Ces recommandations qu’Ahmad Ben Habib Allah MBACKE adressa à ses gens au moment où il s’apprêta à partir en voyage constituent les pages d’ouverture de l’un des sept dîwâns composés par khadimou Rassoul, entre 1924 et 1926, pour faire la somme de sa vie et de son œuvre. Ces écrits ultimes sont d’une importance et d’une valeur telles que Cheikhoul Khadim les a érigés en textes de référence pour quiconque veut tirer profit de son enseignement.
Ces recommandations à l’heure du voyage, placées en tête du dîwân en prose intitulé « Recueil des réponses, recommandations et avis juridiques (fatwa) » de Cheikhoul Khadim, méritent d’être diffusées à l’occasion de la célébration de l’événement et au moment où vient de nous quitter Cheikh Saliou Mbacké, le dernier fils vivant du fondateur du mouridisme. C’est aussi une manière de rendre hommage à ce dernier puisque c’est avec son autorisation que ce recueil capital a été publié.
Or donc, pour sacrifier au rituel et continuer notre quête de bénédiction, nous allons procéder à une traduction commentée de ce texte dont la portée et l’actualité pourront être mesurées au terme de son parcours. Mais auparavant, il nous faut rappeler que la notion de « wassiya » qui signifie en arabe recommandation, testament, conseil ou legs, s’inscrit dans une tradition islamique qui remonte aux origines lointaines du monothéisme : c’est parfois la vie par laquelle Dieu prescrit sa Loi à certains de ses prophètes ; c’est aussi l’acte par lequel les envoyés de Dieu confient le message ultime à leurs héritiers. Citons le Coran :
« Telle fut aussi la recommandation d’Abraham à ses fils et de Jacob lorsqu’il dit : « Mes enfants, Dieu a choisi pour vous la religion : ne mourez que vous ne soyez parmi Ceux-qui-se soumettent ».
Auriez-vous été témoins au moment où la mort se présenta à Jacob ? Il dit à ses fils : « Qu’adorerez-vous après moi ? ». Ils dirent : « Nous adorerons ton Dieu, le Dieu de tes pères Ibrahim, Ismael et Issac. C’est un Dieu unique. A lui nous nous soumettons » (Le Coran II, versets 132 et 133).
A l’instar d’Ibrahima et de Jacob, Khadimou Rassoul, à l’heure de son voyage qui aura duré 7 ans d’absence, adressa une wassiya, non pas à ses enfants, mais à tous ses gens, fait attesté par le système énonciatif du texte avec l’emploi de l’apostrophe : Yaa qawmi », qui signifie : « Ô mes gens ! » ou « Ô mon peuple ».
Mais puisqu’il s’agit d’une recommandation écrite, la première adresse du texte, qui renvoie au destinataire premier se formule par : « Ô mes disciples » (yaa Ayyuha-t-talaamiiz). C’est dire que c’est par l’intermédiaire de ses disciples qu’il adresse cette recommandation capitale à « ses gens », à son peuple.
Ces considérations préliminaires faites, il nous faut à présent entreprendre notre traduction commentée de cette recommandation dans laquelle nous avons décelé sept points avec une conclusion sublime constituée d’un hadîth du Prophète Mohammed (PSL). Voici les sept articles dont l’ordre, l’enchaînement et les termes de référence obéissent à une logique et une cohérence fidèles à l’esprit du Coran, à la tradition du Prophète et à l’épistémologie de la pensée islamique :
1- La foi
2- La science
3- L’action par la science
4- La soumission à Dieu et son adoration
5- La domination de son moi
6- La lutte contre le moi
7- La moralité
8- L’affranchissement du monde ici-bas
9- La lutte contre le monde ici-bas
Le plan général annoncé, passons maintenant à la lecture commentée de la wassiyya. Après avoir introduit son propos par la basmala et la prière sur le Prophète Mouhammed, le Cheikh définit l’objet de son texte :
« Ceci est la recommandation faite par Ahmed Ben Mouhammed Ben Habib Allah Mbacké quand il eut l’intention de voyager :
I- « Ô mes disciples, surtout pas de crainte en vous. Je vous recommande la crainte de Dieu le Très-haut. On a rapporté d’après Aïcha (Radiya Laahou Anhaa) qu’elle a dit : « Il n’y a rien ni personne dans le monde qui agréa le plus le Prophète Mouhammed (PSL) autant que ceux qui ont la crainte de Dieu ». En plus, selon Qatada (RAH), le Prophète a dit qu’il est écrit ceci dans la Thora : « Ô fils d’Adam, crains Dieu et dors où tu veux ». On a aussi rapporté qu’un certain homme de Dieu sollicita une recommandation de son Cheikh. Celui-ci lui répondit, « Je te recommande ce que le Maître de l’univers a recommandé aux premiers hommes et aux derniers : « Nous avons recommandé à ceux à qui Nous avons donné le Livre et à vous-mêmes ceci : « Craignez Dieu » (Le Coran IV, verset 131).
Et Allah a dit : « Le plus noble d’entre vous et le plus croyant ». Dès lors quiconque veut l’honneur dans ce monde ici-bas et dans l’au-delà, qu’il craigne Dieu. Et le degré le plus élevé de la foi est de se détourner de tout ce qui peut nuire à la religion, telle que les transgressions et les excès ».
