Dakar le 30 juin 2019 Direction de la Police Judiciaire
Palais de Justice
Dakar (Sénégal)
Objet : affaire Sall-Timis
Monsieur le Commissaire,
A ma demande, j’ai été entendu le 26 juin 2019 par vous-mêmes et vos enquêteurs sur l’affaire citée en objet.
Répondant à vos questions, j’ai également délivré un témoignage relatif au scandale Sall-Timis qui a fait l’objet d’un documentaire de la BBC diffusé le 3 juin 2019.
Dès le lendemain 27 juin, le journal L’observateur n° 4722, en ses pages une et trois, relatait une de mes réponses à une question posée par vos soins en l’isolant de son contexte, dans le but de nuire à la crédibilité de ma déposition. Il s’agit d’une violation manifeste des droits fondamentaux d’un citoyen sénégalais qui a eu à exercer de hautes responsabilités et qui par égard à l’institution que vous représentez est dans une démarche légaliste et républicaine. Le Code pénal et le Code de procédure pénale qui encadrent et limitent vos compétences, vous interdisent de divulguer les éléments d’un témoignage dans le cadre d’une procédure d’appel à témoin.
Je vous rappelle que l'Etat de droit a pour fin essentielle la garantie et la protection des droits fondamentaux de la personne, comme l'implique l'article 2 de la Déclaration de 1789 intégrée dans le Préambule de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 selon lequel : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Les organes de l'Etat de droit, c'est-à-dire notamment la police, doivent donc eux aussi être ordonnés à cette fin. Par suite, dans un tel Etat, la police n'a aucune autre légitimité que celle-là. C'est exactement ce que précise l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, acte fondateur de la police libérale, qui pose ce principe : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
Il découle de cette disposition fondamentale que la fonction de la police n'est pas d'abord de renseigner le gouvernement, de prévenir les troubles à l'ordre public ou de rechercher les auteurs d'infractions, mais bien de garantir les droits de l'homme et du citoyen, fonction qui implique de n'assurer les missions précitées que dans la seule perspective de l'objectif général énoncé par la Déclaration de 1789. La police, en effet, se renierait elle-même comme police de l'État de droit si elle entendait assurer ses missions en faisant abstraction de ces droits fondamentaux.
Le 28 juin, je vous ai donc adressé une lettre de protestation pour cette « fuite habile ». Vous avez refusé de la décharger.
Vous m’avez ainsi contraint à choisir la forme d’une lettre ouverte pour communiquer avec vous.
Les nombreuses questions que vous m’avez posées, ou fait poser par vos collègues, m’ont permis de vous éclairer sur mon cursus scolaire depuis l’école primaire.
Nous n’étions pas encore en Haute Cour de Justice, mais je me suis aussi, au nom de mon aide à la construction de la vérité, laissé porter au jeu de questions portant sur le rôle du Premier ministre et des Ministres dans un régime présidentiel (avec un exécutif bicéphale à prépondérance présidentielle) comme celui du Sénégal pendant l’exercice de mes fonctions. Je pense également vous avoir éclairé sur la nature juridique du contreseing apposé sous la signature du Président de la République (titulaire exclusif du pouvoir de prendre des décrets) au bas du texte d’un décret présidentiel. De même, mes déclarations ont du mieux vous informer sur le sens et l’importance d’un rapport de présentation d’un décret présenté par un Ministre au Président de la République.
Vous avez également tenu à être édifié sur mes intérêts possibles au sein de sociétés pétrolières et sur mes relations « d’intermédiation » qui auraient pu exister entre ces sociétés et l’État du Sénégal.
J’ai par contre été particulièrement surpris qu’aucune de vos questions ne soit allée dans le sens du recouvrement possible des montants présentés comme perdus par le Sénégal puisque encaissés par un courtier à la réputation sulfureuse qui s’est retiré du « deal » après avoir perçu des sommes d’argent colossales en cédant des droits miniers acquis en violation de la loi (ce que vous savez au moins depuis ma déposition), et devant encaisser pendant quarante autres années des royalties suite aux révélations de la BBC confirmées par la société BP.
