Les populations sont entre le marteau de la pluie et l’enclume de la remontée des eaux. Et l’absence d’un lotissement cohérent n’a rien arrangé. Face à cette solution, ce sont les populations qui s’organisent pour apporter la riposte.
Le tapissier Mayacine Dieng, qui tient atelier à Pikine Dagoudane ou Pikine Sor Daga, à Saint-Louis, était bien dans son coin jusqu’à ce qu'un programme d’assainissement y soit mis en œuvre. Depuis sa réalisation, il vit l'enfer. On respire difficilement un air alourdi par la puanteur des eaux usées refoulées par les égouts non fonctionnels et le miasme émanant des carcasses de rongeurs et autres animaux piégés par les eaux stagnantes. Des larves s’y développent. Mouches, moustiques, cafards virevoltent. C'est dans cet environnement parasitaire et nauséabond qu’évolue Vieux Dieng, comme l’appellent les habitants du quartier.
« Nous souffrons beaucoup de cette situation. Honnêtement, nous étions mieux avant, quand il n’y avait aucune tentative d’assainir. Même pour accéder à la mosquée, nous rencontrons maintenant beaucoup de difficultés. Nous avons vraiment besoin d’aide », dit-il avec amertume. Amadou Diallo qui vient souvent palabrer chez Mayacine est un fils du quartier. Il est témoin de toutes ses évolutions et transformations ces 40 dernières années. « Si vous voulez connaître la vérité, il n’y a rien de bon dans ce quartier. Tout est à refaire. La canalisation est à l’origine de tous nos problèmes. Nos enfants souffrent de maladies respiratoires chroniques et dermatologiques. Nos vieillards qui fréquentent la mosquée tombent fréquemment dans ces impuretés, obligés qu’ils sont de faire toute une gymnastique », déplore Diallo dont la famille a déménagé dans le quartier en 1985.
Qu’on soit en saison des pluies ou en saison sèche, cette ruelle ne tarit jamais, selon plusieurs sources concordantes. Dans ces flaques d’eau infectes, noircies par l’usage et le temps, se développent toutes sortes de vies. Ce qui expose les enfants à des maladies. Mais, selon Amadou Diallo, la canalisation n’est pas le seul responsable de cette situation. Il y a aussi la main de l’homme. « Il y a des gens qui viennent déverser leurs eaux usées domestiques dans les égouts. Ces eaux sont souvent refoulées, puisque les égouts sont bouchés. On y jette du tout. Des carcasses de mouton, des restes de nourriture, de la ferraille etc. Les gens qui ont la malchance d’avoir ces fosses devant chez eux sont obligés de les fermer avec du ciment pour que personne ne puisse y mettre quoi que ce soit. Mais il reste souvent de petits trous ou passent les eaux pour remonter à la surface », explique Amadou Diallo.
Une mauvaise canalisation à l’origine
Thiané Wade habite un peu plus loin dans la même ruelle. Elle taille bavette avec ses coépouses et belles-sœurs devant le domicile conjugal en cette période de chaleur. « Venez ici, nous avons beaucoup de choses à dire. Personne ne souffre de cette situation plus que nous », nous interpelle-t-elle. A l’en croire, les eaux usées stagnent depuis un certain temps. « C’est seulement la semaine passée que les jeunes du quartier ont essayé de nettoyer les sachets plastiques et autres ordures légers qui flottaient au dessus des eaux. Mais ils n’ont aucune solution, aucun moyen pour les faire bouger. Et quand il commence à pleuvoir, il devient presque impossible de sortir. Nos enfants ont tout le temps des plaies », déplore-t-elle.