Tel est le premier article de la recommandation du Cheikh et qui constitue le principe premier de la religion islamique puisqu’il relève du credo : la croyance en Dieu est le principe fondateur de la foi. Mais cette valeur ne peut être mise en œuvre que par le savoir qui constitue le deuxième article de la wassiyya du Cheikh qui enchaîne :
II « Et je vous recommande la quête du savoir (ou de la science) car elle est la voie par laquelle on accède à la foi, à la vraie crainte de Dieu. Ainsi quiconque veut s’engager sur le chemin de la vie dernière, qu’il apprenne ce qui peut authentifier et valider ses actes de dévotion. Dans un hadith du Prophète, il est dit : « La supériorité de l’homme de science sur l’adorateur de Dieu est pareille à ma supériorité sur les autres membres de ma communauté ». Dans un autre hadith, il est dit : « Un regard porté sur l’homme de science m’est préférable qu’une dévotion annuelle en jeûne et en prières nocturnes ».
Comme on le voit, le savoir est une valeur suprême qui prime l’adoration de Dieu. Faut-il préciser qu’il s’agit d’abord et avant tout de la connaissance gnostique qui éclaire la foi et permet au croyant de connaître Dieu afin de pouvoir l’adorer car, comme nous l’enseigne le hadîth Qudsî, comment peut-on Lui vouer un culte si on ne Le connaît pas. Dès lors, cette science n’a de fonction que de permettre à l’homme d’adorer Dieu à sa juste dimension par des actes et des pratiques illuminées par la compréhension du sens de nos dires et gestes. Voilà pourquoi le Cheikh poursuit sa recommandation avec le troisième article qui nous exhorte à mettre en œuvre le savoir acquis :
III « Je vous recommande la pratique après le savoir : ne pratiquez jamais sans science et n’apprenez jamais sans mise en pratique. Car le savoir tient la place de l’arbre et la dévotion celle de ses fruits. C’est ce qui fait dire à Hassane Basri (RLA) : « Cherchez ce savoir sans nuire à la dévotion pratique ; et cherchez cette dévotion sans nuire à ce savoir ».
Et sachez qua la science est l’imam de la dévotion et que celle-ci vient toujours après celle-là.
En plus multipliez la répétition des articles de la foi par l’œil et par la mémoire et enseignez à vos troupes ce que Dieu a prescrit à tout homme majeur. Il s’agit des 66 articles du credo qui se trouvent sous la formule de la chahada : « Il n’y a d’autre Dieu que Dieu, Mouhammed est le messager d’Allah ». Nous allons opérer ici par une présentation sous forme de tableau sémiotique de ces 66 articles du credo :
LA ILLAHA ILLAL ALLAH – Il y’a d’autre Dieu que Dieu
la misère de tout ce qui n’est pas Allah- vs- autosuffisance d’Allah
L’impuissance | La puissance | 1. Le néant | L’existence |
La contrainte | La volonté | 2. Le phénoménal | La préexistence |
L’ignorance | La science | 3. L’extinction | L’éternité |
La mort | La vie | 4. La ressemblance | L’exception |
L’impuissant | Le puissant | 5. La dépendance | L’autonomie |
Le contraint | L’intentionné | 6. La surdité | L’ouïe |
L’ignorant | Le savant | 7. La cécité | La vue |
La mort | Le vivant | 8. La mutité | Le verbe |
Sujet à l’anéantissement | L’unique | 9. Le sourd | L’audiant |
Préexistence du monde | Contingence du monde | 10. L’aveugle | Le voyant |
Nature | Non-nature | 11. Le muet | Le parlant |
12. Le désirant | Le non désirant | ||
13. L’obligé | Le non obligé | ||
14. L’influencé | Le non influencé |
Mouhammed Rassoulou LAHI
16 Articles de la foi
1. Le mensonge | La vérité |
2 L’infidélité | La confiance |
3. La rétention | La communication |
4. La non contingence | Contingence de l’humain |
5. Non reconnaissance | Reconnaissance des autres prophètes |
6. La non reconnaissance | Reconnaissance des anges |
7. La non reconnaissance | Reconnaissance des livres révélés |
8. La non reconnaissance | Reconnaissance du jour dernier |
Et le Cheikh de conclure ce point : « Ainsi le nombre d’article sous « Mouhammed est le Messager d’Allah (PSL) est de 28 ; si tu l’ajoutes au 50 qui sont sous « il n’y a d’autre Dieu que Dieu », cela fait 66 articles dont la compréhension, la mémorisation, la distinction et la conservation sont un devoir imprescriptible pour tout homme majeur, qu’il soit homme ou femme, homme libre ou esclave, croyant ou athée, humain ou djinn. Point de doute en cela. Et quiconque accomplit ce que Dieu lui a prescrit avec un culte pur, celui-là sera sauvé de l’enfer et entrera au paradis par la faveur, la miséricorde et la promesse de Dieu ; mais quiconque ne le fait pas intentionnellement et par contestation, celui-là périra et entrera en enfer par la justice de Dieu, Sa Colère et Sa promesse ».
Ainsi donc, le Cheikh nous fait mesurer l’exigence d’allier la science et la dévotion pratique avec l’obligation de connaître, de comprendre et de vivifier les 66 articles de la foi qui dérivent de la chahada et qui fondent notre identité islamique. Il y va de notre salut ou de notre damnation.
