Créée pour freiner l’avancée de la mer sur les habitations de la ville de Saint-Louis, la digue de protection des quartiers de la Langue de Barbarie n’a duré que le temps d’une houle. En effet, moins de 5 mois après le démarrage des travaux de construction, elle a commencé à s’affaisser. Elle n’a pu résister aux fortes houles qui ont frappé les côtes entre les mois de février et de mars 2018. Prévu sur une distance de 3,5 km pour 1,96 m de haut, l’ouvrage n’avait été réalisé que sur 950 m, lorsque la houle a frappé la côte avec des vagues d’une hauteur de 3 à 4 m. La digue a alors commencé à s’affaisser. Et ce qui était censé être la solution contre l’avancée de la mer s’est trouvé être un problème de plus.
Des décalages et des ondulations sur l’ouvrage sont visibles à hauteur du quartier de Goxu Mbacc. Les pierres sont détachées de la grille de fer qui constitue le corps de la digue. Une partie de cette dernière est envahie par les eaux. Sur presque toute la surface construite, les populations déposent leurs ordures. Les chèvres divaguent entre les nombreuses ordures qui envahissent les lieux à la recherche de quoi manger. Ce qui a suscité une grande polémique à Saint-Louis.
L’opposition, jugeant colossale la somme déboursée pour la construction (3,5 milliards de francs Cfa), a décidé de porter plainte contre l’entreprise Eiffage Sénégal chargée de l’exécution des travaux. Dans la ville aussi, des voix se sont élevées pour exiger le renforcement des fondements de la digue et l’accélération des travaux pour sauver ce qui peut l’être. A en croire certains notables de la Langue de Barbarie, les techniciens de l’entreprise Eiffage doivent revoir leur façon de procéder, car les vagues déferlent avec beaucoup de violence.
‘‘Avant la construction de la digue, les populations utilisaient des sacs de sable pour arrêter l’avancée de la mer. Mais cela ne tenait pas longtemps, car il n’y a pas de fondation. C’est presque la même chose avec la digue. Ils doivent donc revoir le soubassement, sinon elle ne serait qu’une éphémère solution, car la violence des houles laisse forcément des dégâts en provoquant un enfouissement et la perte d’équilibre du premier palier de l’ouvrage’’, raconte Alassane Sarr, pêcheur habitant Goxu Mbacc. Son voisin, Zaïr Fall, confirme ses propos : ‘‘Nous avions accueilli la digue à bras ouverts, car nous vivions le calvaire avec l’avancée de la mer qui menaçait systématiquement nos habitations. On croyait que c’était une solution durable. Mais il a juste fallu le passage des premières houles pour voir tous nos espoirs s’effondrer. On est très déçu‘’, raconte-t-il, le regard fixé vers la mer.
Un point de vue aussi partagé par le blogueur saint-louisien Makhtar Ndiaye, connu pour ses publications quotidiennes sur l’actualité de la capitale du Nord. Le jeune passionné des réseaux sociaux dénonce avec fermeté : ‘‘La digue a été mal faite. On nous dit que c’est une solution urgente. Comment peut-on comprendre qu’un budget de 3 milliards de francs soit dégagé pour une solution urgente et qui n’arrive même pas à résister à une houle ? C’est inadmissible. L’Etat du Sénégal et Eiffage doivent s’expliquer.’’
Le jeune blogueur soulève un autre problème. Le port de NDiago, un projet de la Mauritanie sur ses côtes frontalières avec la ville de Saint-Louis. Selon lui, ce port sera une catastrophe économique et aura des conséquences sur l’avancée de la mer à Saint-Louis. Or, le gouvernement sénégalais ne prend pas la question au sérieux. Il ne manque cependant pas de souligner que la digue a au moins soulagé la population pendant un certain temps. Mais c’est très insuffisant par rapport à l’effet recherché. Le but recherché, c’est aussi l’excuse des ingénieurs et contrôleurs des travaux de la digue.
Pour Ousmane Thiam, ingénieur géotechnicien chargé du contrôle de la qualité au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), ‘‘avoir des houles qui dépassent les normes à cette phase d’exécution des travaux est une chance, parce que cela permet de rectifier et c’est ce qui explique l’arrêt pour réfléchir et renforcer l’ouvrage et lutter à l’avenir contre les houles de ce genre‘’.
Une explication que les populations trouvent impertinente, voire absurde, d’autant plus que la digue est juste une solution d’urgence et ne présente aucune garantie. ‘’Un projet d’urgence pour la protection des quartiers de la Langue de Barbarie, c’est ce qui est écrit dans le papier. Ça veut dire qu’il faut venir urgemment faire quelque chose. La digue, c’est juste pour limiter la casse. La réglementation de la construction marine ne permet pas de donner des garanties sur des ouvrages de ce genre’’, informe l’ingénieur géotechnicien.
