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Bargny : un combat perdu d'avance contre les vagues

Samedi 31 Août 2024

​Avec les changements climatiques, la montée des eaux est devenue un phénomène récurrent sur nos côtes. De Djiffer à la Langue de Barbarie en passant par Mbour, l’érosion côtière a causé et continue de causer d’énormes dégâts. Aujourd’hui, c’est la ville de Bargny qui est touchée par les grands reflux de l’océan Atlantique. Dans cette bourgade Lébou, les vagues dévastatrices ont emporté plusieurs maisons, et les riverains craignent le pire.


Bargny : un combat perdu d'avance contre les vagues
À la descente du Train Express Régional (TER), en cet après-midi du jeudi 22 août, la brise marine éveille déjà les sens olfactifs. Après un long détour dans les ruelles exiguës et mal loties de la commune, comme d’ailleurs dans la plupart des localités Lébou de la presqu’île du Cap-Vert, Bargny Guedj s’offre à nous. Méconnaissable ! Cette partie du village, prisée pour son sable fin et son paysage pittoresque, est dévorée peu à peu par l’océan impitoyable. Il a suffi de deux jours pour que les grosses houles déchaînées transforment les lieux en champ de ruines. Les maisons qui bordent le rivage portent déjà les cicatrices de la furie de la mer. Fragiles face à la violence des flots, certaines habitations sont à moitié détruites, tandis que d’autres sont marquées par de grosses fissures. Les amas de toitures brisées, les sacs de sable et briques éparpillés frappent l’œil à première vue. Les lieux portent les stigmates d’une lutte sans fin entre la terre et la mer.

« Les vagues ont frappé la côte avec une violence implacable »

Malgré ce spectacle désolant, des habitants essaient tant bien que mal d’ériger une digue de protection de fortune tandis que les vagues, inlassables, viennent s’écraser contre les fondations de la structure, emportant avec elles des morceaux de briques, de pneus, de gravats et des sacs de sable, sous l’œil impuissant des notables du quartier. Parmi eux, Ndiassé Samb regarde avec impuissance les vagues frapper violemment une partie des débris tombés de sa maison. Assis sur une brique, caressant sa barbe, ce sinistré se dit surpris par la violence de la houle. « Cela s’est passé si vite. Lundi dernier, c’est aux alentours de 6 heures du matin que les vagues ont frappé la côte avec une violence implacable. Chaque année, nous vivons le même calvaire. Mais aujourd’hui, nous avons l’impression que le phénomène a pris de l’ampleur par rapport aux années précédentes », déclare-t-il. Selon lui, la montée des océans est une réalité palpable à Bargny. « Il y a une trentaine d’années, la mer était à une centaine de mètres de nos maisons. Mais aujourd’hui, elle n’est qu’à quelques mètres. Si aucun acte concret n’est posé pour amortir les houles, des pans entiers du village risquent de se noyer sous les eaux », redoute le sexagénaire, la mine renfrognée et vêtu d’un jogging bleu.

Même préoccupation pour Mbaye Diop, surpris en train de ramasser des blocs de pierres. Son objectif : protéger une partie de la maison familiale déjà emportée par la furie des flots. La sueur dégoulinant sur le visage, le jeune homme édifie, à l’aide de ses amis, un petit barrage fait de galets et de gravats pour protéger l’édifice des prochains assauts de la mer, qui ne tarderont pas à survenir avant la fin de l’hivernage. Bien que s’échinant à en construire, il estime que les digues de fortune ne servent à rien. Ce n’est qu’une solution temporaire. Avec les changements climatiques, dit-il, nos maisons risquent de s’effondrer. « Si une houle d’une intensité semblable à celle de ce lundi frappe de nouveau Bargny Guedj, les dégâts seront colossaux. Les maisons en bord de mer tiennent à peine debout », désespère-t-il. À ses yeux, seule une vraie digue de protection en béton est nécessaire.