Cette solidarité du savoir et du faire démontrée, le Cheikh consacre sa quatrième recommandation à nous enseigner les différentes manières de craindre Dieu et de lui obéir :
IV « Ô mes gens, écrit-il, craignez Allah et obéissez-lui dans ce qu’il vous ordonne : ne manquez pas à ses ordres et éloignez-vous de ses interdits car il ne vous consulte pas quand Il vous fait des interdictions et Il ne vous perd pas quand Il vous ordonne. Et enseignez à vos enfants, vos femmes et à tous ceux qui dépendent de vous tout ce que Dieu leur prescrit comme obligation, sinon vous serez interrogés le jour de la résurrection. Et tenez-vous toujours dans le repentir à chaque instant afin que vous accédiez à la quiétude inhérente à l’obéissance à Dieu car, sachez-le, le mal du péché engendre la misère et aboutit toujours à l’échec ; de plus, le carcan des péchés empêche de marcher vars l’obéissance de Dieu et l’empressement vers son service. Et je vous interdis la persistance dans les péchés car elle obscurcit le cœur à tel point que tu le trouves dans une obscurité et une dureté où il n’y a ni clarté, ni lumière, ni goût, ni saveur et il entraîne son propriétaire vers l’incroyance et la détresse.
Et je vous ordonne de repousser quatre obstacles ;
- Le premier est le monde ici-bas : il faut le repousser en se désintéressant de lui et par l’abstinence et l’ascèse. Sachez-le, le monde ici-bas et la vie dernière sont comme deux coépouses : si tu satisfais à l’une tu fâches l’autre ; mieux ils sont comme l’Orient et l’Occident, en a ce sens que tout ce qui se penche vers l’un s’écarte de l’autre. C’est ainsi que le Prophète (PSL) a dit : « Qui préfère sa vie terrestre nuit à sa vie dernière ; et quiconque préfère sa vie dernière nuit à sa vie terrestre. Dès lors, préférez ce qui dure et demeure à ce qui passe et s’efface »
- Le deuxième obstacle, ce sont les foules : méfiez-vous des gens et fuyez-les avec votre religion. Ne vous mêlez pas aux gens car celui qui se mêle à eux, ils le distraient de l’obéissance à Dieu, gloire à Lui. Ô mes gens, restez dans vos demeures et retenez vos langues. Saisissez ce que vous connaissez et laissez ce que vous ignorez si vous voulez le salut le jour où ne serviront ni biens ni enfants. Vous devez avoir l’attitude de l’élite et non celle des masses. Comme le rapporte Soufyane Thawri, « Cette époque est l’époque du silence et de la réclusion dans les demeures, sauf pour les besoins du travail et ce jusqu’à la mort ». D’après Daoud Tâ’ aî, il faut « jeûner ce monde ici-bas et faire de l’autre monde le temps de la coupure de ce jeûne et fuis les gens comme tu le ferais d’un lion ».
- Le troisième obstacle à repousser est Satan : méfiez-vous de lui, résistez contre lui et faites-lui la guerre de toutes vos forces car il est un ennemi sans trêve qui, chaque fois que l’homme connaît un relâchement ou manque de vigilance, se jette sur lui. Si vous voulez être sauvés de lui, ne cessez jamais de lui résister et de lui faire la guerre, d’implorer la protection de Dieu contre son mal, de faire le zikr à toute heure.
- Le quatrième obstacle est le Moi de l’homme : méfiez-vous de l’âme –passion car elle est la pire des ennemies : son épreuve est plus dure, sa guérison la chose la plus difficile car elle est un ennemi intérieur et lorsque le brigand est à l’intérieur de la demeure, la ruse est plus grave et la nuisance plus perverse. En plus l’âme –passion est un ennemi qu’on aime et l’homme est aveugle des défauts de son Moi et il s’en faut de peu qu’il ne voie les vices de son âme ;et il arrive souvent que lui paraisse beau ce qu’il y a de plus odieux en lui . Et il s’en faut de peu qu’il ne lui découvre aucun vice alors qu’elle est parmi ses pires ennemis et malfaiteurs. Quiconque ne se méfie d’elle, elle le fait tomber dans la perdition et l’infamie sans qu’il s’en rende compte .E t sachez que la méfiance à son égard et la lutte contre elle ne sont pas plus faciles, au contraire elles sont difficiles en ce sens que sa domination ne se réalise pas d’un seul coup comme c’est le cas des autres ennemis , car elle est à la fois bête de somme et instrument .On ne peut dominer l’âme –passion que par trois choses :
1. Serrer les désirs car l’animal indocile devient obéissant si on diminue sa ration de fourrage.
2. la surcharger d’acte de dévotion car l’âme si on la surcharge en réduisant sa pitance, il s’humilie et se laisse conduire.
3. demander protection à Dieu contre elle et s’humilier pour qu’il nous accorde son secours contre elle.
Comme on le voit, en consacrant tant de mots au quatrième point relatif à l’obéissance à Dieu, le Cheikh, en consacrant tant de mots au quatrième point relatif à l’obéissance à Dieu, le Cheikh prend un soin particulier pour nous faire percevoir le caractère ardu de l’entreprise et nous donner les voies et moyens de la réaliser pour espérer assurer notre statut. En vérité, il nous invite à prendre conscience de ces quatre obstacles majeurs qui se dressent à chaque pas du chemin qui mène à notre statut : il s’agit, rappelons-le, du monde ici-bas avec ses illusions et ses tentations, de la foule des hommes qui nous distraient de l’essentiel, de Satan, cet ennemi toujours à l’affût et qui jura de perdre l’homme dès le premier jour de son bannissement et enfin de notre Moi.
