Ils ont lancé en juin 2013 la maison d’édition Jimsaan. Au menu de la rentrée, une réédition de La Plaie, de Malick Fall, et le premier roman autobiographique de Léonora Miano.
« Dire que je suis modeste serait immodeste ! » Voilà une réponse typique de Felwine Sarr, un auteur sensible au naturel réservé. A 42 ans, il se pose plus volontiers en observateur légèrement en retrait qu’en personnalité située au centre de l’arène. Une place qu’il doit assumer depuis qu’il a publié son premier et très bon livre, Dahij, « Jihad » à l’envers (Gallimard, 2009). Ecrit au moment de son retour au Sénégal, en 2007, après un doctorat en Economie à Orléans, ce texte méditatif livre des réflexions en courts chapitres, d’une densité et d’une justesse rares. Extrait :
« Ici, les relations sont exigeantes. Les visages sont scrutés, analysés : la moindre expression y est décelée. Un ami vient vous voir : il vous regarde, évalue votre forme physique et psychique, tente d’entendre ce que vous ne dites pas. Proximité et intensité des rapports. Vérité des rapports, vérité du dire, vérités en face. Ce bain durcissant qu’est la société africaine forme des types d’êtres particuliers. »
Professeur d’Economie à l’université de Saint-Louis, Felwine Sarr continue d’écrire. Après un recueil de nouvelles sur le Sénégal contemporain, 105 Rue Carnot (2011) et un texte philosophique, Méditations africaines (2012), tous deux publiés à chez Mémoires d’encrier, à Montréal, il s’est attelé à un roman historique. L’intrigue se déroulera dans une Afrique de l’Ouest médiévale. Eclectique, son univers ressemble aux écrivains qu’il préfère : Pascal Quignard, auteur de Tous les matins du monde, René Char, le poète soufi Rumi et les pères de la négritude, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor.
« Dire que je suis modeste serait immodeste ! » Voilà une réponse typique de Felwine Sarr, un auteur sensible au naturel réservé. A 42 ans, il se pose plus volontiers en observateur légèrement en retrait qu’en personnalité située au centre de l’arène. Une place qu’il doit assumer depuis qu’il a publié son premier et très bon livre, Dahij, « Jihad » à l’envers (Gallimard, 2009). Ecrit au moment de son retour au Sénégal, en 2007, après un doctorat en Economie à Orléans, ce texte méditatif livre des réflexions en courts chapitres, d’une densité et d’une justesse rares. Extrait :
« Ici, les relations sont exigeantes. Les visages sont scrutés, analysés : la moindre expression y est décelée. Un ami vient vous voir : il vous regarde, évalue votre forme physique et psychique, tente d’entendre ce que vous ne dites pas. Proximité et intensité des rapports. Vérité des rapports, vérité du dire, vérités en face. Ce bain durcissant qu’est la société africaine forme des types d’êtres particuliers. »
Professeur d’Economie à l’université de Saint-Louis, Felwine Sarr continue d’écrire. Après un recueil de nouvelles sur le Sénégal contemporain, 105 Rue Carnot (2011) et un texte philosophique, Méditations africaines (2012), tous deux publiés à chez Mémoires d’encrier, à Montréal, il s’est attelé à un roman historique. L’intrigue se déroulera dans une Afrique de l’Ouest médiévale. Eclectique, son univers ressemble aux écrivains qu’il préfère : Pascal Quignard, auteur de Tous les matins du monde, René Char, le poète soufi Rumi et les pères de la négritude, Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor.
Une visibilité dans le monde francophone
Il a aussi fondé en mai 2013 les éditions Jimsaan, le nom d’une rizière des îles du Saloum, et racheté la libraire Athéna à Dakar, avec l’ancien patron de presse, romancier et essayiste Boubacar Boris Diop et l’écrivaine Nafissatou Dia Diouf. Ce trio d’auteurs s’est lancé sur fonds propres dans une aventure ambitieuse. « La maison d’édition veut faire porter de nouvelles voix et publier des textes de qualité », explique Felwine Sarr. Sa simple existence a créé un appel d’air. Des manuscrits lui parviennent de toute la région, jusque d’Algérie.
Une réédition de La Plaie, un roman de Malick Fall, écrivain saint-louisien disparu en 1978, est prévue pour novembre. Cette fiction raconte comment un homme, qui se découvre un jour une plaie sur un marché, tombe dans la marginalité. Le premier roman autobiographique de Léonora Miano, Cantate pour la mer Noire, est prévu pour décembre. Ce livre, qui fait le récit d’une jeune femme qui lutte pour s’en sortir avec son enfant, est important pour Jimsaan, une maison que Léonora Miano a elle-même contactée. Il va lui donner une visibilité dans tout le monde francophone.
La maison d’édition s’appuie par ailleurs sur la librairie Athéna. Rachetée en juin 2013, cette adresse du Plateau, dans le centre-ville de Dakar, est connue. Elle va devenir une plateforme culturelle à Dakar et proposer un autre pôle que le Centre culturel français (CCF). « On veut soutenir la production musicale, cinématographique, et faire de la librairie un lieu de circulation d’idées, et pas seulement vendre des livres », explique Felwine Sarr. Un partenariat a été noué avec Présence africaine dont le catalogue est désormais disponible à Dakar.
Qu’il le veuille ou non, Felwine Sarr se retrouve donc dans l’arène… Il accepte de parler à la télévision, avec parcimonie. Il refuse souvent les demandes et ne veut pas tomber dans les pièges du « narcicissime ou de la surexposition », dit-il.
