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Ethiopie: dix journalistes et blogueurs inculpés de "terrorisme"

Samedi 19 Juillet 2014

Addis Abeba, 18 juil 2014 (AFP) - Dix journalistes et blogueurs éthiopiens détenus depuis près de trois mois ont été inculpés vendredi de "terrorisme" par la justice, qui les accuse de liens avec un mouvement interdit.

Le sort des sept rédacteurs du blog Zone9 et des trois journalistes a été vivement dénoncé par des organisations de défense de la presse depuis leur arrestation fin avril, mais le Premier ministre a défendu vendredi ce genre de traitement au nom de la lutte contre le "terrorisme".


Le groupe de blogueurs et journalistes est accusé d'avoir préparé des attaques en Ethiopie et d'agir en collusion avec le mouvement interdit Ginbot 7, basé aux Etats-Unis et considéré comme une organisation terroriste par Addis Abeba.

"Ils ont été formés à fabriquer des explosifs et prévoyaient d'y former d'autres personnes", a déclaré le juge Tareke Alemayehu.

Le blog Zone9 évoque l'actualité politique et sociale sur un ton souvent critique à l'égard du pouvoir.

Ce travail sert de couverture à des activités "clandestines", a affirmé le juge, accusant les suspects de chercher à "déstabiliser la Nation".

Neuf des accusés - le 10e était absent - ont adressé sourires et saluts à leurs proches quand ils sont entrés dans la salle d'audience bondée.

L'avocat de huit des suspects a rejeté les accusations. "Nous ne pensons pas qu'il y ait là une once de crédibilité", a déclaré Amaha Mekonnen à l'AFP.

La prochaine audience doit se tenir le 4 août.

Le Premier ministre Hailemariam Desalegn a adressé quelques heures plus tard une sévère mise en garde aux suspects de "terrorisme", blogueurs inclus.

"Toute personne surprise en train d'agir au sein de ce réseau terroriste (...) s'expose à la rigueur de la loi", a-t-il déclaré devant des journalistes. "Quand vous entrez dans ce réseau et que vous essayez de devenir blogueur, ne croyez pas que vous allez échapper au gouvernement éthiopien", a-t-il ajouté, dénonçant ceux qui veulent "déstabiliser" le pays.

Human Rights Watch (HRW) a condamné les inculpations des dix journalistes et blogueurs et accusé l'Ethiopie de "tourner en dérision son propre système judiciaire".

"S'abriter derrière une loi antiterroriste abusive pour poursuivre des blogueurs et des journalistes qui font leur travail est une insulte à la Constitution éthiopienne", a dit à l'AFP la directrice adjointe de HRW pour l'Afrique.

Des ONG de défense des droits de l'Homme comme HRW accusent le régime éthiopien de se servir de cette loi controversée pour étouffer la liberté d'expression.

Cette loi a abouti à l'emprisonnement de plusieurs journalistes, dont deux Suédois condamnés à 11 ans de prison en 2012. Ils avaient été graciés au bout de 15 mois.

Le blogueur Eskinder Nega purge actuellement une peine de 18 ans de prison pour ses liens avec Ginbot 7, qui appelle au renversement du parti au pouvoir.

Le Premier ministre éthiopien a aussi défendu l'extradition controversée d'Andargachew Tsige, un dirigeant de Ginbot 7, arrêté fin juin au Yémen et condamné à mort par contumace pour terrorisme.

"C'est légal et légitime (...) Ce type a été condamné quelque temps avant d'être capturé", a-t-il dit, soulignant qu'il revenait au président de décider ou non de faire appliquer la sentence.

Andargachew Tsige possède également la nationalité britannique. La Grande-Bretagne a vertement critiqué le Yémen pour son extradition et exhorté l'Ethiopie à bien le traiter.


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