Projet de modification
Apres les violentes houles saisonnières survenues au moins de février qui ont heurté la digue occasionnant son affaissement, l’entreprise d’exécution des travaux, Eiffage, a observé un temps d’arrêt de dix jours pour revoir le projet. Dans les études de prévision basées sur des données antérieures, l’entreprise s’attendait à des houles de 2 à 3 m. Mais, aux mois de février-mars, la Langue de Barbarie a ainsi enregistré des houles et des vagues de 3 à 4 m dues au changement climatique. Ce qui dépasse largement les 2 m de prévision. D’où les dégâts notés. Et ces 10 jours d’arrêt ont été consacrés à une réflexion pour des modifications du projet de construction. ‘‘Pour le projet initial, on avait prévu juste une digue d’enrochement avec des gabions soutenus par des géo-bag, c’est-à-dire des sacs polypropylènes qui pèsent à peu près 5 tonnes, et sur la partie frontale, c’est-à-dire en face de la mer.
Avec les affaissements occasionnés par les houles, on a jugé nécessaire de modifier le projet d’exécution, avec le renforcement de la structure de l’ouvrage en fondation avec du matelas Renault. Sur l’intervalle de pose des épis, initialement, on avait des épis à des intervalles de 50 m. Et avec cette période de houles de plus 3 m, on les rapproche à des intervalles de 25 m. C’est la première modification. La deuxième consiste à renforcer la fondation avec du matelas Renault, parce que l’ouvrage est fragilisé par un phénomène d’enfouissement. Et la troisième concerne le changement de l’axe d’implantation du projet. Au lieu de le faire à une distance variant de 5 à 10 m, on a prévu de rapprocher’’, détaille Aly Tounkara, ingénieur chef de projet à l’Office des lacs et cours d’eau (Olac), maître d’ouvrage du projet. Pour l’ingénieur, la digue tenait et jusqu’à présent il n’y a pas de dégâts majeurs. Ces modifications permettront de mieux adopter l’ouvrage aux exigences de la nature.
Pour la mission de contrôle, tout est dans les normes. Cet affaissement de la digue a plutôt de bons côtés. ‘‘Du point de vue général, le bureau de contrôle est très satisfait de l’exécution des travaux. Sur les 3,5 km, l’entreprise a réalisé 950 m. Et sur ces 950 m, il y a des parties qui ne sont pas achevées. L’ouvrage n’a donc pas atteint son niveau maximal et sa configuration définitive. C’est normal que sur certaines parties, il connaisse des affaissements parce que le travail n’est pas encore fini’’, explique Ousmane Thiam, l’ingénieur géotechnicien contrôleur de la qualité au Cereq. Ce dernier veille au respect du cahier des charges, des plans d’exécution, des commandes de matériels et de la sur-configuration de l’ouvrage. Pour l’instant, les habitants de la Langue de Barbarie prennent leur mal en patience.
EnquetePlus
Des décalages et des ondulations sur l’ouvrage sont visibles à hauteur du quartier de Goxu Mbacc. Les pierres sont détachées de la grille de fer qui constitue le corps de la digue. Une partie de cette dernière est envahie par les eaux. Sur presque toute la surface construite, les populations déposent leurs ordures. Les chèvres divaguent entre les nombreuses ordures qui envahissent les lieux à la recherche de quoi manger. Ce qui a suscité une grande polémique à Saint-Louis.
L’opposition, jugeant colossale la somme déboursée pour la construction (3,5 milliards de francs Cfa), a décidé de porter plainte contre l’entreprise Eiffage Sénégal chargée de l’exécution des travaux. Dans la ville aussi, des voix se sont élevées pour exiger le renforcement des fondements de la digue et l’accélération des travaux pour sauver ce qui peut l’être. A en croire certains notables de la Langue de Barbarie, les techniciens de l’entreprise Eiffage doivent revoir leur façon de procéder, car les vagues déferlent avec beaucoup de violence.
‘‘Avant la construction de la digue, les populations utilisaient des sacs de sable pour arrêter l’avancée de la mer. Mais cela ne tenait pas longtemps, car il n’y a pas de fondation. C’est presque la même chose avec la digue. Ils doivent donc revoir le soubassement, sinon elle ne serait qu’une éphémère solution, car la violence des houles laisse forcément des dégâts en provoquant un enfouissement et la perte d’équilibre du premier palier de l’ouvrage’’, raconte Alassane Sarr, pêcheur habitant Goxu Mbacc. Son voisin, Zaïr Fall, confirme ses propos : ‘‘Nous avions accueilli la digue à bras ouverts, car nous vivions le calvaire avec l’avancée de la mer qui menaçait systématiquement nos habitations. On croyait que c’était une solution durable. Mais il a juste fallu le passage des premières houles pour voir tous nos espoirs s’effondrer. On est très déçu‘’, raconte-t-il, le regard fixé vers la mer.