Une trajectoire pluri-disciplinaire
Sa réserve n’est pas sans lien avec ses origines : « Je dirais retenue plutôt que réserve, au sens des Nyominka, les hommes scrupuleux », dit-il. Les Nyominkas, un sous-groupe ethnique des Sérères, sont originaires comme lui des îles du Saloum. Né à Niodor, Felwine Sarr a grandi entre Strasbourg, Kaolack et Tambacounda, au gré des écoles et des affectations de son père, un militaire. Il reste Sérère dans l’âme, « comme les autres, dit-il. On est très attachés à notre terroir, notre langue, notre culture ». Plutôt que de parler de l’animisme puissant qui fait la réputation de son ethnie, il préfère parler d’un peuple « très spirituel ayant une mystique, une religion négro-africaine traditionnelle sur laquelle l’islam et le christianisme se sont greffés, et dont une synthèse harmonieuse est sortie. »
Lui-même musulman, il a été à l’école catholique et à la messe pendant son adolescence. Il se rend chaque année à Vichy dans un « dojo », pour faire un stage spécial d’arts martiaux, du karaté pratiqué dans l’esprit du « do » (la voie) japonais, qui veut rassembler le corps et l’esprit et « s’imposer des épreuves pour aller au-delà de soi-même ». Son prochain projet : fonder un dojo à Saint-Louis, dans un esprit de « présence utile ». Décidément, Felwine Sarr n’a pas peur de mettre le mot « discipline » au pluriel. Prof, écrivain, éditeur, libraire et karatéka, il est aussi musicien. A son rythme, sans faire trop de bruit, il suit son chemin d’homme, aspirant à l’être intégralement.
RFI.FR
Il a aussi fondé en mai 2013 les éditions Jimsaan, le nom d’une rizière des îles du Saloum, et racheté la libraire Athéna à Dakar, avec l’ancien patron de presse, romancier et essayiste Boubacar Boris Diop et l’écrivaine Nafissatou Dia Diouf. Ce trio d’auteurs s’est lancé sur fonds propres dans une aventure ambitieuse. « La maison d’édition veut faire porter de nouvelles voix et publier des textes de qualité », explique Felwine Sarr. Sa simple existence a créé un appel d’air. Des manuscrits lui parviennent de toute la région, jusque d’Algérie.
Une réédition de La Plaie, un roman de Malick Fall, écrivain saint-louisien disparu en 1978, est prévue pour novembre. Cette fiction raconte comment un homme, qui se découvre un jour une plaie sur un marché, tombe dans la marginalité. Le premier roman autobiographique de Léonora Miano, Cantate pour la mer Noire, est prévu pour décembre. Ce livre, qui fait le récit d’une jeune femme qui lutte pour s’en sortir avec son enfant, est important pour Jimsaan, une maison que Léonora Miano a elle-même contactée. Il va lui donner une visibilité dans tout le monde francophone.
La maison d’édition s’appuie par ailleurs sur la librairie Athéna. Rachetée en juin 2013, cette adresse du Plateau, dans le centre-ville de Dakar, est connue. Elle va devenir une plateforme culturelle à Dakar et proposer un autre pôle que le Centre culturel français (CCF). « On veut soutenir la production musicale, cinématographique, et faire de la librairie un lieu de circulation d’idées, et pas seulement vendre des livres », explique Felwine Sarr. Un partenariat a été noué avec Présence africaine dont le catalogue est désormais disponible à Dakar.
Qu’il le veuille ou non, Felwine Sarr se retrouve donc dans l’arène… Il accepte de parler à la télévision, avec parcimonie. Il refuse souvent les demandes et ne veut pas tomber dans les pièges du « narcicissime ou de la surexposition », dit-il.
Une trajectoire pluri-disciplinaire
Sa réserve n’est pas sans lien avec ses origines : « Je dirais retenue plutôt que réserve, au sens des Nyominka, les hommes scrupuleux », dit-il. Les Nyominkas, un sous-groupe ethnique des Sérères, sont originaires comme lui des îles du Saloum. Né à Niodor, Felwine Sarr a grandi entre Strasbourg, Kaolack et Tambacounda, au gré des écoles et des affectations de son père, un militaire. Il reste Sérère dans l’âme, « comme les autres, dit-il. On est très attachés à notre terroir, notre langue, notre culture ». Plutôt que de parler de l’animisme puissant qui fait la réputation de son ethnie, il préfère parler d’un peuple « très spirituel ayant une mystique, une religion négro-africaine traditionnelle sur laquelle l’islam et le christianisme se sont greffés, et dont une synthèse harmonieuse est sortie. »
Lui-même musulman, il a été à l’école catholique et à la messe pendant son adolescence. Il se rend chaque année à Vichy dans un « dojo », pour faire un stage spécial d’arts martiaux, du karaté pratiqué dans l’esprit du « do » (la voie) japonais, qui veut rassembler le corps et l’esprit et « s’imposer des épreuves pour aller au-delà de soi-même ». Son prochain projet : fonder un dojo à Saint-Louis, dans un esprit de « présence utile ». Décidément, Felwine Sarr n’a pas peur de mettre le mot « discipline » au pluriel. Prof, écrivain, éditeur, libraire et karatéka, il est aussi musicien. A son rythme, sans faire trop de bruit, il suit son chemin d’homme, aspirant à l’être intégralement.
RFI.FR