Approché, le chef de la Division technique à l’Office national de l’assainissement de Saint-Louis, Abou Samba Sy, a apporté quelques précisions. « Je suis moi-même né à Pikine. C’est vrai que les ruelles de ce quartier étaient sablonneuses quand nous étions jeunes. Mais en 2011, le fleuve a emporté tout le sable avec lui quand il a débordé pour envahir le quartier. C’est ainsi qu’il y a eu un projet de restructuration de Pikine », explique le technicien à l’Onas. Selon lui, c’est parce qu’à l’époque, les ruelles étaient trop étroites, le quartier presque inaccessible. « Avec la Fondation Droit à la ville, des familles ont été déménagées pour créer des routes et un réseau d’évacuation des eaux de pluie sur 12 kilomètres, et cinq stations de pompage ont été créées. Mais l’Onas n’a pas été impliqué dans ces travaux. C’est ce qui a fait qu’il y a même des erreurs techniques. On s’est retrouvé avec des stations qui pompent directement sur un réseau qui arrive gravitairement vers le bassin. Ce genre de réseau se bouche facilement avec le déversement des ordures », renseigne M. Sy. Ce qui est contraire, dit-il, à la manière de faire de l’Onas qui, lui, récupère les eaux du réseau et les pompe directement vers le bassin. « Mais nous sommes en train de rectifier tout cela. Ce qui demande des moyens. Pour le moment, nous le faisons dans le cadre d’un projet de l’Ageroute. Nous avons commencé à ‘’15 mètres’’. Nous sommes en train de chercher d’autres financements pour faire la même chose à Pikine-Tableau Walo », rassure-t-il.
Pour le technicien de l’Onas, dans la journée « Setal sunu reew » du 6 juillet, le bassin de Pikine sera d’ailleurs l’un des points prioritaires. « Les populations déversent leurs eaux usées domestiques dans le réseau d’évacuation d’eau de pluie, c’est pourquoi il est chargé toute l’année. Nous avons beaucoup de difficultés à Pikine. Il y a aussi des branchements clandestins. Au delà des eaux usées domestiques, certains habitants déversent des ordures dans le réseau. C’est pourquoi le bassin de rétention est plein d’ordure. Le niveau est même devenu plus haut que le réseau. Nous sommes obligés d’installer des pompes pour renforcer le système gravitaire », dénonce-t-il.
Problème de restructuration
A Pikine Guinaw Rail, plus qu’un réseau d’évacuation d’eau de pluie, le quartier a besoin carrément d’une restructuration. En plus des routes exigües, rares sont les artères qui débouchent sur une grande voie. Tout comme il est rare aussi de voir un lot de 10 maisons bien alignées. « Ce sont en réalité des zones non aedificandi. Avec ses petites ruelles, il est impossible de mettre une grande conduite d’évacuation des eaux pluviales dans ce quartier », soutient, Abou Samba Sy.
Les dépotoirs d’ordures sauvages qui pullulent et les nombreuses poches non encore construites, viennent aggraver la situation. « L’Onas n’intervient que là où il y a un réseau. Dans ce quartier, nous laissons des terrains vagues où les eaux arrivent de façon gravitaire par chance. Les sapeurs pompiers font aussi le pompage chaque année avec des motopompes et même avec des électropompes. Nous à l’Onas, nous envoyons des techniciens pour brancher ces pompes », relève M. Sy.
Ces actions semblent insuffisantes pour barrer la route aux eaux. D’ailleurs Mère Coumba Ndiaye, une habitante de ce quartier, n’aime pas trop parler de l’hivernage. Elle en souffre terriblement. Mais comme elle n’est pas fataliste, la dame a déjà engagé des travaux dans son domicile pour ne plus vivre les affres du passé. « Pas plus tard qu’avant-hier, j’ai dépensé 25 000 FCfa. Le maçon ici présent peut en témoigner. Nous, nous avons deux problèmes : la pluie et la montée de la nappe. La maison est humide toute l’année », fait-elle constater en nous faisant visiter les coins et recoins de la maison. Actuellement, la famille vit sur la terrasse. « Avec mes maigres moyens, j’essaie de remblayer davantage pour augmenter la hauteur de la cour et du salon. Pendant ce temps, nous dormons en haut, à la belle étoile. A chaque menace de pluie, nous nous précipitions pour descendre. C’est très difficile mais Dieu merci », lâche-t-elle.
Les signes d’approbation par la tête de son vieux époux confortent ses propos. Faute d’un bon système d’assainissement, beaucoup de famille à Pikine vivent sous la hantise des eaux. Si elles ne tombent pas du ciel, elles sortent des entrailles de la terre.
