Ces petits esclaves – c’est cela leur véritable condition humaine dans ce Sénégal du 21ème siècle – sont, dans leur écrasante majorité, transplantés du Sud du pays et par centaines, comme à l’époque des négriers, pour être utilisés à Dakar et à St-Louis en particulier, par des réseaux de trafiquants d’êtres humains dont les maillons les plus visibles sont les fameux « marabouts ».
La longue enquête que nous avons menée nous a révélé, en effet, que plus de 90% de ces enfants-esclaves viennent du Fouladou sénégalo-bissau-guinéen, et que le restant de la troupe des petits exploités provient du Saloum. Impossible de rencontrer à Dakar le moindre talibé originaire de l’un des grands foyers religieux du pays que sont Touba, Tivaouane, Ndiassane, Thénaba, Thilogne, Médina-Gounasse, entre autres…
Et pourtant, ce sont ces illustres familles religieuses que les faux « marabouts » et leurs défenseurs démagogues invoquent et implorent chaque fois que l’Etat veut délivrer les malheureux petits esclaves des griffes de ces propriétaires impitoyables qui se tapent entre 150 000 F et 1 500 000 francs tous les mois ! 1 500 00 ! Une somme qu’aucun salaire indiciaire de la Fonction publique sénégalaise n’attend ! Avec de tels revenus que leur donnent des marmots dans la douleur, il est compréhensible que ces marabouts-trafiquants aient rué dans les brancards pour s’opposer à toutes les décisions des différents gouvernements visant à leur ôter le fromage de la bouche !
Beaucoup de Sénégalais n’ont pas encore compris le phénomène de l’esclavage des enfants ainsi que l’ampleur des dégâts moraux, économiques et psychologiques qu’il a causés à notre pays dont nous chantons nous-mêmes la démocratie-vitrine et la qualité de ses ressources (sur-) humaines…
Une petite anecdote… En 2003, un ami et moi avions reçu un groupe de collègues d’une université du Michigan. Des Noirs et des Blancs. L’ambiance y était très chaleureuse durant les premiers jours de leur séjour à Dakar. Mais par la suite, le groupe volera en éclats, emportant avec lui le projet que nous allions mettre sur pied entre nos deux institutions! A cause des talibés !
En effet, intrigués et profondément choqués par la présence de ces enfants en haillons dans les rues de la capitale, les compatriotes de Clinton évoquèrent la question au cours d’une réunion de récapitulation. Vexés et humiliés à la fois par les remarques jugées désobligeantes de certains Blancs qui ne comprenaient pas comment des petits d’êtres humains pouvaient être laissés à eux-mêmes à ce point dans un pays policé, les Noirs – dont le chef de délégation – se braquèrent contre eux et évoquèrent les affres de l’esclavage et de la colonisation qui auraient ruiné l’Afrique et contraint les milliers de familles indigentes à abandonner leurs enfants dans la rue…
Et nous les hôtes sénégalais, nous étions tout petits dans nos sandales! Le groupe de des Américains s’étant scindé en deux sous-groupes antagonistes, nous n’avions que nos gros yeux pour constater les dégâts – causés par la négligence coupable de notre Etat et de notre société dans sa globalité. Sans parti pris, cependant ! Nous savions que l’esclavage et la colonisation brandis par nos frères et sœurs de sang – qui étaient eux-mêmes, en vérité, choqués par ce qu’ils venaient de découvrir dans le pays de leurs ancêtres -, étaient des alibis qui ne tenaient pas la route…
Hormis ce cas précis, il faut se demander combien de projets ont été torpillés par la mendicité des enfants dans les autres secteurs de développement du pays ! Combien d’investisseurs potentiels étrangers sont-ils repartis du Sénégal avec leur argent après avoir constaté, avec dégoût, que le pays où ils voulaient investir est habité par des « sauvages » qui brutalisent leurs propres enfants ?
A qui la faute ? Le premier responsable, c’est l’Etat qui a laissé faire. La politique politicienne l‘a empêché de sévir contre les esclavagistes qui se refugient derrière un groupe de soi-disant islamologues-affairistes et qui ont toujours servi au peuple parfois dupe leur recette démagogique, mais qui a toujours fait mouche : « lutter contre la mendicité des talibés, c’est lutter contre l’Islam ». Que non ! Ils n’ont jamais voulu dire la vérité sur la pandémie. Mais ils savent, au moins, que les faux « marabouts » se la coulent douce dans des chambres douillettes, au moment où les petits esclaves qu’ils pressurent trinquent à même le sol dans des maisons en construction ou tout simplement abandonnées…
Dans quel monde sommes-nous ?
