Le Sénégal est un pays hautement vulnérable aux effets du réchauffement et les mesures d’adaptation en place au niveau national sont insuffisantes face aux aléas climatiques croissants. Ainsi, le pays est témoin d’une série d’événements climatiques extrêmes tels que la montée du niveau de la mer et l’érosion des côtes, la salinisation des sols, la perte de biodiversité ou encore la désertification. En outre, l’économie du pays dépend largement de secteurs sensibles au climat, notamment l’agriculture, l’élevage et la pêche. Ainsi, de part et d’autre du territoire, on relève de nombreux cas de figure où il n’est plus possible de s’adapter et où des pertes et dommages sont à déplorer. Selon la Banque mondiale, le Sénégal pourrait perdre jusqu’à 8% de son PIB d’ici 2030 en raison des effets des changements climatiques, ce qui toucherait en priorité les revenus des personnes les plus pauvres.
Les deux cas que nous abordons ici sont d’une part, la montée des eaux et l’érosion des côtes au large de la ville de Saint Louis et, d’autre part, la désertification et la raréfaction des pluies dans la région du Fouta, région bordant le fleuve Sénégal.
DE L’ÉROSION DÉVASTATRICE DE LA VILLE DE SAINT-LOUIS…
Installée à l’embouchure du fleuve Sénégal, au Nord du pays à la frontière mauritanienne, Saint-Louis est l’une des plus grandes villes du pays et un poumon économique. L’érosion des côtes de la ville de Saint-Louis et la hausse du niveau de la mer y sont lentes, mais non moins irréversibles. Ces phénomènes sont perceptibles partout dans le monde, l’élévation du niveau de la mer constituant une menace existentielle pour certaines îles et certaines côtes de faible altitude. Selon le Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (GIEC), la population potentiellement exposée à une inondation côtière « devrait augmenter d’environ 20 % si le niveau moyen mondial de la mer s’élève de 15 cm par rapport aux niveaux de 2020 ; cette population exposée double en cas d’élévation de 75 cm du niveau moyen de la mer et triple à 1,4 m sans changement démographique ni adaptation supplémentaire »4.
Le Sénégal ne fait pas exception à cette réalité. La Banque mondiale estime ainsi que d’ici la fin du 21e siècle, l’élévation du niveau de la mer pourrait entraîner la disparition de 55 à 86 km2 de plages du pays et inonder 6 000 km2 des zones de basse altitude5. De plus, d’ici 2080, 75 % du littoral pourraient devenir hautement vulnérables à l’érosion en raison de l’élévation du niveau de la mer, qui a déjà été considérable au cours des dernières décennies. L’extraction du sable et l’urbanisation des plages continuent d’intensifier ces phénomènes. Notons qu’au niveau de Saint-Louis, et plus précisément de la Langue de Barbarie, c’est la combinaison de causes locales et du réchauffement climatique qui a accéléré l’érosion des côtes et la disparition d’une série de villages, menant au déplacement forcé de centaines de familles.
… À L’EXIL DES PÊCHEURS
Les conséquences sociales et économiques de l’érosion des côtes et de la montée du niveau de la mer sont de plus en plus visibles sur le littoral sénégalais. Ces phénomènes sont par ailleurs exacerbés par les violentes tempêtes, telles que celles qui ont frappé la côte de Saint-Louis en 2017 et 2018. Les camps de personnes déplacées de Diougop et de Khar Yalla en sont des illustrations criantes. A cause des violentes inondations qui ont frappé leurs habitations, des centaines de familles ont été contraintes d’être relocalisées dans des camps, dans des conditions très précaires. Le gouvernement sénégalais a certes offert un dédommagement aux familles déplacées, mais celui-ci est loin d’être suffisant aux vu des besoins.