« Sans une digue de protection, il sera impossible de stopper la mer »

À un pas de là, des pêcheurs et des mareyeurs regardent impuissants, depuis deux jours, une partie du quai de pêche engloutie pour l’instant par les eaux de mer. Des épaves de pirogues, jadis stationnées sur le rivage, sont visibles au loin, rappelant la puissance incontrôlée de la mer. Frappés par la violence des vagues, des morceaux de bois gisent sur le littoral. Ici, le bruit assourdissant des vagues perturbe la quiétude des riverains du quartier Ndiaga Samb déjà traumatisés par les ravages de l’océan. La brise marine chargée de sel et le brouillard qui enveloppe l’horizon semblent annoncer une prochaine houle dévastatrice. Tissant avec circonspection des filets de pêche, Ibrahima Seck, 38 ans, indique que les vagues ont failli emporter plusieurs pirogues. Selon lui, c’est un phénomène récurrent dans le village. Mais, à son avis, l’érosion a été amplifiée par les actions d’origine anthropique les remblais effectués sur le port de Sendou se répercutant inéluctablement sur Bargny Guedj. « Les travaux du port avancent à grands pas. Et nous risquons de payer les pots cassés. Est-ce que des études d’impact environnemental rigoureuses ont été réalisées pour évaluer les conséquences de l’érection de l’infrastructure ? », interroge Ibrahima, vêtu d’une combinaison verte.

Walymata Seck Diop, 60 ans, ne contredit pas les propos d’Ibrahima. Cette sinistrée les confirme même. « Nous sommes ceinturés par trois dangers qui menacent l’existence de Bargny : la cimenterie, la centrale à charbon, et aujourd’hui l’érosion côtière qui risque de rayer notre localité de la carte », éructe-t-elle. D’après Walymata, Bargny a besoin de brise-lames pour faire face aux assauts violents de la mer. « Il faut une solution durable avant qu’il ne soit trop tard. Sans une digue de protection, il sera impossible de stopper la mer. La municipalité n’a pas les moyens de financer un projet d’une telle envergure. Nous avons besoin de l’aide des autorités », souligne-t-elle, précisant l’urgence de venir en aide aux familles touchées. « La promiscuité étouffe déjà le village ; un relogement serait le bienvenu, même si nous devons quitter ces terres léguées par nos aïeux », confie-t-elle dans un Wolof à l’accent Lébou.

La mairie de Bargny a, de son côté, démarré un projet de recasement des personnes impactées. Une centaine de maisons sont déjà en cours de réalisation dans la zone Bargny Ville Verte. Une cinquantaine a déjà été livrée. « Le coût pour stopper l’avancée de la mer dépasse même le budget de la municipalité. Pour cela, il va falloir réaliser des ouvrages tels que des piles, une digue de protection ou un brise-lames. Et cela coûtera des milliards », affirme Babacar Seck, président de la Commission Environnement de la mairie de Bargny. Cent quatorze ménages impactés par l’érosion avaient été recensés, d’après lui. « Bargny Ville Verte est un projet dont nous avons hérité. Lorsque nous sommes venus aux affaires, nous avons trouvé quelques maisons déjà achevées mais nous avons décidé de continuer le projet après de nombreuses discussions au niveau du conseil municipal », informe-t-il.

« L’avancée de la mer s’accentue »

Archéologue sous-marin diplômé de l’Université Aix-Marseille, Docteur Madické Guèye considère que la dynamique marine et l’effet des courants à long terme se font sentir de plus en plus sur les côtes africaines. Avec le réchauffement climatique et la montée des eaux, les houles dévastatrices vont devenir fréquentes dans les prochaines années. « Dans ce cas, plusieurs localités côtières seront menacées à long terme par l’érosion côtière », alerte-t-il. Selon lui, l’érosion marine est un phénomène qui s’accentue avec les changements climatiques. « Le niveau de la mer augmente de 3 à 4 millimètres par an sur la côte ouest-africaine », poursuit-il en citant un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIec) de l’ONU publié en 2019. Il indique que la région de Dakar est mise à rude épreuve depuis quelques années par l’érosion côtière. « L’avancée de la mer s’accentue particulièrement sur la Grande Côte mais aujourd’hui, avec les nombreux dégâts causés par les vagues de Djiffer à Bargny, la question doit être prise au sérieux par les autorités compétentes »,soutient-il. Selon lui, il est urgent de construire des ouvrages capables d’absorber la puissance des houles pour protéger ce qui reste des habitations.

LE TEMOIN
 


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1.Posté par Rahn Samba le 01/09/2024 01:39
Ce qui se passe a Bargny on l'a déjà vu a Mbao, Rufisque, Djiffer, Palmarin et meme Diogué et Carabane. Ce n est pas un problème local mais global qu'il faut prendre au sérieux et proposer une solution nationale a différentes etapes. On s'est depeché d'assurer une protection à Saly alors que le danger est plus imminent à Sangomar, Djiffer Palmarin, Dionewar...arrêtons de rafistoler pour choisir des solutions réfléchies et durables à l'image de celles du maire de Bargny.

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