Un point de vue aussi partagé par le blogueur saint-louisien Makhtar Ndiaye, connu pour ses publications quotidiennes sur l’actualité de la capitale du Nord. Le jeune passionné des réseaux sociaux dénonce avec fermeté : ‘‘La digue a été mal faite. On nous dit que c’est une solution urgente. Comment peut-on comprendre qu’un budget de 3 milliards de francs soit dégagé pour une solution urgente et qui n’arrive même pas à résister à une houle ? C’est inadmissible. L’Etat du Sénégal et Eiffage doivent s’expliquer.’’
Le jeune blogueur soulève un autre problème. Le port de NDiago, un projet de la Mauritanie sur ses côtes frontalières avec la ville de Saint-Louis. Selon lui, ce port sera une catastrophe économique et aura des conséquences sur l’avancée de la mer à Saint-Louis. Or, le gouvernement sénégalais ne prend pas la question au sérieux. Il ne manque cependant pas de souligner que la digue a au moins soulagé la population pendant un certain temps. Mais c’est très insuffisant par rapport à l’effet recherché. Le but recherché, c’est aussi l’excuse des ingénieurs et contrôleurs des travaux de la digue.
Pour Ousmane Thiam, ingénieur géotechnicien chargé du contrôle de la qualité au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), ‘‘avoir des houles qui dépassent les normes à cette phase d’exécution des travaux est une chance, parce que cela permet de rectifier et c’est ce qui explique l’arrêt pour réfléchir et renforcer l’ouvrage et lutter à l’avenir contre les houles de ce genre‘’.
Une explication que les populations trouvent impertinente, voire absurde, d’autant plus que la digue est juste une solution d’urgence et ne présente aucune garantie. ‘’Un projet d’urgence pour la protection des quartiers de la Langue de Barbarie, c’est ce qui est écrit dans le papier. Ça veut dire qu’il faut venir urgemment faire quelque chose. La digue, c’est juste pour limiter la casse. La réglementation de la construction marine ne permet pas de donner des garanties sur des ouvrages de ce genre’’, informe l’ingénieur géotechnicien.
Projet de modification
Apres les violentes houles saisonnières survenues au moins de février qui ont heurté la digue occasionnant son affaissement, l’entreprise d’exécution des travaux, Eiffage, a observé un temps d’arrêt de dix jours pour revoir le projet. Dans les études de prévision basées sur des données antérieures, l’entreprise s’attendait à des houles de 2 à 3 m. Mais, aux mois de février-mars, la Langue de Barbarie a ainsi enregistré des houles et des vagues de 3 à 4 m dues au changement climatique. Ce qui dépasse largement les 2 m de prévision. D’où les dégâts notés. Et ces 10 jours d’arrêt ont été consacrés à une réflexion pour des modifications du projet de construction. ‘‘Pour le projet initial, on avait prévu juste une digue d’enrochement avec des gabions soutenus par des géo-bag, c’est-à-dire des sacs polypropylènes qui pèsent à peu près 5 tonnes, et sur la partie frontale, c’est-à-dire en face de la mer.
Avec les affaissements occasionnés par les houles, on a jugé nécessaire de modifier le projet d’exécution, avec le renforcement de la structure de l’ouvrage en fondation avec du matelas Renault. Sur l’intervalle de pose des épis, initialement, on avait des épis à des intervalles de 50 m. Et avec cette période de houles de plus 3 m, on les rapproche à des intervalles de 25 m. C’est la première modification. La deuxième consiste à renforcer la fondation avec du matelas Renault, parce que l’ouvrage est fragilisé par un phénomène d’enfouissement. Et la troisième concerne le changement de l’axe d’implantation du projet. Au lieu de le faire à une distance variant de 5 à 10 m, on a prévu de rapprocher’’, détaille Aly Tounkara, ingénieur chef de projet à l’Office des lacs et cours d’eau (Olac), maître d’ouvrage du projet. Pour l’ingénieur, la digue tenait et jusqu’à présent il n’y a pas de dégâts majeurs. Ces modifications permettront de mieux adopter l’ouvrage aux exigences de la nature.
Pour la mission de contrôle, tout est dans les normes. Cet affaissement de la digue a plutôt de bons côtés. ‘‘Du point de vue général, le bureau de contrôle est très satisfait de l’exécution des travaux. Sur les 3,5 km, l’entreprise a réalisé 950 m. Et sur ces 950 m, il y a des parties qui ne sont pas achevées. L’ouvrage n’a donc pas atteint son niveau maximal et sa configuration définitive. C’est normal que sur certaines parties, il connaisse des affaissements parce que le travail n’est pas encore fini’’, explique Ousmane Thiam, l’ingénieur géotechnicien contrôleur de la qualité au Cereq. Ce dernier veille au respect du cahier des charges, des plans d’exécution, des commandes de matériels et de la sur-configuration de l’ouvrage. Pour l’instant, les habitants de la Langue de Barbarie prennent leur mal en patience.
EnquetePlus