Il est hors de question de supprimer les daaras ! Nous disons souvent à nos étudiants que les plus grands écrivains de ce pays et de l’Afrique en général, n’ont pas écrit dans les langues européennes, comme le français, l’anglais, le portugais ! Mais plutôt en arabe et dans les langues africaines avec l’alphabet arabe. Les poètes sénégalais de langue arabe ou wolof, Ahmadou Mbacké, Malick Sy, Ibrahima Niass, Mor Kairé, Mbaye Diakhaté, Moussa Ka, entre autres, sont plus prolixes et de loin plus talentueux que Senghor, le plus grand poète sénégalais de langue française. Nous leur disons aussi que les plus grands érudits, les plus grands savants de ce pays, sont issus des daaras. A part Senghor et Cheikh Anta Diop – qui est en partie un produit des daaras -, nous n’avons pas de sommités dignes de ce nom.
Les héritiers de la glorieuse tradition du daara authentique en Sénégambie ont joué ou jouent encore pleinement leur rôle : Serigne Pire, Boroom Daara-yi, Serigne Saliou, Serigne Koki, etc. Mais pourquoi certaines hautes autorités religieuses de ce pays acceptent-elles de parrainer, de protéger des fossoyeurs de l’esprit de cet extraordinaire héritage qui nous vient de l’Empire du Ghana, du Mali et du Jolof ?
Alors que des hommes de Dieu comme Serigne Saliou ont ouvert des daaras et pris en charge des milliers d’enfants loin des centres urbains, de soi-disant marabouts convoient des enfants du Fouladou pour les exploiter honteusement à Dakar et dans les autres villes du pays.
Au lieu de combattre les trafiquants d’enfants qui souillent et dénaturent le daara véritable qui a produit les savants qui ont bâti ce pays, certaines personnes influentes, mais malintentionnées, les protègent ! D’où l’impérieuse nécessité pour l’Etat de bien communiquer avec les authentiques personnalités religieuses sur la question. En leur donnant la bonne information sur la traite des enfants. Si elles comprennent les contours du phénomène et l’ampleur du mal, elles l’accompagneront dans sa lutte pour l’abolition de l’esclavage des enfants dans ce pays…
Gorgui DIENG
Docteur d’Etat – UCAD
La longue enquête que nous avons menée nous a révélé, en effet, que plus de 90% de ces enfants-esclaves viennent du Fouladou sénégalo-bissau-guinéen, et que le restant de la troupe des petits exploités provient du Saloum. Impossible de rencontrer à Dakar le moindre talibé originaire de l’un des grands foyers religieux du pays que sont Touba, Tivaouane, Ndiassane, Thénaba, Thilogne, Médina-Gounasse, entre autres…
Et pourtant, ce sont ces illustres familles religieuses que les faux « marabouts » et leurs défenseurs démagogues invoquent et implorent chaque fois que l’Etat veut délivrer les malheureux petits esclaves des griffes de ces propriétaires impitoyables qui se tapent entre 150 000 F et 1 500 000 francs tous les mois ! 1 500 00 ! Une somme qu’aucun salaire indiciaire de la Fonction publique sénégalaise n’attend ! Avec de tels revenus que leur donnent des marmots dans la douleur, il est compréhensible que ces marabouts-trafiquants aient rué dans les brancards pour s’opposer à toutes les décisions des différents gouvernements visant à leur ôter le fromage de la bouche !
Beaucoup de Sénégalais n’ont pas encore compris le phénomène de l’esclavage des enfants ainsi que l’ampleur des dégâts moraux, économiques et psychologiques qu’il a causés à notre pays dont nous chantons nous-mêmes la démocratie-vitrine et la qualité de ses ressources (sur-) humaines…
Une petite anecdote… En 2003, un ami et moi avions reçu un groupe de collègues d’une université du Michigan. Des Noirs et des Blancs. L’ambiance y était très chaleureuse durant les premiers jours de leur séjour à Dakar. Mais par la suite, le groupe volera en éclats, emportant avec lui le projet que nous allions mettre sur pied entre nos deux institutions! A cause des talibés !
