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Contribution pour la sauvegarde d'un patrimoine culturel: le Fanal.

Mardi 29 Décembre 2015




Le patrimoine culturel est un bien collectif permettant aux générations de connaitre leur passé pour mieux comprendre leur présent afin de bien entreprendre leur futur. En ce sens il est un facteur de stabilité et de cohésion sociale, donc un déterminant important pour un développement local.


Contribution pour la sauvegarde d'un patrimoine culturel: le Fanal.
Ainsi, nous avons choisi de réfléchir sur le fanal, un patrimoine culturel immatériel datant du XVIIIe siècle de la ville de Saint-Louis, pour une prise de conscience sur son importance dans le répertoire patrimonial de la ville, mais surtout insister sur la fragilité de sa transmission car ne reposant que sur le vecteur humain.


Selon l’ancien directeur du centre de recherche et de documentation de Saint-Louis (CRDS) A.Haïdara «Le fanal dans l’histoire de Saint-Louis, plus particulièrement, remonte à une époque très lointaine. Les anciennes femmes métisses de Saint-Louis détenaient une richesse extraordinaire puisqu’elles vivaient avec les européens de la colonie. Elles avaient pour aller à la messe de minuit, l’habitude de se faire accompagner de leurs domestiques et de leurs esclaves qui tenaient des lanternes ou des torches pour éclairer le chemin. Alors si bien qu’au lieu d’y aller individuellement, elles préféraient aller en groupe pour faire de plusieurs torches une seule. C’est ainsi le fanal est né de la petite torche» .
Voici raconté par l’écrivaine Mme Fatou Niang Siga, le spectacle du fanal au temps de sa splendeur à Saint-Louis : «Le chœur d’ouverture était toujours ce chant implorant la protection divine et la bénédiction des mères.

Bismillaay jamm Au nom de Dieu
Rahmaanihim Kuluhum Paix sur nous tous
Nongi jëm Baya Nous sommes en partance pour Baya (Place Faidherbe)
Nongee dem Nous y allons
alla nanu Yalla musël Que Dieu nous protège
Si laminu doom Aadama De la langue du fils d’Adam
Yaay boy wargenu leemo o Oh! Mères, bénissez-nous.


Le grand fanal, était accompagné de garçons porteurs de pantins en bois et carton gigotant au bout d’une perche dès qu’il tirait les ficelles qui les mettaient en action. La danse au son du tam-tam distrayait les spectateurs, le salut faisait sourire le blanc; la culbute polarisait l’attention des enfants. Et les «ndanaan» fermant la marche, se pavanaient avec leurs lampions accrochés au bout de leurs cannes. Le cortège avançait lentement au rythme des «sabars» (ou tam tam) avec les chanteuses en première ligne, alternant chants de mise en garde, poèmes satiriques et de provocation, chaque fois que deux fanaux de quartiers différents se croisaient».

C’est donc à partir d’une procession religieuse que le fanal a vu le jour à Saint-Louis. Deux faits témoignent de l’ancienneté de cette activité culturelle : l’esclavage et la colonisation. De génération en génération le fanal est transmis entre les habitants de Saint-Louis.

Le fanal est aujourd’hui l’un des rares patrimoines immatériels de Saint-Louis ayant survécus aux changements induits par la modernité. Si cela a pu être gardé jusque-là, c’est parce qu’il représente un passé collectif non moins important, mais aussi un objet identitaire profondément local.

Une prise de conscience de cet héritage culturel, est nécessaire à la passation de ce legs d’une génération à une autre. Le fanal est un patrimoine culturel immatériel très ancien qui a su s’adapter au monde contemporain tout en gardant l’essentiel de son identité. Cet atout doit profiter aux acteurs culturels qui, dans un cadre organisé, devraient pouvoir occuper la place qui leur revient et participer au développement local de la ville en permettant à tous les acteurs concernés de tirer leur épingle du jeu.

L’exemple de la Patum de la ville de Berga dans la province de Barcelone (Espagne) est une preuve que le patrimoine culturel immatériel peut être un outil de développement local s’il est bien exploité.