Un autre exemple est celui de l’île et du village éponyme de Doun Baba Dieye, située dans l’estuaire du fleuve Sénégal, qui a lui été totalement rayé de la carte, à l’exception d’une maison en ruine qui n’a pas été totalement ensevelie par la mer. Ses 875 habitants ont été relogés dans les villages avoisinants, déchus de leurs lieux de vie, patrimoines et d’une grande partie de leurs sources de revenus. Dans ces différents exemples, les conséquences économiques sont très claires : beaucoup d’habitants subissent une perte directe de revenus à cause de la cessation de leur activité économique (particulièrement la pêche dans ce cas-ci). On perçoit également des pertes non-économiques, comme la disparition des lieux de cultes ou des cimetières qui ont été submergés par la mer mais aussi des traditions ancestrales (la culture et certaines traditions autour de la pêche se perdent progressivement).
L’ASPHYXIANTE DÉSERTIFICATION DANS LE FOUTA
La Région du Fouta se situe au nord-est, le long du fleuve Sénégal et en bordure de la frontière mauritanienne. Cette région était autrefois le grenier du Sénégal. Elle s’est aujourd’hui considérablement appauvrie, notamment à cause de la rareté des pluies et de la désertification. Selon les Nations Unies, le terme désertification désigne « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines »6. Ainsi, plutôt que de signifier l’expansion littérale des déserts, la désertification est un terme qui englobe la dégradation des terres dans les régions du monde où l’eau est rare. Cette dégradation comprend le déclin temporaire ou permanent de la qualité du sol, de la végétation ou encore des ressources en eau ou de la faune. Elle comprend également la détérioration de la productivité économique des terres - telle que la capacité de les cultiver à des fins commerciales ou de subsistance. Le rapport spécial du GIEC sur l’utilisation des terres confirme que le réchauffement a contribué à la désertification et à la dégradation des terres dans de nombreuses régions. Les scientifiques précisent que ce seront l’Asie et l’Afrique qui compteront le plus grand nombre de personnes vulnérables à l’augmentation de la désertification.
La désertification du Sahel est en cours depuis plusieurs décennies, comme en témoignent notamment les graves épisodes de famines des années 1970. Cette région extrêmement aride du pays est peuplée majoritairement de familles vivant de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, tirant leurs ressources du fleuve Sénégal. La combinaison des sécheresses et la désertification rend, lentement mais sûrement, invivable cette région autrefois très fertile. Du côté de l’élevage, la malnutrition et l’affaiblissement constant des troupeaux, qui peinent par exemple à donner du lait de qualité à leurs propriétaires, les obligent à devoir en acheter en supplément. Du côté de l’agriculture, les céréales traditionnelles (telles que mil, le sorgho ou le niébé) disparaissent et sont remplacées progressivement par des rizières. Cependant, ces nouvelles cultures sont énergivores et très coûteuses, obligeant les agriculteurs et agricultrices à s’endetter pour pouvoir cultiver et se nourrir.
Les deux cas que nous abordons ici sont d’une part, la montée des eaux et l’érosion des côtes au large de la ville de Saint Louis et, d’autre part, la désertification et la raréfaction des pluies dans la région du Fouta, région bordant le fleuve Sénégal.
DE L’ÉROSION DÉVASTATRICE DE LA VILLE DE SAINT-LOUIS…
Installée à l’embouchure du fleuve Sénégal, au Nord du pays à la frontière mauritanienne, Saint-Louis est l’une des plus grandes villes du pays et un poumon économique. L’érosion des côtes de la ville de Saint-Louis et la hausse du niveau de la mer y sont lentes, mais non moins irréversibles. Ces phénomènes sont perceptibles partout dans le monde, l’élévation du niveau de la mer constituant une menace existentielle pour certaines îles et certaines côtes de faible altitude. Selon le Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (GIEC), la population potentiellement exposée à une inondation côtière « devrait augmenter d’environ 20 % si le niveau moyen mondial de la mer s’élève de 15 cm par rapport aux niveaux de 2020 ; cette population exposée double en cas d’élévation de 75 cm du niveau moyen de la mer et triple à 1,4 m sans changement démographique ni adaptation supplémentaire »4.
