Ma chère sœur,
Tout d’abord reçois mes meilleurs vœux de bonne et heureuse année. Que le Tout-Puissant te donne la santé, la paix, la longévité et surtout beaucoup d’argent, car l’argent est la clef du bonheur dans ce bas-monde. Quand on en n’a pas, ou pas assez, on souffre, on est malheureux, fragile comme un fétu de paille et le moindre coup de vent peut vous emporter ; on risque aussi d’être humilié ou méprisé ! Quand par miracle un pauvre devient riche, il se métamorphose complètement, il devient un autre homme, pour le meilleur ou alors pour le pire ! À l’inverse, pour un homme riche, il n’est de pire déchéance que de tomber dans la pauvreté. Enfin bref, pour t’écrire cette lettre, j’ai fait appel à notre cousin germain, le grand professeur Moustapha Diakhaté qui a gentiment accepté de me rendre service. Comme tu le sais, Moustapha est le fils de notre oncle Ablaye frère aîné de notre propre père. J’ai une absolue confiance dans sa traduction car je sais qu’il maitrise le français aussi bien que notre langue. Je suis sûre qu’il choisit bien les mots et qu’il sait aussi les placer là où il faut. Cependant, je lui ai demandé d’écrire tel quels certains mots et expressions de notre langue qu’il eût été difficile de traduire sans en trahir le sens. Au début je voulais d’abord que ce soit mon fils Karim qui écrive cette lettre, mais ce petit voyou passe tout son temps devant la télévision à regarder les matches de la coupe d’Afrique des nations. Impossible de le détacher de là et on ne peut rien obtenir de lui maintenant ! Vivement qu’on en finisse avec ce jeu qui déplace les foules et soulève les passions… Hier donc ma chère sœur, nous avons reçu notre leader bien-aimé, Baye Waly, qui s’est déplacé exprès de la capitale pour venir présider le meeting que nous avons organisé en soutien au candidat de notre parti aux prochaines élections présidentielles qui auront lieu dans un mois jour pour jour. Cela s’est passé à l’ancienne place Faidherbe que tu connais bien, et qui a été rebaptisée place Baya Ndar. Je trouve que c’est un joli nom, adapté à nos réalités, mais ce n’est pas l’avis de notre oncle et cousin à plaisanterie, tonton Birahim Camara, qui pense le contraire et qui trouve que ce nom ne veut rien dire. Selon lui, il valait mieux garder l’ancien nom à défaut de pouvoir le remplacer par un autre qui plaise à la population. Mais tu connais notre cher tonton, Camara yilé, grincheux comme pas un et toujours en train de rouspéter! Tu ne l’ignores sans doute également pas, notre leader a été choisi pour diriger une grande organisation au niveau mondial et il doit quitter Sunugaal sous peu. Nous avons pensé que c’était une occasion de lui rendre hommage pour tout ce qu’il a fait pour ce pays. C’était donc aussi l’une des raisons de cette manifestation exceptionnelle qui a entrainé une mobilisation également exceptionnelle. Le démarrage était prévu pour seize heures, mais nous autres du comité de Ndiolofène étions déjà prêtes de pied en cap dès neuf heures du matin. Figure-toi que nous avons réussi à mobiliser presque toutes les femmes du quartier à part quelques rombières mécontentes qui rouspètent à longueur de temps. Les femmes de Ndiolofène ne voulaient évidemment pas rater une si belle occasion d’exhiber leurs plus belles toilettes et leurs peaux satinées, éclaircies avec les produits dernier cri du Nigeria et même des Etats-Unis. Surtout qu’avec un peu de chance l’on pouvait se faire admirer sur le magique petit écran de la télévision qui suit comme leur ombre les chefs des partis politiques, en particulier le nôtre. En tout cas, moi, dès huit heures du matin j’avais fini de prendre mon bain, de m’enduire le corps de crème, de faire mes prières, de balayer la cour de la maison, de torcher les enfants et de leur faire prendre le petit déjeuner. Comme d’habitude mon Allaji, lui, continuait de paresser au lit, emmitouflé dans sa couverture et poussant des grognements étouffés sous prétexte que je l’empêchais de dormir et qu’une bonne épouse ne doit jamais interrompre le sommeil de son mari. Du moins si elle tient à s’assurer une place au paradis. Quel culot alors celui-là ! Quand je pense que c’est moi qui le réveille à chaque fois pour qu’il s’acquitte de ses devoirs religieux. Et après ça il vient me dire qu’après Dieu, il est mon maître et mon seigneur ! Ah là