Plus personne ne doute de la capacité de l’Afrique à imposer ses goûts au monde. Dans le domaine vestimentaire, les Camerounaises Rahmée Wetterich et Marie Darouiche font un tabac en Allemagne avec leur "Noh-Nee", ce modèle de robe traditionnelle bavaroise agrémentée de pagnes africains. Dans la production musicale, il est de bon ton de croiser ses vocalises avec la Camerounaise Irma ou la Nigériane Asa. Il ne restait plus à l’Afrique qu’à imposer ses canons de beauté, notamment les formes callipyges éloignées des traditionnels mannequins efflanqués.
"Nous sommes entrés dans l’ère du gros derrière", titrait récemment Vogue, la référence du goût entériné. Le magazine américain annonçait ainsi une véritable révolution dans le monde de la mode occidentale, univers dont la fesse rebondie était jusque-là bannie. Les guérilleros fessus de cette nouvelle idéologie corporelle sont les chanteuses américaines Jennifer Lopez, Beyoncé, Nicky Minaj, la rappeuse australienne Iggy Azalea ou encore Kim Kardashian, la star de téléréalité devenue d’autant plus influente qu’elle vient d’épouser Kanye West. Les infographistes spécialistes du logiciel Photoshop devraient donc apprendre à bomber les popotins plutôt qu’à les atrophier…
La tendance évoquée par "Vogue" n’est pas qu’esthétique. La revendication des gros fessiers truffe désormais les lyrics de chansons plus ou moins triviales. Au point que ça devient une obsession. Dans "Bang Bang", l’anglaise Jesse J chante des paroles que se seraient traditionnellement réservées les plus machistes des rappeurs : "Ses fesses sont comme une Cadillac". "Oh mon Dieu, regarde son cul", répète Nicki Minaj dans le titre "Anaconda". Quant à Jennifer Lopez et Iggy Azalea, c’est par deux –comme les fesses– qu’elles se font mobilisatrices : "Si tu aimes les grosses fesses, lève les bras !", lancent-elles dans "Booty". Les chanteuses ont donc pris les manettes d’une glorification jusque-là masculine et grotesque de la croupe féminine. On se souvient des dizaines de fesses qui parsemaient le décor du vidéo-clip de "Can’t Believe It" des rappeurs Flo Rida et Pitbull.
L'acte à la parole
Désinhibées, les nouvelles égéries de l’arrière-train joignent l’acte à la parole avec un usage récurrent du "twerking", cette acrobatie d’arrière-train vibrionnant, danse qui choque une partie de la prude Amérique. À bien y regarder, le "twerking" est vieux comme le monde. Ou plutôt vieux comme l’Afrique. Tout du moins vieux comme les choristes de Fela Anikulapo Kuti, voire comme les danseuses traditionnelles du "kigba", cette chorégraphie ouest-africaine qui consiste à provoquer des collisions de fessiers. Les canons de beauté africains célèbrent, depuis longtemps, la générosité des postérieurs. Et tant pis si les occidentaux masquaient, jusque-là, leur désir par de la moquerie, comme ce fut le cas lors de l’exposition foraine de la callipyge Vénus Hottentote, au début du XIXe siècle.
En Afrique de l’Ouest, on ne dit pas "être gros", mais "être en forme". Une femme grêle suscite des rumeurs de maladie, tandis que sa voisine corpulente attire les regards ; parfois même les regards de jurés dans des élections de "miss ronde" où le poids minimum des candidates est de 90 kilos. Alors on rembourre sa jupe avec des chiffons, pour simuler les convoités “pistolets”. On se gave de lait de chamelle ou de produits destinés à engraisser le bétail, notamment à base de cortisone ou de psychotropes…
Décomplexer les fessues occidentales pourrait encourager l’obésité galopante dans la moitié nord de la planète, alors que les célèbres promotrices des gros derrières continueront d’être encadrées par des diététiciens, misant moins sur l’engraissement que sur la chirurgie et ses implants fessiers.
