Pour connaître les rudesses de la colonisation, la politique du "diviser pour mieux régner" et les affres du fameux Code de l'indigénat, l’étude du parcours de cet homme constitue un bon terrain d’études.
À partir de plusieurs sources, on peut obtenir une courte synthèse de sa vie et de son œuvre.
Originaire du Baol, mais né à Saint-Louis, Mody Mbaye est à partir de 1894 instituteur à l’école des fils de chefs à Saint-Louis puis directeur de l’école de Fandène à Thiès en 1902. Au mois de septembre de cette année, il est licencié sur décision du gouverneur parce qu’il se serait livré à des activités commerciales jugées incompatibles avec sa fonction. Mais la cause réelle de son renvoi est qu’il effectuait des tournées dans la région pour assister les pauvres paysans qui subissaient les brimades des chefs traditionnels.
Mody Mbaye s’était donné comme mission de traquer les chefs indigènes et les administrateurs oppresseurs des populations, en plein régime de protectorat (un régime qui substitue à l’administration directe l’autorité des chefs traditionnels qui eux-mêmes étaient sous le contrôle d’administrateurs coloniaux).
Mbaye essaya de se reconvertir et obtient un poste d’opérateur économique à Toul. L’administrateur de Thiès voit la nomination d’un mauvais œil et s’oppose à son embauche. Mbaye ne se décourage pas et devient écrivain public (s’occupe de la rédaction de courriers et d’actes administratifs).
C’est en se livrant à ce métier qu’il eut vent de l’affaire du meurtre de l’administrateur Chautemps par Sarithia Dièye, ami et défenseur de Dieri Dior Ndella. Une affaire qui défraya la chronique à l’époque et que les griots continuent de narrer. Dieri Dior Ndella fut finalement tué par son beau-frère Canar Fall, sa tête et son bras exhibés sur la place du marché de Thiès. Sarithia Dièye est, lui, condamné 20 ans de prison puis exilé en Guyane. Rappelons ici que les deux fuyards s’étaient réfugiés un moment à Thieytou chez Massamba Sassoum Diop, le grand-père de Cheikh Anta Diop.
Mody Mbaye pour se racheter, prétendit avoir contribué à la chasse à l’homme et demanda comme récompense d’être nommé chef du Baol occidental. Il n’obtint pas le poste. Il voulut être intégré comme enseignant, le gouverneur Roume rejeta sa demande.
Mbaye ne cessa pas pour autant sa lutte contre l’arbitraire. Il accentua la surveillance sur les chefs indigènes et les administrateurs véreux. Son ami Khaly Boye, commis au télégraphe, l’aida à accéder aux messages des administrateurs. En 1907, il releva plusieurs délits (torture, emprisonnements injustes, incitation au suicide, etc.) commis par l’administrateur colonial Manetche. Mais deux commissions mises en place après la plainte de Mody Mbaye, blanchirent cet administrateur. Une contre-enquête entraîna la révocation de Khaly Boye et d’un autre commis, Yaya Diop. Mody Mbaye fut épargné grâce aux relations qu’il noua avec la Ligue des droits de l’homme.
En 1909, l’administration voulu le réintégrer en tant qu’enseignant mais le gouverneur du Sénégal opposa son véto. Il poursuivit son travail d’écrivain public en même temps que sa campagne de dénonciation des exactions. En 1911, il accuse Meïssa Mbaye et Macodou Sall, deux chefs coutumiers, de rançonner de pauvres indigènes. Ses investigations le menèrent à des hommes de la haute administration. Il bénéficia de l’aide de deux juristes, Paul Sabourault et Louis Huchard, un créole vivant à Gorée, qui s’est longuement battu pour les droits des indigènes et contre le monopole exercé par les grands commerces français. Louis Huchard devrait d’ailleurs être connu de tout journaliste sénégalais. On dit de lui qu’il est le fondateur de la presse indépendante d’expression française au Sénégal.
Mody Mbaye collabore avec des journaux et rédige des lettres de dénonciation en faveur des indigènes. Il prit notamment la défense d’un certain Ousseynou Babou accusé par l’administrateur de Kaolack Paul Brocard. Ce dernier n’apprécia pas l’intervention de Mbaye. Il profita d’un séjour de celui-ci à Kaolack en 1913, pour le faire arrêter. Mbaye est condamné sans jugement à 15 jours de prison, en dépit du fait qu’il a été ressortissant des quatre communes et détenteur d’une carte d’électeur. L’administrateur Brocard resta ferme. Mbaye contacta ses relations, le gouverneur général, puis saisit la Ligue des droits de l’homme qui réagit par l’entremise de son président. Le conseiller général Galandou Diouf vient à son secours. Il est finalement libéré le 11 avril 1913.
Les déboires de Mody Mbaye vont bouleverser toute l’activité politique dans la colonie. Ses aventures vont pousser les élites du pays à revendiquer plus de droits. Blaise Diagne s’inspirera de Mbaye qui appuiera d’ailleurs sa candidature au Parlement français. Plus tard, Lamine Guèye, inspiré par tout ce bouillonnement politique parti de l’action de Mody Mbaye, rédigea sa thèse de doctorat sur la situation politique des originaires des communes.
Mbaye se retire à Diourbel à partir de 1916 et reprend ses activités d’écrivain public.
Contestataire et observateur critique de la gestion du territoire, Mody Mbaye savait comment troubler la quiétude des administrateurs coloniaux.
On peut dire sans se tromper que Mbaye, malgré quelques erreurs, notamment son rôle supposé dans l’affaire "Diéri Dior Ndella", est l’ancêtre politique des activistes de FRAPP/France Dégage et de tous les contestataires et dénonciateurs des mauvaises politiques publiques de l’administration.