En effet, intrigués et profondément choqués par la présence de ces enfants en haillons dans les rues de la capitale, les compatriotes de Clinton évoquèrent la question au cours d’une réunion de récapitulation. Vexés et humiliés à la fois par les remarques jugées désobligeantes de certains Blancs qui ne comprenaient pas comment des petits d’êtres humains pouvaient être laissés à eux-mêmes à ce point dans un pays policé, les Noirs – dont le chef de délégation – se braquèrent contre eux et évoquèrent les affres de l’esclavage et de la colonisation qui auraient ruiné l’Afrique et contraint les milliers de familles indigentes à abandonner leurs enfants dans la rue…
Et nous les hôtes sénégalais, nous étions tout petits dans nos sandales! Le groupe de des Américains s’étant scindé en deux sous-groupes antagonistes, nous n’avions que nos gros yeux pour constater les dégâts – causés par la négligence coupable de notre Etat et de notre société dans sa globalité. Sans parti pris, cependant ! Nous savions que l’esclavage et la colonisation brandis par nos frères et sœurs de sang – qui étaient eux-mêmes, en vérité, choqués par ce qu’ils venaient de découvrir dans le pays de leurs ancêtres -, étaient des alibis qui ne tenaient pas la route…
Hormis ce cas précis, il faut se demander combien de projets ont été torpillés par la mendicité des enfants dans les autres secteurs de développement du pays ! Combien d’investisseurs potentiels étrangers sont-ils repartis du Sénégal avec leur argent après avoir constaté, avec dégoût, que le pays où ils voulaient investir est habité par des « sauvages » qui brutalisent leurs propres enfants ?
A qui la faute ? Le premier responsable, c’est l’Etat qui a laissé faire. La politique politicienne l‘a empêché de sévir contre les esclavagistes qui se refugient derrière un groupe de soi-disant islamologues-affairistes et qui ont toujours servi au peuple parfois dupe leur recette démagogique, mais qui a toujours fait mouche : « lutter contre la mendicité des talibés, c’est lutter contre l’Islam ». Que non ! Ils n’ont jamais voulu dire la vérité sur la pandémie. Mais ils savent, au moins, que les faux « marabouts » se la coulent douce dans des chambres douillettes, au moment où les petits esclaves qu’ils pressurent trinquent à même le sol dans des maisons en construction ou tout simplement abandonnées…
Dans quel monde sommes-nous ?
Il est hors de question de supprimer les daaras ! Nous disons souvent à nos étudiants que les plus grands écrivains de ce pays et de l’Afrique en général, n’ont pas écrit dans les langues européennes, comme le français, l’anglais, le portugais ! Mais plutôt en arabe et dans les langues africaines avec l’alphabet arabe. Les poètes sénégalais de langue arabe ou wolof, Ahmadou Mbacké, Malick Sy, Ibrahima Niass, Mor Kairé, Mbaye Diakhaté, Moussa Ka, entre autres, sont plus prolixes et de loin plus talentueux que Senghor, le plus grand poète sénégalais de langue française. Nous leur disons aussi que les plus grands érudits, les plus grands savants de ce pays, sont issus des daaras. A part Senghor et Cheikh Anta Diop – qui est en partie un produit des daaras -, nous n’avons pas de sommités dignes de ce nom.
Les héritiers de la glorieuse tradition du daara authentique en Sénégambie ont joué ou jouent encore pleinement leur rôle : Serigne Pire, Boroom Daara-yi, Serigne Saliou, Serigne Koki, etc. Mais pourquoi certaines hautes autorités religieuses de ce pays acceptent-elles de parrainer, de protéger des fossoyeurs de l’esprit de cet extraordinaire héritage qui nous vient de l’Empire du Ghana, du Mali et du Jolof ?
Alors que des hommes de Dieu comme Serigne Saliou ont ouvert des daaras et pris en charge des milliers d’enfants loin des centres urbains, de soi-disant marabouts convoient des enfants du Fouladou pour les exploiter honteusement à Dakar et dans les autres villes du pays.
Au lieu de combattre les trafiquants d’enfants qui souillent et dénaturent le daara véritable qui a produit les savants qui ont bâti ce pays, certaines personnes influentes, mais malintentionnées, les protègent ! D’où l’impérieuse nécessité pour l’Etat de bien communiquer avec les authentiques personnalités religieuses sur la question. En leur donnant la bonne information sur la traite des enfants. Si elles comprennent les contours du phénomène et l’ampleur du mal, elles l’accompagneront dans sa lutte pour l’abolition de l’esclavage des enfants dans ce pays…
Gorgui DIENG
Docteur d’Etat – UCAD