LE SOLEIL
Le tapissier Mayacine Dieng, qui tient atelier à Pikine Dagoudane ou Pikine Sor Daga, à Saint-Louis, était bien dans son coin jusqu’à ce qu'un programme d’assainissement y soit mis en œuvre. Depuis sa réalisation, il vit l'enfer. On respire difficilement un air alourdi par la puanteur des eaux usées refoulées par les égouts non fonctionnels et le miasme émanant des carcasses de rongeurs et autres animaux piégés par les eaux stagnantes. Des larves s’y développent. Mouches, moustiques, cafards virevoltent. C'est dans cet environnement parasitaire et nauséabond qu’évolue Vieux Dieng, comme l’appellent les habitants du quartier.
« Nous souffrons beaucoup de cette situation. Honnêtement, nous étions mieux avant, quand il n’y avait aucune tentative d’assainir. Même pour accéder à la mosquée, nous rencontrons maintenant beaucoup de difficultés. Nous avons vraiment besoin d’aide », dit-il avec amertume. Amadou Diallo qui vient souvent palabrer chez Mayacine est un fils du quartier. Il est témoin de toutes ses évolutions et transformations ces 40 dernières années. « Si vous voulez connaître la vérité, il n’y a rien de bon dans ce quartier. Tout est à refaire. La canalisation est à l’origine de tous nos problèmes. Nos enfants souffrent de maladies respiratoires chroniques et dermatologiques. Nos vieillards qui fréquentent la mosquée tombent fréquemment dans ces impuretés, obligés qu’ils sont de faire toute une gymnastique », déplore Diallo dont la famille a déménagé dans le quartier en 1985.
Qu’on soit en saison des pluies ou en saison sèche, cette ruelle ne tarit jamais, selon plusieurs sources concordantes. Dans ces flaques d’eau infectes, noircies par l’usage et le temps, se développent toutes sortes de vies. Ce qui expose les enfants à des maladies. Mais, selon Amadou Diallo, la canalisation n’est pas le seul responsable de cette situation. Il y a aussi la main de l’homme. « Il y a des gens qui viennent déverser leurs eaux usées domestiques dans les égouts. Ces eaux sont souvent refoulées, puisque les égouts sont bouchés. On y jette du tout. Des carcasses de mouton, des restes de nourriture, de la ferraille etc. Les gens qui ont la malchance d’avoir ces fosses devant chez eux sont obligés de les fermer avec du ciment pour que personne ne puisse y mettre quoi que ce soit. Mais il reste souvent de petits trous ou passent les eaux pour remonter à la surface », explique Amadou Diallo.
Une mauvaise canalisation à l’origine
Thiané Wade habite un peu plus loin dans la même ruelle. Elle taille bavette avec ses coépouses et belles-sœurs devant le domicile conjugal en cette période de chaleur. « Venez ici, nous avons beaucoup de choses à dire. Personne ne souffre de cette situation plus que nous », nous interpelle-t-elle. A l’en croire, les eaux usées stagnent depuis un certain temps. « C’est seulement la semaine passée que les jeunes du quartier ont essayé de nettoyer les sachets plastiques et autres ordures légers qui flottaient au dessus des eaux. Mais ils n’ont aucune solution, aucun moyen pour les faire bouger. Et quand il commence à pleuvoir, il devient presque impossible de sortir. Nos enfants ont tout le temps des plaies », déplore-t-elle.