Le Sénégal ne fait pas exception à cette réalité. La Banque mondiale estime ainsi que d’ici la fin du 21e siècle, l’élévation du niveau de la mer pourrait entraîner la disparition de 55 à 86 km2 de plages du pays et inonder 6 000 km2 des zones de basse altitude5. De plus, d’ici 2080, 75 % du littoral pourraient devenir hautement vulnérables à l’érosion en raison de l’élévation du niveau de la mer, qui a déjà été considérable au cours des dernières décennies. L’extraction du sable et l’urbanisation des plages continuent d’intensifier ces phénomènes. Notons qu’au niveau de Saint-Louis, et plus précisément de la Langue de Barbarie, c’est la combinaison de causes locales et du réchauffement climatique qui a accéléré l’érosion des côtes et la disparition d’une série de villages, menant au déplacement forcé de centaines de familles.
… À L’EXIL DES PÊCHEURS
Les conséquences sociales et économiques de l’érosion des côtes et de la montée du niveau de la mer sont de plus en plus visibles sur le littoral sénégalais. Ces phénomènes sont par ailleurs exacerbés par les violentes tempêtes, telles que celles qui ont frappé la côte de Saint-Louis en 2017 et 2018. Les camps de personnes déplacées de Diougop et de Khar Yalla en sont des illustrations criantes. A cause des violentes inondations qui ont frappé leurs habitations, des centaines de familles ont été contraintes d’être relocalisées dans des camps, dans des conditions très précaires. Le gouvernement sénégalais a certes offert un dédommagement aux familles déplacées, mais celui-ci est loin d’être suffisant aux vu des besoins.
Un autre exemple est celui de l’île et du village éponyme de Doun Baba Dieye, située dans l’estuaire du fleuve Sénégal, qui a lui été totalement rayé de la carte, à l’exception d’une maison en ruine qui n’a pas été totalement ensevelie par la mer. Ses 875 habitants ont été relogés dans les villages avoisinants, déchus de leurs lieux de vie, patrimoines et d’une grande partie de leurs sources de revenus. Dans ces différents exemples, les conséquences économiques sont très claires : beaucoup d’habitants subissent une perte directe de revenus à cause de la cessation de leur activité économique (particulièrement la pêche dans ce cas-ci). On perçoit également des pertes non-économiques, comme la disparition des lieux de cultes ou des cimetières qui ont été submergés par la mer mais aussi des traditions ancestrales (la culture et certaines traditions autour de la pêche se perdent progressivement).
L’ASPHYXIANTE DÉSERTIFICATION DANS LE FOUTA
La Région du Fouta se situe au nord-est, le long du fleuve Sénégal et en bordure de la frontière mauritanienne. Cette région était autrefois le grenier du Sénégal. Elle s’est aujourd’hui considérablement appauvrie, notamment à cause de la rareté des pluies et de la désertification. Selon les Nations Unies, le terme désertification désigne « la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines »6. Ainsi, plutôt que de signifier l’expansion littérale des déserts, la désertification est un terme qui englobe la dégradation des terres dans les régions du monde où l’eau est rare. Cette dégradation comprend le déclin temporaire ou permanent de la qualité du sol, de la végétation ou encore des ressources en eau ou de la faune. Elle comprend également la détérioration de la productivité économique des terres - telle que la capacité de les cultiver à des fins commerciales ou de subsistance. Le rapport spécial du GIEC sur l’utilisation des terres confirme que le réchauffement a contribué à la désertification et à la dégradation des terres dans de nombreuses régions. Les scientifiques précisent que ce seront l’Asie et l’Afrique qui compteront le plus grand nombre de personnes vulnérables à l’augmentation de la désertification.
