La volonté affichée est de traiter, à vitesse de météorite, les demandes d’asile, et ce que la réponse accordée soit positive ou négative. Le délai de traitement est actuellement de 14 mois, il devra passer à six mois. Une partie du projet de loi vise à organiser des procédures administratives expéditives contre les étrangers ayant reçu un refus de titre de séjour et à les priver de garanties de recours devant un juge : «Il s’agit de blinder le dispositif juridique pour éviter les recours». Il faut que les personnes qui ne peuvent y prétendre soient reconduites à la frontière, sans délais. Suivant les associations de défense des étrangers, qui font un travail remarquable et qu’il faut saluer, l’objectif du gouvernement est de «Leur pourrir la vie pour les empêcher de venir». En effet, le projet de loi vise à allonger la durée légale de rétention en centre de rétention administrative, passant de 45 jours aujourd’hui à 90 après l’adoption de la loi. Le nombre de places dans les centres de rétention administratives passera de 1 300 à 1 700.
La réglementation sur les étrangers a été modifiée 23 fois entre 1945 et 2007 ; à chaque fois, les objectifs affichés du gouvernement sont, officiellement, d’améliorer la condition des étrangers vivant légalement en France, et de mieux les intégrer. «Il y a une double orientation, il faut mieux accueillir et mieux intégrer pour faire mieux vivre le droit d’asile. Et il faut que les personnes qui ne peuvent y prétendre soient reconduites à la frontière plus rapidement qu’elles ne le sont aujourd’hui» a déclaré le 17 décembre 2017, M. Richard FERRAND, président du groupe LREM à l’assemblée nationale.
Dans les faits, s’inspirant d’une démarche coloniale, esclavagiste et d’une obsession identitaire, ces réglementations ont globalement détérioré les conditions de vie, et disons-le clairement des Africains et des Arabes. Les Canadiens, les Australiens et les Américains, bien qu’ils soient non-communautaires, sont presque traités comme des nationaux Français. En revanche, les étrangers d’origine africaine, en situation régulière en France, sans droit de vote aux élections locales (promesses de François MITTERRAND en 1981, et de François HOLLANDE en 2012), ont même vu une partie de leurs droits fondamentaux remis en cause, notamment en ce qui concerne le droit au regroupement familial, avec des procédures dilatoires peuvant durer entre 4 à 6 ans, et il faut encore produire un autre dossier ou y renoncer. Le but est, naturellement, de les dissuader de faire venir leur famille. Ces étrangers africains en situation régulière obtiennent peu la naturalisation, si les compare aux Chinois ou aux autres étrangers. Jacques TOUBON défenseur des droits, estime que ce projet de loi va trop et porte atteinte aux droits fondamentaux de l’individu, et pourrait encourir, de ce fait, la censure de la Cour européenne des droits de l’homme.
Par ailleurs, c’est par une simple circulaire, de septembre 1986, que le gouvernement français avait suspendu les accords de libre circulation avec certains pays d’Afrique. Il n’a échappé aux cadres et étudiants africains, voulant se rendre en France, que la politique des visas est devenue ubuesque, et empreinte d’humiliations quotidiennes, sans que les gouvernements africains ne réagissent.
Dans un monde racisé et ethnicisé où les idées du Front national ont, en partie, triomphé, les Français issus des pays d’Afrique et du Maghreb sont considérés comme des «immigrés», des «Non-Souchiens» pour reprendre un terme d’Alain FINKIELKRAUT. Je vous ai relaté, tout récemment, le cas de Mme Rokhaya DIALLO, congédiée fort injustement de la Commission nationale du Numérique, des lynchages, comme au temps de «Strange Fruit», de Mme Sibeth N’DIAYE, pourtant conseillère en communication de M. MACRON, de Mme Danièle OBONO, députée de la France Insoumise. Je n’oublie pas le cas emblématique de Mme Christiane TAUBIRA qui avait dénoncé le funeste projet de loi sur la déchéance de la nationalité de M. HOLLANDE.
Quelles perspectives ?
Lors de la campagne des présidentielles de 2017, M. MACRON qui avait pris des engagements à considérer l’Afrique comme un continent «d’opportunités», ne voit désormais les Africains qu’en termes d’immigration, de surpopulation, d’insécurité et d’aide internationale.
Pourtant l’enjeu majeur de ces questions d’immigration vers l’Europe et les conditions pour les solutionner, durablement, c’est la justice, la fraternité et la paix dans les relations internationales. En effet, il n’a échappé à personne, que les demandeurs d’asile, principalement accueillis non pas par les Occidentaux, mais par des pays du Tiers-monde (Liban, Tunisie, Turquie), viennent des zones de guerre que les Occidentaux ont allumés, sans stratégie cohérente (Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, guerre palestino-israélienne, etc.). On largue à longueur de journée des bombes, depuis plus de 35 ans, à coût de milliards, dans les pays du tiers-monde, mais on se soucie peu du bien-être de ces populations.
Les pays africains n’ont pas besoin d’une aumône de la France, mais de justice, qu’on paie à un bon prix leurs matières premières. Il faudrait mettre un terme à cette «castration» des Africains, à travers le système dit de la «Françafrique» et à ces régimes préhistoriques, organisant un pillage des richesses du continent noir (voir mon post sur De Gaulle et l’Afrique). Là c’est un enjeu majeur des années à venir.
C’est aux Africains eux-mêmes de se libérer du néocolonialisme, de cette tutelle depuis l’indépendance. Pour échapper à cette castration Emmanuel KANT avait défini, dès 1784, et à juste titre, les Lumières comme étant «la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute lorsqu’elle ne résulte pas d’une insuffisance de l’entendement, mais d’un manque de résolution et de courage sans être dirigé par un autre. Aie le courage de te servir de ton entendement !».
Les Etats de l’UEMOA viennent de décider le principe d’une monnaie unique africaine à partir de 2020, avec «une approche graduelle privilégiant un démarrage avec les pays qui respectent les critères de convergence». C’est un bon début, mais il faudrait convaincre le Nigéria.
Paris, le 23 décembre 2017, par M. Amadou Bal BA