J’ai tenu par la présente à vous le faire savoir car tout laisse à penser que l’objectif principal de votre enquête, à moins de la réorienter, semble retenu pour trouver d’éventuels coupables ou complices (vrais ou accusés à tort) en omettant ce qui pour l’essentiel motive les lanceurs d’alerte, sans l’insistance desquels cette enquête n’aurait jamais vu le jour. Le principal doit rester la récupération totale ou partielle des avoirs perdus par la Nation sénégalaise, et surtout l’arrêt de l’hémorragie financière aux dépends de notre peuple par des royalties qui seront indument versés aux sociétés de Frank Timis.
Dans l’hypothèse où votre enquête viendrait à s’intéresser à la récupération de tout ou partie des sommes et biens dont le Sénégal a été spolié, je me permets de vous proposer la démarche ci-dessous. J’ai d’ailleurs toujours cru qu’une enquête ouverte pour cause de détournement de ressources et deniers publics portait en grande partie sur la recherche de récupération des sommes détournées.
Au nom de l’intérêt supérieur de la Nation, je vous propose d’obtenir de l’Exécutif incarné par le Président de la République puis du Parquet de :
Une telle démarche engagée avec l’appui de la justice, de cabinets d’avocats experts des questions d’hydrocarbures et de corruption devraient permettre une réparation exhaustive des torts causés à la Nation sénégalaise par cette sombre affaire.
Bien évidemment les enquêtes engagées devront être poursuivies pour permettre d’identifier toutes les responsabilités dans le scandale « Sall-Timis ».
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire, l’expression de ma considération distinguée et républicaine.
Abdoul Mbaye
Ibrahima Diop,
Commissaire de police
Chef de la Division des Investigations Criminelles (DIC)
Commissaire de police
Chef de la Division des Investigations Criminelles (DIC)
Palais de Justice
Dakar (Sénégal)
Objet : affaire Sall-Timis
Monsieur le Commissaire,
A ma demande, j’ai été entendu le 26 juin 2019 par vous-mêmes et vos enquêteurs sur l’affaire citée en objet.
Répondant à vos questions, j’ai également délivré un témoignage relatif au scandale Sall-Timis qui a fait l’objet d’un documentaire de la BBC diffusé le 3 juin 2019.
Dès le lendemain 27 juin, le journal L’observateur n° 4722, en ses pages une et trois, relatait une de mes réponses à une question posée par vos soins en l’isolant de son contexte, dans le but de nuire à la crédibilité de ma déposition. Il s’agit d’une violation manifeste des droits fondamentaux d’un citoyen sénégalais qui a eu à exercer de hautes responsabilités et qui par égard à l’institution que vous représentez est dans une démarche légaliste et républicaine. Le Code pénal et le Code de procédure pénale qui encadrent et limitent vos compétences, vous interdisent de divulguer les éléments d’un témoignage dans le cadre d’une procédure d’appel à témoin.
Je vous rappelle que l'Etat de droit a pour fin essentielle la garantie et la protection des droits fondamentaux de la personne, comme l'implique l'article 2 de la Déclaration de 1789 intégrée dans le Préambule de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 selon lequel : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme ». Les organes de l'Etat de droit, c'est-à-dire notamment la police, doivent donc eux aussi être ordonnés à cette fin. Par suite, dans un tel Etat, la police n'a aucune autre légitimité que celle-là. C'est exactement ce que précise l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, acte fondateur de la police libérale, qui pose ce principe : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».
Il découle de cette disposition fondamentale que la fonction de la police n'est pas d'abord de renseigner le gouvernement, de prévenir les troubles à l'ordre public ou de rechercher les auteurs d'infractions, mais bien de garantir les droits de l'homme et du citoyen, fonction qui implique de n'assurer les missions précitées que dans la seule perspective de l'objectif général énoncé par la Déclaration de 1789. La police, en effet, se renierait elle-même comme police de l'État de droit si elle entendait assurer ses missions en faisant abstraction de ces droits fondamentaux.
Le 28 juin, je vous ai donc adressé une lettre de protestation pour cette « fuite habile ». Vous avez refusé de la décharger.
Vous m’avez ainsi contraint à choisir la forme d’une lettre ouverte pour communiquer avec vous.
Les nombreuses questions que vous m’avez posées, ou fait poser par vos collègues, m’ont permis de vous éclairer sur mon cursus scolaire depuis l’école primaire.