Continuant dans la même veine, Cheikhoul Khadim aborde le cinquième article de sa recommandation dans lequel il nous invite à veiller sur les cinq organes que sont l’œil, l’oreille, la langue, le cœur et le ventre.
V « Ô mes gens, je vous recommande de veiller aux cinq organes : quiconque veut craindre Dieu qu’il veille sur ces cinq organes » :
1- Pour ce qui est de l’œil, il est la source de toute tentation et épreuve, de tout vice. C’est pourquoi Dieu a ordonné de baisser le regard et quiconque lâche sa bride s’expose à voir ce qui ne le concerne. Il ne manquera pas soit de voir de l’illicite (Harâm) et s’il le fait intentionnellement, c’est un grand péché et il se peut que son cœur en soit tenté et alors il périt. Il est rapporté dans un hadîth que l’homme peut d’un seul regard souiller son cœur tel le cuir soumis au tannage à tel point qu’on ne pourra plus jamais s’en servir ; soit on jette ce regard sur ce qui est licite, et il se peut que ton cœur en soit excité et que s’empare de toi la tentation. C’est en ce sens que Jésus, paix et soit sur lui, a dit : « Prenez garde au regard car il fait germer le désir dans le cœur et soumet son propriétaire à la tentation ». C’est pour cela qu’il est dit : « Le rempart contre les passions est la baisse du regard ».
2- Quant à l’oreille, vous devez aussi veiller à sa protection contre l’écoute du langage frivole et des indiscrétions parce que le récepteur est coresponsable de l’émetteur. Et sachez que la parole qui entre dans l’oreille est pareille à l’aliment dans le ventre. Il s’y trouve du nuisible et de l’utile, de l’aliment et du poison. Protégez votre ouïe de ce qui ne vous regarde pas et on ne vous demandera pas de vous occuper de vos affaires.
3- Pour ce qui concerne la langue, vous devez aussi veiller à sa protection et son contrôle car elle est l’organe le plus indocile, le plus transgresseur, le plus destructeur et le plus agressif. Un des hommes de bien a dit au Prophète (PSL) : « que crains-tu le plus de moi ? ». Et le Prophète toucha sa propre langue et lui dit : « ceci ».
Il est rapporté que lorsque le matin l’homme se lève, tous ses membres viennent dire à la langue : « Nous te prions, au nom de Dieu, de te tenir droit car toi si tu te tiens droit, nous nous tiendrons droit et si tu dévies, nous dévierons ».
4- Quant au cœur, il vous incombe aussi sa protection et son assainissement car de tous les organes il est le plus éminemment instable et le plus exposé aux marques. L’envoyé d’Allah (psl) a dit « Allah, le Très – haut, ne regarde ni votre forme, ni votre peau, mais il regarde vos cœurs ». Ainsi donc le cœur est le point de mire du Seigneur de l’Univers. Dès lors, mes frères, n’accordez pas un souci particulier à vos visages et vos corps, vous livrant à son toilettage pour se débarrasser de la crasse et des saletés afin qu’on n’y voie aucun défaut ; mais au contraire, souciez- vous de l’assainissement de votre cœur car est le point de mire du Seigneur de l’Univers et purifiez – le des vices et des impuretés. Le Prophète (PSL) a dit : « En vérité il y’a dans le corps un bout de chair qui, lorsqu’il est sain tout le corps devient sain ; mais lorsqu’il se corrompt, tous le corps devient corrompu ; en vérité, il s’agit du cœur ». Si la santé du tout dépend du cœur, il incombe de prendre un soin particulier de lui. Prenez cela en considération.
5 – Enfin, pour ce qui concerne le ventre, vous devez veiller aussi à sa protection et son assainissement car il est l’organe le plus avide : protégez vos ventres des choses illicites ou douteuses d’abord, et de l’excès ensuite si vous êtes animés par le souci d’obéir à dieu et de l’adorer. Le Prophète (PSL) a dit : « toute viande a germé sur le sol de l’illicite : le feu en est le plus digne. Dès lors la consommation de ce qui est illicite ou douteux est bannie car elle ne s’accorde pas avec l’adoration de Dieu. Le Prophète (PSL) a encore dit : « l’être humain ne remplit un récipient pire que son ventre ». Et dans le ventre résident dix calamités (fléaux malheurs) :
1) Le durcissement du cœur et l’extinction de sa lumière.
2) La fatigue des organes, leur excitation et leur déchaînement vers l’excès et le gaspillage.
3) La limitation de l’intelligence et du savoir car l’obésité tue la perspicacité.
4) La diminution des actes d’adoration et de dévotion car quand le manger s’accroît, le corps s’alourdit.
5) L’extinction du goût mystique de la dévotion : Abou Bakr a dit : « j’ai cessé de me régaler depuis le jour où je me suis converti à l’Islam afin de trouver le goût mystique de mon Seigneur »
6) Le malheur de la conscience de se tenir dans les choses douteuses et illicites
7) L’occupation permanente du corps et du cœur pour l’acquisition de la nourriture, sa consommation et sa digestion.
