un délai de cinq(5) ans. Je tiens ce discours depuis des années et j’ai adressé des correspondances aux autorités de ce pays plusieurs fois. Avec un système de commercialisation et une parfaite organisation de la filière l’on peut arriver à régler le problème du riz au Sénégal. Je l’ai dit dans plusieurs interviews à travers les medias nationaux et internationaux. C’est un sujet très important que l’on ne prenne pas à sa juste valeur et c’est extrêmement dangereux pour notre pays. Regardez ce qui se passe dans le secteur de l’énergie et de l’hydraulique. Ces deux ressources sont produites au pays. Imaginez un instant pour le riz qui est une denrée stratégique que nous importons sans discontinue depuis l’Asie. Imaginez qu’il ait un quelconque problème qui nous empêcherez d’être livrer à temps avec tout ce que cela pourrait causer comme conséquences à notre pays. Donc il vaut mieux prévenir que de guérir.
Pour vous, qu’est ce qui explique cette instabilité à la tête du ministère du commerce ?
C’est un manque de vision, cela se vérifie dans tous les ministères. Pour avoir une vision, il faut avoir un programme et cela manque à nos dirigeants. Pour aller d’un point A à un point B, il faut tracer une route et c’est cela qui manque à nos gouvernants. Un pilotage à vue n’a jamais développé un pays.
Comment jugez-vous cette traque des biens mal acquis ?
C’est une bonne chose. Cela rassure les investisseurs. Ils se sentent dans un pays sécurisé où on ne fait pas n’importe quoi. Cette traque est un gage de sécurité. L’investisseur a besoin de cela pour mettre son argent.
Aujourd’hui l’Etat est invité à mettre en place des gardes fous pour empêcher d’éventuelles fraudes ou détournements de ce genre. Mettre en place des mécanismes de contrôle et faire en sorte qu’il n’y ait plus ces genres de pratiques dans ce pays pour sauvegarder nos maigres deniers.
Les populations de Kaolack vous réclament à la tête de la commune. Que répondez-vous ?
Effectivement, j’ai été interpellé par les populations de Kaolack. Mais je me donne un temps de réflexion sur cette proposition, car la politique ne rime pas trop avec les affaires. C’est un appel de mes frères et sœurs que je comprends très bien. Je réfléchis pour voir si cela en vaut la peine, vu mon tempérament, mon caractère et ma disponibilité. Cela va être difficile pour moi de répondre à cet appel politique. Je préfère aider la population autrement que de s’engager dans l’arène politique. Parce qu’il y a trop de risques pour quelqu’un comme moi.
Si j’avais arrêté les affaires, je pouvais bien me consacrer à la politique, mais ce n’est pas le cas présentement.
Vous êtes citoyen Sénégalais. Quelle appréciation faites-vous de ce nouveau gouvernement ?
A mon avis, le gouvernement précédent tournait en rond durant les 18 mois passés au pouvoir. Il avait aussi à remettre beaucoup de choses en place avec la gabegie laissée par le règne de Wade. Je m’attendais à ce que ce gouvernement ait un état de grâce plus long, mais cela n’a pas était le cas, les urgences sont là. Ce remaniement est une surprise pour moi, car des amis et moi se sont ligués pour sauver le Premier Ministre lors du vote de la motion de censure de l’opposition.
Le gouvernement d’Abdoul Mbaye a péché sur les histoires de la traque des biens mal acquis et de l’affaire de Hissein Habré, alors que le peuple attend du pain et du travail. L’homme Aboul Mbaye a réussi partout là où il est passé. Mais l’exercice du pouvoir diffère de celui des finances. On n’avait besoin d’un Premier Ministre apolitique pour traduire la vision du chef de l’Etat dans un terrain technique, mais hélas !
Je souhaite pleine chance à cette nouvelle équipe qui vient d’arriver tout en leur disant que cela va être difficile dans ce contexte mondial perturbé.
BMB et SD