Nous n’étions pas encore en Haute Cour de Justice, mais je me suis aussi, au nom de mon aide à la construction de la vérité, laissé porter au jeu de questions portant sur le rôle du Premier ministre et des Ministres dans un régime présidentiel (avec un exécutif bicéphale à prépondérance présidentielle) comme celui du Sénégal pendant l’exercice de mes fonctions. Je pense également vous avoir éclairé sur la nature juridique du contreseing apposé sous la signature du Président de la République (titulaire exclusif du pouvoir de prendre des décrets) au bas du texte d’un décret présidentiel. De même, mes déclarations ont du mieux vous informer sur le sens et l’importance d’un rapport de présentation d’un décret présenté par un Ministre au Président de la République.
Vous avez également tenu à être édifié sur mes intérêts possibles au sein de sociétés pétrolières et sur mes relations « d’intermédiation » qui auraient pu exister entre ces sociétés et l’État du Sénégal.
J’ai par contre été particulièrement surpris qu’aucune de vos questions ne soit allée dans le sens du recouvrement possible des montants présentés comme perdus par le Sénégal puisque encaissés par un courtier à la réputation sulfureuse qui s’est retiré du « deal » après avoir perçu des sommes d’argent colossales en cédant des droits miniers acquis en violation de la loi (ce que vous savez au moins depuis ma déposition), et devant encaisser pendant quarante autres années des royalties suite aux révélations de la BBC confirmées par la société BP.
J’ai tenu par la présente à vous le faire savoir car tout laisse à penser que l’objectif principal de votre enquête, à moins de la réorienter, semble retenu pour trouver d’éventuels coupables ou complices (vrais ou accusés à tort) en omettant ce qui pour l’essentiel motive les lanceurs d’alerte, sans l’insistance desquels cette enquête n’aurait jamais vu le jour. Le principal doit rester la récupération totale ou partielle des avoirs perdus par la Nation sénégalaise, et surtout l’arrêt de l’hémorragie financière aux dépends de notre peuple par des royalties qui seront indument versés aux sociétés de Frank Timis.
Dans l’hypothèse où votre enquête viendrait à s’intéresser à la récupération de tout ou partie des sommes et biens dont le Sénégal a été spolié, je me permets de vous proposer la démarche ci-dessous. J’ai d’ailleurs toujours cru qu’une enquête ouverte pour cause de détournement de ressources et deniers publics portait en grande partie sur la recherche de récupération des sommes détournées.
Au nom de l’intérêt supérieur de la Nation, je vous propose d’obtenir de l’Exécutif incarné par le Président de la République puis du Parquet de :
- Reconnaître de vous investir pour savoir enfin (car cela n’est pas encore le cas) que les décrets 2012-596 et 2012-597 relatifs aux permis Saint Louis Offshore profond et Cayar Offshore profond ont été corrompus par de fausses informations contenues dans leurs rapports de présentation ;
- Retirer les deux décrets concernés du dispositif réglementaire du Sénégal, sachant d’ailleurs qu’ils ont été retirés du site informatique officiel du Journal Officiel du Sénégal par une main mystérieuse ce qui constitue un début d’illégalité de l’attribution des permis concernés et d’une entreprise de nettoyage des preuves existantes;
- Aider la justice à permettre la manifestation de la vérité au nom de l’Etat de droit afin de réengager des négociations avec les sociétés ayant réellement investi (Kosmos Energy Sénégal et BP) dans les deux sites en impliquant leurs responsabilités respectives car elles ne pouvaient ignorer avoir acquis de la société Timis Corporation Limited des droits miniers obtenus par fraude à la loi et à la réglementation sénégalaises. Ces négociations porteront sur les Contrats CRPP et le règlement de toutes sommes dues ;
- Œuvrer pour permettre au peuple sénégalais d’obtenir de ces deux sociétés le retour de tout montant indument versé à Frank Timis et à ses sociétés impliquées dans le courtage des droits miniers des deux sites ;
- Œuvrer pour la manifestation de la vérité et la réparation du préjudice subi par le Peuple sénégalais afin de permettre d’associer à ces négociations la société civile, des experts tiers et l’opposition sénégalaise dans un contexte de transparence maximale.
Une telle démarche engagée avec l’appui de la justice, de cabinets d’avocats experts des questions d’hydrocarbures et de corruption devraient permettre une réparation exhaustive des torts causés à la Nation sénégalaise par cette sombre affaire.
Bien évidemment les enquêtes engagées devront être poursuivies pour permettre d’identifier toutes les responsabilités dans le scandale « Sall-Timis ».
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire, l’expression de ma considération distinguée et républicaine.
Abdoul Mbaye