8) L’intensité de la souffrance de l’agonie qui est à la mesure de l’attachement à la vie : celui qui abuse de la vie reçoit un surplus de souffrance à l’heure du départ.
9) L’insuffisance du salaire dans l’autre monde
10) La vie carcérale, l’épreuve des comptes, le blâme et les remontrances du Seigneur à cause des transgressions morales, de l’entrée dans les excès et de la quête des plaisirs. Car la vie ici-bas, son licite sera soumis au jugement, son illicite sera châtiment et sa parure sera anéantie.
C’est sur ces avertissements terribles concernant les malheurs du ventre que se termine le cinquième article des recommandations du Cheikh, point déterminant qui nous apprend à dominer notre Moi avec ses pulsions bestiales incarnées par l’œil, l’oreille, la langue, le cœur et le ventre que nous devons contrôler, protéger et subjuguer afin d’être maîtres de nous-mêmes. L’actualité de ces conseils dans ce siècle de culte du corps et des sens, de fureur de consommation, d’attachement aux nourritures terrestres, nous semble évidente et manifeste. Il nous faut dominer ces cinq organes de nos passions pour adorer le Seigneur et accroître notre part d’humanité et nos chances de salut dans l’autre vie qui est la vraie vie. C’est pourquoi Cheikhoul Khadim conclut cette cinquième recommandation en lançant un appel véhément au réveil. « Ô mon peuple, sortez de votre sommeil. »
Cette même adresse lui permet d’enchaîner avec le sixième point de sa recommandation relatif à la moralité. :
VI « Ô Mes gens, sachez que je vous mets en garde contre quatre vices et vous recommande quatre vertus.
Quant aux quatre défauts, ce sont l’ambition démesurée, l’empressement, l’orgueil et la jalousie. Quant aux quatre vertus, ce sont l’ambition saine, la prudence dans les affaires, la bienveillance pour les êtres et l’humilité dans la dévotion.
a- L’ambition démesurée : elle est l’obstacle à toute forme de bien et à l’obéissance à Dieu ; elle est aussi la cause de tout mal et de toutes épreuves. On a dit : « Quiconque est mû par une ambition démesurée, son action est vouée à la corruption ». Il est également dit : «l’ambition démesurée détruit tout bien ; la cupidité exclut la justice alors que la patience mène toujours au succès ; l’âme passion incite toujours au mal »
b- L’empressement : il est le trait de caractère qui fait manquer au but, qui installe l’homme dans les choses interdites. L’adage courant dit : « Si tu ne t’empresses pas, tu arriveras assurément au but »
Le Poète a dit dans le même sens :
« Le patient atteindra certains de ses desseins,
L’impatient connaîtra toujours les faux pas ».
c- L’orgueil : c’est le défaut qui fait périr l’homme. Il ne se situe pas au même niveau que les autres vices qui se manifestent dans les actions et à un niveau secondaire. Par contre, l’orgueil se situe au niveau des fondements et affecte la religion et la foi. Lorsque l’orgueil devient puissant et triomphant, on ne peut plus le guérir. Que Dieu nous en préserve.
d- L’envie : elle anéantie les œuvres de l’homme et conduit vers le péché et le crime. C’est le mal par lequel on éprouve la plupart des élites et des hommes de sciences, plus que les masses et les ignorants, jusqu’à ce qu’elle les fasse périr et les conduise en enfer. Sachez que la jalousie provoque cinq maux :
1) L’anéantissement des actes de dévotion. Le Prophète (PSL) a dit : « l’envie dévore les belles œuvres comme le feu consume le bois »
2) La pratique des interdits et du mal : à preuve, Allah le Très Haut a ordonné de demander protection contre l’envieux lorsqu’il est en proie à l’envie comme on doit chercher protection de Dieu contre le mal de Satan et du magicien. Vois combien est énorme le mal de l’envie dont on ne peut se protéger que par le Seigneur de l’Univers.
Selon Wahb ben Manbah, on reconnaît l’envieux à trois signes :
- Il ment quant il témoigne
- Il trahit quant il est seul
- Il se réjouit du malheur d’autrui
3) La troisième chose causée par l’envie est la débauche d’énergie et l’effort sans intérêt qui s’accompagnent toujours de peine et de péchés.
4) la cécité du cœur jusqu’à ce qu’il soit incapable de comprendre le jugement divin. Un homme de science a dit : « Veille à garder le long silence, tu acquerras la piété ; ne sois pas envieux si tu veux mémoriser le Coran ; ne sois pas calomniateur si tu veux être sauvé de la langue des hommes ; ne sois pas envieux si tu veux avoir une faculté de compréhension rapide »
5) La cinquième chose engendrée par l’envie, c’est la misère morale et l’échec. Il s’en faut de peu que l’envieux ne satisfasse aucun besoin et ne vienne en aide à personne. Hâtim a dit : « le calomniateur n’a pas de foi ; l’homme qui blâme n’est pas un adorateur de Dieu ; le traître n’est pas un croyant ; l’envieux n’est jamais victorieux ». Et notre cheikh Ghazâlî a dit « comment peut-il être heureux celui dont le bonheur réside dans la négation des bienfaits de Dieu sur ses créatures… » Et parmi leurs dires, cette belle sentence : « l’envieux ne moissonne jamais ».