Approché, le chef de la Division technique à l’Office national de l’assainissement de Saint-Louis, Abou Samba Sy, a apporté quelques précisions. « Je suis moi-même né à Pikine. C’est vrai que les ruelles de ce quartier étaient sablonneuses quand nous étions jeunes. Mais en 2011, le fleuve a emporté tout le sable avec lui quand il a débordé pour envahir le quartier. C’est ainsi qu’il y a eu un projet de restructuration de Pikine », explique le technicien à l’Onas. Selon lui, c’est parce qu’à l’époque, les ruelles étaient trop étroites, le quartier presque inaccessible. « Avec la Fondation Droit à la ville, des familles ont été déménagées pour créer des routes et un réseau d’évacuation des eaux de pluie sur 12 kilomètres, et cinq stations de pompage ont été créées. Mais l’Onas n’a pas été impliqué dans ces travaux. C’est ce qui a fait qu’il y a même des erreurs techniques. On s’est retrouvé avec des stations qui pompent directement sur un réseau qui arrive gravitairement vers le bassin. Ce genre de réseau se bouche facilement avec le déversement des ordures », renseigne M. Sy. Ce qui est contraire, dit-il, à la manière de faire de l’Onas qui, lui, récupère les eaux du réseau et les pompe directement vers le bassin. « Mais nous sommes en train de rectifier tout cela. Ce qui demande des moyens. Pour le moment, nous le faisons dans le cadre d’un projet de l’Ageroute. Nous avons commencé à ‘’15 mètres’’. Nous sommes en train de chercher d’autres financements pour faire la même chose à Pikine-Tableau Walo », rassure-t-il.
Pour le technicien de l’Onas, dans la journée « Setal sunu reew » du 6 juillet, le bassin de Pikine sera d’ailleurs l’un des points prioritaires. « Les populations déversent leurs eaux usées domestiques dans le réseau d’évacuation d’eau de pluie, c’est pourquoi il est chargé toute l’année. Nous avons beaucoup de difficultés à Pikine. Il y a aussi des branchements clandestins. Au delà des eaux usées domestiques, certains habitants déversent des ordures dans le réseau. C’est pourquoi le bassin de rétention est plein d’ordure. Le niveau est même devenu plus haut que le réseau. Nous sommes obligés d’installer des pompes pour renforcer le système gravitaire », dénonce-t-il.
Problème de restructuration
A Pikine Guinaw Rail, plus qu’un réseau d’évacuation d’eau de pluie, le quartier a besoin carrément d’une restructuration. En plus des routes exigües, rares sont les artères qui débouchent sur une grande voie. Tout comme il est rare aussi de voir un lot de 10 maisons bien alignées. « Ce sont en réalité des zones non aedificandi. Avec ses petites ruelles, il est impossible de mettre une grande conduite d’évacuation des eaux pluviales dans ce quartier », soutient, Abou Samba Sy.
Les dépotoirs d’ordures sauvages qui pullulent et les nombreuses poches non encore construites, viennent aggraver la situation. « L’Onas n’intervient que là où il y a un réseau. Dans ce quartier, nous laissons des terrains vagues où les eaux arrivent de façon gravitaire par chance. Les sapeurs pompiers font aussi le pompage chaque année avec des motopompes et même avec des électropompes. Nous à l’Onas, nous envoyons des techniciens pour brancher ces pompes », relève M. Sy.
Ces actions semblent insuffisantes pour barrer la route aux eaux. D’ailleurs Mère Coumba Ndiaye, une habitante de ce quartier, n’aime pas trop parler de l’hivernage. Elle en souffre terriblement. Mais comme elle n’est pas fataliste, la dame a déjà engagé des travaux dans son domicile pour ne plus vivre les affres du passé. « Pas plus tard qu’avant-hier, j’ai dépensé 25 000 FCfa. Le maçon ici présent peut en témoigner. Nous, nous avons deux problèmes : la pluie et la montée de la nappe. La maison est humide toute l’année », fait-elle constater en nous faisant visiter les coins et recoins de la maison. Actuellement, la famille vit sur la terrasse. « Avec mes maigres moyens, j’essaie de remblayer davantage pour augmenter la hauteur de la cour et du salon. Pendant ce temps, nous dormons en haut, à la belle étoile. A chaque menace de pluie, nous nous précipitions pour descendre. C’est très difficile mais Dieu merci », lâche-t-elle.
Les signes d’approbation par la tête de son vieux époux confortent ses propos. Faute d’un bon système d’assainissement, beaucoup de famille à Pikine vivent sous la hantise des eaux. Si elles ne tombent pas du ciel, elles sortent des entrailles de la terre.
LE SOLEIL