En attendant, si la grosse fesse est africaine et si l’Occident s’y est mis, on comprend mieux l’empressement du groupe pornographique "Penthouse" à lancer en Europe sa chaîne "Penthouse black" dont les fictions sont interprétées à 80% par des comédiens noirs. Pas sûr que l’occident ait retenu ce qu’il y a de plus raffiné dans l’apologie africaine du galbe fessier…
Par Damien Glez
"Nous sommes entrés dans l’ère du gros derrière", titrait récemment Vogue, la référence du goût entériné. Le magazine américain annonçait ainsi une véritable révolution dans le monde de la mode occidentale, univers dont la fesse rebondie était jusque-là bannie. Les guérilleros fessus de cette nouvelle idéologie corporelle sont les chanteuses américaines Jennifer Lopez, Beyoncé, Nicky Minaj, la rappeuse australienne Iggy Azalea ou encore Kim Kardashian, la star de téléréalité devenue d’autant plus influente qu’elle vient d’épouser Kanye West. Les infographistes spécialistes du logiciel Photoshop devraient donc apprendre à bomber les popotins plutôt qu’à les atrophier…
La tendance évoquée par "Vogue" n’est pas qu’esthétique. La revendication des gros fessiers truffe désormais les lyrics de chansons plus ou moins triviales. Au point que ça devient une obsession. Dans "Bang Bang", l’anglaise Jesse J chante des paroles que se seraient traditionnellement réservées les plus machistes des rappeurs : "Ses fesses sont comme une Cadillac". "Oh mon Dieu, regarde son cul", répète Nicki Minaj dans le titre "Anaconda". Quant à Jennifer Lopez et Iggy Azalea, c’est par deux –comme les fesses– qu’elles se font mobilisatrices : "Si tu aimes les grosses fesses, lève les bras !", lancent-elles dans "Booty". Les chanteuses ont donc pris les manettes d’une glorification jusque-là masculine et grotesque de la croupe féminine. On se souvient des dizaines de fesses qui parsemaient le décor du vidéo-clip de "Can’t Believe It" des rappeurs Flo Rida et Pitbull.
L'acte à la parole
Désinhibées, les nouvelles égéries de l’arrière-train joignent l’acte à la parole avec un usage récurrent du "twerking", cette acrobatie d’arrière-train vibrionnant, danse qui choque une partie de la prude Amérique. À bien y regarder, le "twerking" est vieux comme le monde. Ou plutôt vieux comme l’Afrique. Tout du moins vieux comme les choristes de Fela Anikulapo Kuti, voire comme les danseuses traditionnelles du "kigba", cette chorégraphie ouest-africaine qui consiste à provoquer des collisions de fessiers. Les canons de beauté africains célèbrent, depuis longtemps, la générosité des postérieurs. Et tant pis si les occidentaux masquaient, jusque-là, leur désir par de la moquerie, comme ce fut le cas lors de l’exposition foraine de la callipyge Vénus Hottentote, au début du XIXe siècle.
En Afrique de l’Ouest, on ne dit pas "être gros", mais "être en forme". Une femme grêle suscite des rumeurs de maladie, tandis que sa voisine corpulente attire les regards ; parfois même les regards de jurés dans des élections de "miss ronde" où le poids minimum des candidates est de 90 kilos. Alors on rembourre sa jupe avec des chiffons, pour simuler les convoités “pistolets”. On se gave de lait de chamelle ou de produits destinés à engraisser le bétail, notamment à base de cortisone ou de psychotropes…
Décomplexer les fessues occidentales pourrait encourager l’obésité galopante dans la moitié nord de la planète, alors que les célèbres promotrices des gros derrières continueront d’être encadrées par des diététiciens, misant moins sur l’engraissement que sur la chirurgie et ses implants fessiers.
En attendant, si la grosse fesse est africaine et si l’Occident s’y est mis, on comprend mieux l’empressement du groupe pornographique "Penthouse" à lancer en Europe sa chaîne "Penthouse black" dont les fictions sont interprétées à 80% par des comédiens noirs. Pas sûr que l’occident ait retenu ce qu’il y a de plus raffiné dans l’apologie africaine du galbe fessier…
Par Damien Glez