là ! Ma chère petite sœur, si tu savais le calvaire que j’endure avec ce rustre ! Et dire que je dois passer le reste de ma vie avec lui et mes deux sorcières de coépouses. Parfois je me demande pourquoi le Bon Dieu ne nous a pas permis à nous aussi, les femmes, d’avoir plusieurs maris car je suis sûre que les hommes se tiendraient alors beaucoup mieux et nous traiteraient avec plus d’égards ! Astarfoullah ! Je m’excuse pour ces propos sacrilèges, mais je suis tellement outrée par le comportement de tous ces coqs de basse-cour ! Heureusement, notre leader Baye Waly, lui, n’est pas comme ces invétérés coureurs de jupons pour qui nous ne sommes que du gibier. Lui au moins il a de la compassion pour les femmes…D’ailleurs il n’en a qu’une seule. Mais alors une perle rare ! Une diongoma comme l’on en trouve qu’à Ndar-Géej ! Grande, belle, la peau lisse, satinée, toujours souriante et d’une élégance sans pareille. Il paraît qu’elle est experte en cuuraay et que le nemmali n’a pas secret pour elle. Soxna si dafa diongué dé ! Une vraie Doomu Ndar ! Je comprends que Baye Waly n’ait d’yeux que pour elle et rien n’est trop beau pour lui faire plaisir. Vraiment je l’envie de régner ainsi sans partage dans le cœur de notre leader ! En tout cas avec elle, l’on peut être sûr que Baye Waly est en de bonnes mains. Et puis nak, elle est tellement simple ! Elle aime danser le sabar, comme nous, et manger le ceebu jën à la main comme une vraie sunugalienne. Lawla thiat, elle a vraiment de la chance madame Baye Waly, pas comme nous qui sommes les deuxièmes, troisièmes ou même quatrièmes femmes de ces vauriens qui nous promettaient monts et merveilles et qui n’ont fait que nous voler notre jeunesse, notre beauté notre joie de vivre même, en nous collant des ribambelles de gosses qu’ils ne parviennent même pas à nourrir convenablement ! Bilahi ! Je te le jure petite sœur, si nous n’étions pas là pour nous occuper d’eux, ces morveux crèveraient comme des mouches ! ( à suivre…)
N.B : Cette nouvelle est purement imaginaire. Tout ressemblance avec des faits ou des personnes réels ne peut donc être que le fruit du hasard et n’engage en rien la responsabilité de l’auteur.
Tout d’abord reçois mes meilleurs vœux de bonne et heureuse année. Que le Tout-Puissant te donne la santé, la paix, la longévité et surtout beaucoup d’argent, car l’argent est la clef du bonheur dans ce bas-monde. Quand on en n’a pas, ou pas assez, on souffre, on est malheureux, fragile comme un fétu de paille et le moindre coup de vent peut vous emporter ; on risque aussi d’être humilié ou méprisé ! Quand par miracle un pauvre devient riche, il se métamorphose complètement, il devient un autre homme, pour le meilleur ou alors pour le pire ! À l’inverse, pour un homme riche, il n’est de pire déchéance que de tomber dans la pauvreté. Enfin bref, pour t’écrire cette lettre, j’ai fait appel à notre cousin germain, le grand professeur Moustapha Diakhaté qui a gentiment accepté de me rendre service. Comme tu le sais, Moustapha est le fils de notre oncle Ablaye frère aîné de notre propre père. J’ai une absolue confiance dans sa traduction car je sais qu’il maitrise le français aussi bien que notre langue. Je suis sûre qu’il choisit bien les mots et qu’il sait aussi les placer là où il faut. Cependant, je lui ai demandé d’écrire tel quels certains mots et expressions de notre langue qu’il eût été difficile de traduire sans en trahir le sens. Au début je voulais d’abord que ce soit mon fils Karim qui écrive cette lettre, mais ce petit voyou passe tout son temps devant la télévision à regarder les matches de la coupe d’Afrique des nations. Impossible de le détacher de là et on ne peut rien obtenir de lui maintenant ! Vivement qu’on en finisse avec ce jeu qui déplace les foules et soulève les passions… Hier donc ma chère sœur, nous avons reçu notre leader bien-aimé, Baye Waly, qui s’est déplacé exprès de la capitale pour venir présider le meeting que nous avons organisé en soutien au candidat de notre parti aux prochaines élections présidentielles qui auront lieu dans un mois jour pour jour. Cela s’est passé à l’ancienne place Faidherbe que tu connais bien, et qui a été rebaptisée place Baya Ndar. Je trouve que c’est un joli nom, adapté à nos réalités, mais ce n’est pas l’avis de notre oncle et cousin à plaisanterie, tonton Birahim