Ibn yaqûb disait dans une de ses prières : « Seigneur fasse que nous nous réjouissions de tes faveurs sur tes créatures et de la beauté de leur condition ».
C’est sur cette prière généreuse qui éloigne le cœur de toute forme de jalousie et qui tire un immense plaisir dans la contemplation des faveurs de Dieu sur ses sujets que se termine le sixième article des recommandations du Cheikh. Il nous y a invité à lutter contre l’envie, l’orgueil, l’empressement et l’ambition démesurée afin d’incarner une éthique qui fait de nous des hommes de biens et des hommes de foi qui marchent sereinement sur le droit chemin jusqu'à ce qu’ils rencontrent leur Seigneur avec un cœur apaisé et illuminé. Et le Cheikh d’aborder le septième et dernier point de sa wassiyya :
VII « Ô mes gens, mettez en œuvre mes paroles et mes recommandations et extirpez de vos cœurs l’amour du monde ici-bas : vous connaîtrez la paix dans les deux demeures. Evitez la gloriole, la ladrerie et l’avarice. Que la vie présente ne vous berce pas d’illusions ; que le grand séducteur ne vous détourne pas de Dieu. Cachez vos bienfaits comme vous cachez vos actions vilaines. Et chaque fois que le monde ici-bas tente de vous distraire de l’adoration de votre Seigneur, abandonnez-le et chaque fois qu’il vous mène à son obéissance, cherchez-le. Et ne vous fâchez pas contre quelqu’un que pour Dieu ; et n’aimez personne que pour Dieu. Si vous faites cela, vous serez un peuple agréé et aimé de Dieu. Que les tentations du monde ne vous mènent à vous mêler aux princes et aux ministres et chaque fois que vous voyez ou soupçonnez dans leurs affaires une désobéissance à Dieu, laissez-les de coté, mais chaque fois que vous y soupçonnez une source de contentement de Dieu réalisez-les autant que vous pouvez. Ne mettez pas de paresse dans les œuvres de bienfaisance.
Sachez que les nourritures terrestres et leurs chagrins et les joies du monde ne sont rien, comparées à la volupté du paradis et aux châtiments de l’enfer. Ensuite ne renvoyez jamais un quémandeur s’il y’a quelque chose que Dieu vous a octroyé et multipliez la charité et les invocations. Et lorsque le frère musulman vient vous soumettre un besoin, faites l’effort nécessaire pour le secourir car le meilleur des hommes est celui qui aide les musulmans et leur est utile. Multipliez les prières surérogatoires à la maison. Et multipliez la lecture du Coran chaque jour et ne vous en détournez pas comme font certains étudiants. Notre Cheikh Alyadâlî a Daymanî a dit dans son ouvrage intitulé De l’or : « certains soufis prétendent qu’ils ont trouvé quelque chose de plus important que la lecture du Coran : c’est du mensonge et de la fausseté ».
En vérité, le Coran est la substance de toutes sciences dans le monde : ne sois donc pas de ceux qui s’en détournent ; au contraire, lis-le éternellement! Et tire de lui tout savoir que tu veux comme doivent faire les vrais chercheurs. Prête un œil attentif à tout attribut (qualité) que Dieu a célébré pour ses créatures et assimile-le et sois ferme dans son application. Et tout attribut qu’Il interdit, abandonne-le et sois constant dans ton abandon car Dieu n’a évoqué ces principes que pour que tu les mettes en application.
Sache que le peu de lecture du Coran accompagnée de compréhension est préférable à la longue lecture sans entendement : la lecture d’un verset avec réflexion et compréhension est meilleure que la descente intégrale du Coran sans méditation. On a même dit que celui qui lit sans réflexion n’a pas de salaire dans sa lecture. On a dit aussi qu’il sera rétribué.
D’après Ibn Abass (RLA) le Prophète (psl) a dit : « Deux Rakas biens exécutés avec méditation valent plus qu’une veillée de prière toute une nuit durant avec un cœur distrait (absent) ».
« Ô mes gens efforcez-vous d’assainir vos actions (œuvres) avec tout l’effort requis et soyez partagés entre crainte et espoir : ne comptez pas sur vos actions et ne soyez jamais assurés d’être à l’abri de la tentation de Satan ».
C’est par cette exhortation véhémente que le cheikh termine le septième volet de ses recommandations à la veille de l’exil. C’est sur ces entrefaites qu’il va conclure son propos par un hadith dont le fond et la forme nous invitent à faire tout pour que tous nos actes d’adoration soient animés par la recherche exclusive de l’amour de Dieu. Entreprise exaltante et quasi-impossible en ce sens que la plupart de nos motivations profondes sont en réalité vaniteuses ou intéressées. Ecoutons cheikhoul khadîm nous rapporter ce conseil du prophète Mouhamad (PSL) à Mu’âz Ibn Jabal :
Dans le récit célèbre Mu’âz Ibn Jabal raconte :
« J’étais un jour chez le Messager d’Allah (PSL) quand il enfourcha sa monture et me mit derrière et nous nous éloignâmes. Puis, il leva les yeux vers le ciel et dit : « Gloire à Allah qui décrète sur ses créatures ce qu’Il veut ». Puis il m’apostropha : « Ô Muâz ! »
-« Oui ! Prince des messagers ! », répondis-je.
-« Je vais te faire un récit : si tu le retiens il te servira, mais si tu le négliges, tu n’auras pas d’arguments devant Dieu.