La désertification du Sahel est en cours depuis plusieurs décennies, comme en témoignent notamment les graves épisodes de famines des années 1970. Cette région extrêmement aride du pays est peuplée majoritairement de familles vivant de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, tirant leurs ressources du fleuve Sénégal. La combinaison des sécheresses et la désertification rend, lentement mais sûrement, invivable cette région autrefois très fertile. Du côté de l’élevage, la malnutrition et l’affaiblissement constant des troupeaux, qui peinent par exemple à donner du lait de qualité à leurs propriétaires, les obligent à devoir en acheter en supplément. Du côté de l’agriculture, les céréales traditionnelles (telles que mil, le sorgho ou le niébé) disparaissent et sont remplacées progressivement par des rizières. Cependant, ces nouvelles cultures sont énergivores et très coûteuses, obligeant les agriculteurs et agricultrices à s’endetter pour pouvoir cultiver et se nourrir.
Village de Mboumba (Région du Fouta), frappé par la désertification et les sécheresses à répétition (Crédit : © Sarah Frères, Imagine demain le monde 2022)
SÉCHERESSE ET DÉSERTIFICATION DANS LES RADARS POLITIQUES
A l’instar des conférences internationales sur le climat, la Côte d’Ivoire a accueilli en mai 2022 une conférence sur la désertification (COP15) 7. A l’occasion de ce sommet, une série de rapports ont été publiés, donnant les dernières données en date sur l’état de la sécheresse et de la désertification dans le monde. D’une part, on estime aujourd’hui que les sécheresses ont augmenté de 29% l’an 2000 et on projette que trois quarts de la population mondiale seront touchés par la sécheresse d’ici 2050 si aucune mesure urgente n’est prise8. D’autre part, les Nations Unies ont révélé que les femmes sont deux fois plus touchées par la sécheresse, la dégradation des terres et la déforestation que les hommes9. En effet, la sécheresse et la dégradation des terres tendent, entre autres, à accroître la charge du travail domestique (en particulier, la distance parcourue pour aller chercher l’eau) que doivent assumer les femmes et les filles. La conférence internationale a abouti à une trentaine de décisions, notamment sur les régimes fonciers, les migrations et le genre, qui mettent en évidence le rôle des terres dans la gestion des crises multiples.
En Belgique, la lutte contre ce phénomène climatique extrême fait aussi partie des actions menées par la coopération au développement. Par exemple, la ministre belge de la Coopération au développement, Meryame Kitir, a développé un important portefeuille d’action sur la région du Sahel, à hauteur de 50 millions d’euros dont 11,5 millions seront attribués au Sénégal.
FAIRE DE CES RÉALITÉS DE TERRAIN UNE PRIORITÉ À TOUS LES NIVEAUX
Ces événements climatiques extrêmes sont désormais une réalité partout dans le monde, sans exception. Nous en avons vu une illustration marquante de deux phénomènes au Sénégal, bien que d’autres phénomènes extrêmes y soient à l’œuvre également (nous pensons notamment aux graves inondations qui sévissent régulièrement, pas plus tard qu’en août 2022).
Plus nous luttons rapidement et efficacement contre le réchauffement global, plus nous pourrons éviter ces phénomènes dévastateurs. Cependant, il est désormais clair que certaines catastrophes climatiques ne pourront plus être évitées et il devient donc impératif de prévoir une compensation pour les dommages qui en découlent. Cette réalité doit se refléter dans les négociations internationales. Ainsi, la prochaine COP 27, qui se tiendra en Egypte en novembre 2022, ne pourra pas éluder la réalité de millions de personnes démunies face au dérèglement climatique.
Au-delà des conférences sur le climat, la question des pertes et préjudices climatiques devra aussi percoler dans d’autres enceintes (comme l’Assemblée générale des Nations Unies ou les réunions du G7 et du G20) et d’autres acteurs (notamment des secteurs humanitaire et migratoire) afin de trouver la réponse la plus systémique et adaptée possible, bénéficiant en priorité aux communautés les plus vulnérables.
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