Camara, qui pense le contraire et qui trouve que ce nom ne veut rien dire. Selon lui, il valait mieux garder l’ancien nom à défaut de pouvoir le remplacer par un autre qui plaise à la population. Mais tu connais notre cher tonton, Camara yilé, grincheux comme pas un et toujours en train de rouspéter! Tu ne l’ignores sans doute également pas, notre leader a été choisi pour diriger une grande organisation au niveau mondial et il doit quitter Sunugaal sous peu. Nous avons pensé que c’était une occasion de lui rendre hommage pour tout ce qu’il a fait pour ce pays. C’était donc aussi l’une des raisons de cette manifestation exceptionnelle qui a entrainé une mobilisation également exceptionnelle. Le démarrage était prévu pour seize heures, mais nous autres du comité de Ndiolofène étions déjà prêtes de pied en cap dès neuf heures du matin. Figure-toi que nous avons réussi à mobiliser presque toutes les femmes du quartier à part quelques rombières mécontentes qui rouspètent à longueur de temps. Les femmes de Ndiolofène ne voulaient évidemment pas rater une si belle occasion d’exhiber leurs plus belles toilettes et leurs peaux satinées, éclaircies avec les produits dernier cri du Nigeria et même des Etats-Unis. Surtout qu’avec un peu de chance l’on pouvait se faire admirer sur le magique petit écran de la télévision qui suit comme leur ombre les chefs des partis politiques, en particulier le nôtre. En tout cas, moi, dès huit heures du matin j’avais fini de prendre mon bain, de m’enduire le corps de crème, de faire mes prières, de balayer la cour de la maison, de torcher les enfants et de leur faire prendre le petit déjeuner. Comme d’habitude mon Allaji, lui, continuait de paresser au lit, emmitouflé dans sa couverture et poussant des grognements étouffés sous prétexte que je l’empêchais de dormir et qu’une bonne épouse ne doit jamais interrompre le sommeil de son mari. Du moins si elle tient à s’assurer une place au paradis. Quel culot alors celui-là ! Quand je pense que c’est moi qui le réveille à chaque fois pour qu’il s’acquitte de ses devoirs religieux. Et après ça il vient me dire qu’après Dieu, il est mon maître et mon seigneur ! Ah là là ! Ma chère petite sœur, si tu savais le calvaire que j’endure avec ce rustre ! Et dire que je dois passer le reste de ma vie avec lui et mes deux sorcières de coépouses. Parfois je me demande pourquoi le Bon Dieu ne nous a pas permis à nous aussi, les femmes, d’avoir plusieurs maris car je suis sûre que les hommes se tiendraient alors beaucoup mieux et nous traiteraient avec plus d’égards ! Astarfoullah ! Je m’excuse pour ces propos sacrilèges, mais je suis tellement outrée par le comportement de tous ces coqs de basse-cour ! Heureusement, notre leader Baye Waly, lui, n’est pas comme ces invétérés coureurs de jupons pour qui nous ne sommes que du gibier. Lui au moins il a de la compassion pour les femmes…D’ailleurs il n’en a qu’une seule. Mais alors une perle rare ! Une diongoma comme l’on en trouve qu’à Ndar-Géej ! Grande, belle, la peau lisse, satinée, toujours souriante et d’une élégance sans pareille. Il paraît qu’elle est experte en cuuraay et que le nemmali n’a pas secret pour elle. Soxna si dafa diongué dé ! Une vraie Doomu Ndar ! Je comprends que Baye Waly n’ait d’yeux que pour elle et rien n’est trop beau pour lui faire plaisir. Vraiment je l’envie de régner ainsi sans partage dans le cœur de notre leader ! En tout cas avec elle, l’on peut être sûr que Baye Waly est en de bonnes mains. Et puis nak, elle est tellement simple ! Elle aime danser le sabar, comme nous, et manger le ceebu jën à la main comme une vraie sunugalienne. Lawla thiat, elle a vraiment de la chance madame Baye Waly, pas comme nous qui sommes les deuxièmes, troisièmes ou même quatrièmes femmes de ces vauriens qui nous promettaient monts et merveilles et qui n’ont fait que nous voler notre jeunesse, notre beauté notre joie de vivre même, en nous collant des ribambelles de gosses qu’ils ne parviennent même pas à nourrir convenablement ! Bilahi ! Je te le jure petite sœur, si nous n’étions pas là pour nous occuper d’eux, ces morveux crèveraient comme des mouches ! ( à suivre…)
N.B : Cette nouvelle est purement imaginaire. Tout ressemblance avec des faits ou des personnes réels ne peut donc être que le fruit du hasard et n’engage en rien la responsabilité de l’auteur.