Ô Muâz ! Sache que Dieu créa sept anges avant de créer les sept cieux et à chaque ciel Il affecta un ange. Il affecta à la porte de chaque ciel un ange-gardien à la dimension et à l’éminence de la porte.
Cela fait, les anges gardiens de l’homme montèrent avec l’œuvre d’un homme qui avait la lumière et l’éclat du soleil, jusqu'à ce qu’ils atteignent le ciel de ce monde. Les anges gardiens ne cessaient de démultiplier cette œuvre et de la purifier. Lorsqu’ils atteignent la porte du ciel, son ange- portier leur dit : « Arrêtez-vous et frappez de cette œuvre le visage de son auteur. Moi je suis le détenteur de la calomnie et mon Seigneur m’a ordonné de ne pas laisser passer l’œuvre de celui qui a calomnié les hommes ».
Puis le lendemain, dit le prophète, les anges gardiens viennent avec une belle œuvre dotée d’ une lumière que les anges décuplaient et purifiaient davantage jusqu’à ce qu’ils arrivent au second ciel. L’ange portier ordonne aux anges gardiens de s’arrêter et de frapper avec cette œuvre le visage de son auteur car celui-ci cherchait dans son action l’ambition terrestre. Et voilà pourquoi, dit-il, mon Seigneur m’a ordonné de ne pas laisser passer cette œuvre au-delà. Et alors les anges se mirent à la maudire jusqu’au soir.
Et les anges gardiens de monter avec l’œuvre resplendissante d’un homme composée de charité, de jeûne et de nombreuses veillées nocturnes en prières. Les anges se mettent à la démultiplier et à la purifier jusqu’à ce qu’ils atteignent le troisième ciel. Alors l’ange portier de ce ciel leur dit : « arrêtez-vous et frappez de cette œuvre le visage de son auteur. Je suis le détenteur de l’orgueil et mon Seigneur m’a ordonné de ne pas laisser passer l’œuvre de cet homme car il se comportait avec orgueil parmi les hommes dans les assemblées ».
Puis les anges gardiens de monter avec une œuvre qui brillait comme les étoiles et l’astre du jour, retentissant d’actions de grâce, de jeûnes, de prières, de grands et petits pèlerinages. Lorsqu’ils arrivèrent au quatrième ciel, l’ange qui y est affecté leur ordonna de s’arrêter et de frapper de cette œuvre le visage de son auteur : « je suis le détenteur du prodige, mon Seigneur m’a ordonné de ne laisser son œuvre passer car Il cherchait à être admiré dans ses actions ».
Et les anges gardiens de monter avec une œuvre qui pétille, pareille à la nouvelle mariée le soir de ses noces, jusqu’à ce qu’ils atteignent le cinquième ciel avec cette belle œuvre, faite de djihad et de pèlerinage et qui avait le rayonnement du soleil. Alors l’ange portier leur dit : « Je suis le détenteur de l’envie. Cet homme jalousait les hommes de ce que Dieu leur a donné dans sa grande faveur. Il a haï ce qui a plu à Dieu. Mon Seigneur m’a ordonné de ne pas laisser passer son œuvre ».
Et les anges gardiens de monter avec l’œuvre d’un homme avec sa lumière complète, œuvre faite d’innombrables prières, de jeûnes et de pèlerinages. Ils commencèrent à traverser le sixième ciel quand l’ange portier leur dit : « Je suis le détenteur de la miséricorde. Arrêtez-vous et frappez de cette œuvre le visage de son auteur car il n’avait de pitié pour personne et quand un malheur affectait quelqu’un il s’en réjouissait. Voilà pourquoi mon Seigneur m’a ordonné de ne pas laisser son œuvre.
Et les anges gardiens de monter avec l’œuvre d’un homme faite de dépenses énormes, de jeûnes, de prières, de djihad, d’abstinence. Cette œuvre avait une voix comme celle du tonnerre avec un éclat comme celui de l’éclair. Ils montèrent avec cette œuvre jusqu’au septième ciel, l’ange portier leur dit : « Je suis le détenteur de la renommée, cette œuvre, son auteur cherchait à travers elle la renommée dans les assemblées, la préséance parmi les lettrés et l’honneur auprès des grands. Mon Seigneur m’a ordonné de ne pas laisser passer son œuvre.
En vérité toute action qui n’a été faite pour Dieu est pure vanité et Allah, dans sa grandeur splendide n’exauce pas le travail du vaniteux ».
Et les anges gardiens de monter avec l’œuvre d’un homme faite de prières, de zakat, de jeûnes, de pèlerinage, de belle moralité, de silence et de souvenirs de Dieu que les sept anges escortaient jusqu'à ce que se déchirent tous les voiles et qu’ils se retrouvent devant Dieu, gloire à Lui. Ils se tinrent debout devant Dieu et lui témoignèrent de l’œuvre pure et saine de cet homme. Alors Dieu leur dit :
« Vous êtes les gardiens de l’œuvre de mon esclave et moi je suis le censeur de ce qu’il y’a dans son âme. Je sais que ce n’est pas Moi qu’il désirait dan son œuvre-ci et il ne l’a pas fait exclusivement pour Moi et je sais, Moi, ce qu’il voulait par son œuvre. Il a ma malédiction. Il a trompé les humains et il vous a trompés mais il ne peut pas Me tromper car je suis le Connaisseur de l’inconnu, le Connaisseur de ce qu’il y’a au fond des cœurs : aucun secret ne m’est inconnu, aucune pensée ne m’échappe.