La Patum de Berga est une manifestation populaire dont l’origine est à chercher dans les réjouissances et processions qui accompagnaient les processions de la Fête-Dieu au Moyen Age. Elle prend la forme d’une série de représentations théâtrales et de défilés de personnages divers qui emplissent les rues de cette commune catalane située au nord de Barcelone.

Avec son inscription sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2005, la communauté de Berga a en tiré beaucoup de profits. La Patum est devenue un label culturel très bien vendu. Même si, il faut le reconnaitre cela a créé par la suite beaucoup de conflits du fait que cela a généré des ressources financières importantes.


L’exemple de la samba de roda de Bahia (Brésil) est aussi une illustration parfaite d’une bonne exploitation d’un patrimoine culturel immatériel. La Samba de Roda est un événement festif mêlant musique, chorégraphie et poésie. Apparue dans l’Etat de Bahia, plus particulièrement dans la région de Recôncavo, au XVIIème siècle, elle vient des danses et traditions culturelles des esclaves africains de la région. Cette musique a constitué un moyen d’émancipation pour les classes défavorisées qui cherchaient à affirmer leur identité. Elle est devenue une composante majeure de la culture populaire régionale des Brésiliens d’origine africaine. Par l’intermédiaire des migrants partis à Rio de Janeiro, la Samba de Roda a influencé l’évolution de la samba urbaine, devenue au XXe siècle le principal marqueur de l’identité nationale brésilienne.


Avec son inscription en 2005 sur la liste de l’Unesco, ce patrimoine immatériel est devenu une grande entreprise. Les sambadores (les artistes qui pratiquent cet art) ont une maison de production "La Samba" et beaucoup d’autres biens. Entre 2006 et 2009 le capital s'élevait à 350 000 euros.

Ces deux exemples montrent à suffisance que le patrimoine culturel immatériel peut être géré par la collectivité ou par les acteurs culturels, l’important est que les dépositaires de la tradition soient au cœur de l’action pour que les objectifs soient atteints.


Au-delà des acteurs culturels, les secteurs touristiques, commerciaux, et artisanaux ont tous à profiter de cette activité culturelle. Un patrimoine culturel immatériel peut être un facteur de développement durable.

L’enjeu d’une politique de patrimoine au-delà de bénéficier à la population doit permettre de relier le passé et le présent tout en essayant de garder les valeurs identitaires. Les autorités centrales et locales de la ville de Saint-Louis doivent travailler de concert avec les populations à intégrer, dans les plans directeurs de développement local, le patrimoine notamment immatériel tel que le fanal.

Les initiatives constatées doivent être encadrées, mieux la collectivité se doit de s’approprier la gestion de tout ce qui est patrimoine de la ville, se doter de compétences suffisantes à défaut solliciter l’Etat, et non se limiter à une partie du patrimoine pour des raisons de budget.

Aujourd’hui, un patrimoine culturel immatériel comme le fanal, rare, unique en son genre, grâce à son vécu, offre de la matière pour la recherche et a des atouts pour se vendre et s’exporter. Il reste juste un engagement politique fort prêt à l’accompagner et participer à sa sauvegarde.
Pour cela, mettre en place un projet culturel territorial nous semble être un préalable non moins important. Ainsi, la tradition aura non seulement sa place, mais pourra être un facteur de développement et du coup sa sauvegarde sera garantie.

L’expérience a montré qu’un plan de développement local qui fait de la tradition sa pierre angulaire a beaucoup plus de chances d’être facilement compris et accepté par les masses qu’un plan octroyé dans lequel la population ne se reconnait pas.

Par ailleurs les pôles de développement territoriaux proposés dans le PSE ne prennent pas en compte à sa juste valeur le projet culturel territorial d'où l'urgence de rectifier le tir.

Oumar Khol
Conservateur de bibliothèque
Gestionnaire de Patrimoine culturel
Université Gaston Berger Saint Louis


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