À partir de plusieurs sources, on peut obtenir une courte synthèse de sa vie et de son œuvre.
Originaire du Baol, mais né à Saint-Louis, Mody Mbaye est à partir de 1894 instituteur à l’école des fils de chefs à Saint-Louis puis directeur de l’école de Fandène à Thiès en 1902. Au mois de septembre de cette année, il est licencié sur décision du gouverneur parce qu’il se serait livré à des activités commerciales jugées incompatibles avec sa fonction. Mais la cause réelle de son renvoi est qu’il effectuait des tournées dans la région pour assister les pauvres paysans qui subissaient les brimades des chefs traditionnels.
Mody Mbaye s’était donné comme mission de traquer les chefs indigènes et les administrateurs oppresseurs des populations, en plein régime de protectorat (un régime qui substitue à l’administration directe l’autorité des chefs traditionnels qui eux-mêmes étaient sous le contrôle d’administrateurs coloniaux).
Mbaye essaya de se reconvertir et obtient un poste d’opérateur économique à Toul. L’administrateur de Thiès voit la nomination d’un mauvais œil et s’oppose à son embauche. Mbaye ne se décourage pas et devient écrivain public (s’occupe de la rédaction de courriers et d’actes administratifs).
C’est en se livrant à ce métier qu’il eut vent de l’affaire du meurtre de l’administrateur Chautemps par Sarithia Dièye, ami et défenseur de Dieri Dior Ndella. Une affaire qui défraya la chronique à l’époque et que les griots continuent de narrer. Dieri Dior Ndella fut finalement tué par son beau-frère Canar Fall, sa tête et son bras exhibés sur la place du marché de Thiès. Sarithia Dièye est, lui, condamné 20 ans de prison puis exilé en Guyane. Rappelons ici que les deux fuyards s’étaient réfugiés un moment à Thieytou chez Massamba Sassoum Diop, le grand-père de Cheikh Anta Diop.
Mody Mbaye pour se racheter, prétendit avoir contribué à la chasse à l’homme et demanda comme récompense d’être nommé chef du Baol occidental. Il n’obtint pas le poste. Il voulut être intégré comme enseignant, le gouverneur Roume rejeta sa demande.
Mbaye ne cessa pas pour autant sa lutte contre l’arbitraire. Il accentua la surveillance sur les chefs indigènes et les administrateurs véreux. Son ami Khaly Boye, commis au télégraphe, l’aida à accéder aux messages des administrateurs. En 1907, il releva plusieurs délits (torture, emprisonnements injustes, incitation au suicide, etc.) commis par l’administrateur colonial Manetche. Mais deux commissions mises en place après la plainte de Mody Mbaye, blanchirent cet administrateur. Une contre-enquête entraîna la révocation de Khaly Boye et d’un autre commis, Yaya Diop. Mody Mbaye fut épargné grâce aux relations qu’il noua avec la Ligue des droits de l’homme.
En 1909, l’administration voulu le réintégrer en tant qu’enseignant mais le gouverneur du Sénégal opposa son véto. Il poursuivit son travail d’écrivain public en même temps que sa campagne de dénonciation des exactions. En 1911, il accuse Meïssa Mbaye et Macodou Sall, deux chefs coutumiers, de rançonner de pauvres indigènes. Ses investigations le menèrent à des hommes de la haute administration. Il bénéficia de l’aide de deux juristes, Paul Sabourault et Louis Huchard, un créole vivant à Gorée, qui s’est longuement battu pour les droits des indigènes et contre le monopole exercé par les grands commerces français. Louis Huchard devrait d’ailleurs être connu de tout journaliste sénégalais. On dit de lui qu’il est le fondateur de la presse indépendante d’expression française au Sénégal.
Mody Mbaye collabore avec des journaux et rédige des lettres de dénonciation en faveur des indigènes. Il prit notamment la défense d’un certain Ousseynou Babou accusé par l’administrateur de Kaolack Paul Brocard. Ce dernier n’apprécia pas l’intervention de Mbaye. Il profita d’un séjour de celui-ci à Kaolack en 1913, pour le faire arrêter. Mbaye est condamné sans jugement à 15 jours de prison, en dépit du fait qu’il a été ressortissant des quatre communes et détenteur d’une carte d’électeur. L’administrateur Brocard resta ferme. Mbaye contacta ses relations, le gouverneur général, puis saisit la Ligue des droits de l’homme qui réagit par l’entremise de son président. Le conseiller général Galandou Diouf vient à son secours. Il est finalement libéré le 11 avril 1913.
Les déboires de Mody Mbaye vont bouleverser toute l’activité politique dans la colonie. Ses aventures vont pousser les élites du pays à revendiquer plus de droits. Blaise Diagne s’inspirera de Mbaye qui appuiera d’ailleurs sa candidature au Parlement français. Plus tard, Lamine Guèye, inspiré par tout ce bouillonnement politique parti de l’action de Mody Mbaye, rédigea sa thèse de doctorat sur la situation politique des originaires des communes.
Mbaye se retire à Diourbel à partir de 1916 et reprend ses activités d’écrivain public.
Contestataire et observateur critique de la gestion du territoire, Mody Mbaye savait comment troubler la quiétude des administrateurs coloniaux.
On peut dire sans se tromper que Mbaye, malgré quelques erreurs, notamment son rôle supposé dans l’affaire "Diéri Dior Ndella", est l’ancêtre politique des activistes de FRAPP/France Dégage et de tous les contestataires et dénonciateurs des mauvaises politiques publiques de l’administration.