Ma connaissance de ce qui est égale ma connaissance de ce qui n’est pas ; et ma connaissance de ce qui est passé est comme ma connaissance de ce qui reste à venir ; ma connaissance des premiers est égale à ma connaissance des derniers. Je connais ce qui est secret et caché. Comment mon esclave peut-il m’abuser à propos de son œuvre. En vérité, ce sont les créatures qui ne savent pas qu’il peut abuser. Je connais l’inconnu et ma malédiction est sur lui. Et alors les sept anges qui escortaient cette oeuvre disent : « Ta malédiction et la nôtre sur lui ». Et alors les habitants du ciel disent ensemble : « malédiction de Dieu et celle des anges sur lui ».
Alors Muâz versa de chaudes larmes et dit : « Ô Messager d’Allah, comment être sauvé de ce que tu as évoqué ? ». Il me répondit : « Ô Muâz ! Attache- toi à ton prophète dans la certitude ? Je lui posai la question trois fois et il me donna la même réponse ».
Puis il me dit : « Ô Muâz ! s’il t’arrive un manquement ou un retard dans ton cœur, retiens ta langue de la médisance des hommes et de tes frères par la lecture exclusive du Coran. Que t’éloigne de la médisance des hommes ce que tu sais de tes vices personnels. Ne rehausse pas ta personne par le dénigrement de tes semblables ; n’élève pas ta personne par le rabaissement de tes frères. Ne manifeste pas ton action afin d’être loué parmi les hommes. Ne plonge pas dans les affaires de ce monde, ce qui te fera oublier les affaires de l’autre vie.
Ne parle jamais en aparté à quelqu’un alors qu’il y’a un tiers avec toi. Ne fais pas le fier sur les hommes si bien que les avantages de ce monde et de l’autre se coupent de toi. Ne sois pas insolent et vulgaire en public à tel point qu’on te fuit à cause de ton impolitesse ! Ne déchire pas les hommes de ta langue, les chiens de la géhenne te déchireront !
Et le prophète de conclure : « Pour que tu accèdes à cela, il te suffit de vouloir aux autres ce que tu veux pour toi-même et que tu ne leur souhaites pas ce que tu ne voudrais pas pour toi-même »
Khâlid Ben Ma’dane a témoigné que Muâz ne récitait aucune leçon autant que ce hadith.
Et le Cheikh de reprendre pour conclure ses recommandations en se référant à ce hadith : « Ô mes gens ! Si vous entendez ce hadith à l’édifice grandiose, aux conséquences douloureuses, dont les effets font s’envoler les cœurs et rendent perplexes les esprits, dont le poids écrase les poitrines et dont la terreur trouble les âmes, cramponnez-vous à votre Protecteur, le Seigneur de l’univers et restez dans vos maisons, implorant, suppliant et pleurant à longueur de nuit et de jour, en compagnie des invocateurs et des implorants car- sachez-le- il y’a pas de salut que grâce à la miséricorde de Dieu. Pas de sauvetage de cette mer que par son secours et sa sollicitude .Levez-vous de votre sommeil, ô, vous les insouciants, et donnez aux choses leur importance. Et surtout luttez contre votre moi, contre ce terrible obstacle dans l’espoir que vous ne périssiez pas avec ceux qui périssent. Et demandez le secours de Dieu en tout temps car il est le meilleur secours et dites au commencement de toute action : « Ton secours, ô Toi le Secoureur ! C’est en Toi que nous cherchons secours ». Car, il est, gloire à Lui, le tout miséricorde. Il y’a point de puissance et de pouvoir qu’en Allah, le Très- haut et le Sublime. Et prière d’Allah sur notre Seigneur Mouhammad, sur les siens, ses compagnons et leurs suivants, une prière sans fin et sans limite. C’est sur ce que se terminent les recommandations de Cheikhoul Khadim à ses gens juste avant son départ en exil en 1895.
Ce qui frappe quand on arrive au terme de notre lecture de cette wassiyya, c’est la dimension intemporelle et paradigmatique des principes et des valeurs qu’elle enseigne : les articles du credo islamique, la primauté de la science dans l’Islam, l’exigence d’allier science et action dans la pratique religieuse, l’obligation d’obéir au Créateur par un combat perpétuel contre le monde et ses illusions, le Moi et ses pulsions, Satan et ses tentations, la quête d’une éthique du bien et du beau afin que chacune de nos actions soit faite pour le plaisir exclusif du Créateur de l’univers.
L’autre dimension du texte qui frappe l’attention, ce sont les références qui fondent et légitiment les enseignements du Cheikh : la principale autorité citée par l’auteur est le Prophète Mouhammed-sala Allahou alayhi wa salam- qui lui sert de modèle, de repère et à qui il témoigne ainsi son statut de serviteur dévoué et d’héritier légitime.
Enfin, ce qui nous frappe, c’est l’actualité de ces recommandations qui nous rappellent des valeurs et des vertus cardinales qui nous permettent de résister contre l’aliénation de ce monde qui nous invite chaque instant à cultiver le corps et à adorer le Veau d’or.
Mouhammed Habib Kébé, Chercheur en Sciences Religieuses.
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