Il y a exactement sept ans que disparaissait le Pr. Iba Mar Diop, au petit jour du 13 août 2008. Une triste disparition qui a réveillé en moi un cortège de souvenirs. En effet, pour les besoins de l'émission 7Santé que j’animais à la radio 7Fm Dakar, j'ai eu le privilège, en 2003, de m'entretenir avec le Pr. Ibrahima Diop Mar dans sa clinique sise à Fann Hock. Je revois encore ce grand médecin rempli d'usages, un homme simple et très correct, de commerce facile qui, dans une sagesse lucide, m'accueillit dans son bureau. Cette hospitalité légendaire est reconnue par les malades qu'il recevait et traitait avec affabilité. Bien que j'éprouvais une sorte d'émerveillement, eu égard au rôle prépondérant qu'il a joué dans sa corporation, je m'étais proposé à le faire parler. Exercice réussi puisqu'on avait abordé autant de sujets : sa carrière académique et professionnelle, l'enseignement de la médecine et les enjeux de la santé au Sénégal, la formation révolutionnaire des médecins en cinq ans, le Conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur (Cames) etc. Nommé secrétaire perpétuel à l'Académie des Sciences et Techniques du Sénégal, et correspondant étranger de l'Académie Nationale de Médecine, le Pr Iba Mar Diop, spécialiste de la biologie appliquée à l'Education Physique, a été plusieurs fois Docteur Honoris Causa. Membre fondateur du Comité Olympique Sénégalais — (Cnoss, 1963) et du Lion's Club Dakar Flamboyant, il a publié plusieurs travaux sur les maladies tropicales. En se forgeant une personnalité pénétrante à travers le monde médical.
Le Pr. Iba Mar naquit à Saint-Louis en mai 1921, de Amadou Diop Mar, un grand commerçant, et d'Aminata Hanne. A la question de savoir si lui, Iba, était un musulman pratiquant, il répondit : "Euh ! (sourire), bien sûr comme mes frères et cousins, mais je ne suis pas un fanatique, je m'appelle Ibrahima Diop, sinon on m'aurait appelé Jean". Poursuivant : "J'ai partagé ma jeunesse entre Saint-Louis, Tivaouane, Khombole et Pire, où durant les vacances, j'allais à l'école coranique chez les parents de l’actuel khalife, Moustapha Cissé". C'est par la suite qu'il a intégré l'Ecole normale William Ponty sous les enseignements de Mamadou Dia (ancien Président du Conseil). Le Pr Diop ajoutera : "Il fallait passer par l'Ecole primaire supérieure : soit Blanchot, Dakar, Conakry, ou Bamako". C'est après qu'il est allé à l'Ecole de médecine de Dakar d'ou il sortit médecin, diplômé en 1947.
Une riche et passionnante carrière
Le Pr Iba Mar Diop eut une vie mouvementée, agrémentée d'une riche carrière académique et professionnelle. Nommé en 1963 Directeur du Centre hospitalier de Fann, il occupa ce poste jusqu'en 1969 ; en 1970, il devient Maître de conférences agrégé et, l'année suivante, prit les rennes du Services des maladies infectieuses. Il y est resté pendant 14 ans. Devenu professeur sans Chaire, il est titularisé en 1975, puis occupera le poste de Doyen de la faculté de Médecine, de Pharmacie et d'Odonto-Stomatologie (Fmpos, à l’époque) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar jusqu'en 1985. Remarquable par ses dons pédagogiques, le Pr Diop, chercheur émérite, se lia a des amitiés a des sommités intellectuelles mondiales qui se révéleront précieuses. Il fera bénéficier de ce prestige relationnel à "sa" Faculté pour laquelle il a tant donné de son temps et de son cœur. Même à la retraite, il continua à s'intéresser de près au fonctionnement de cette dernière. Aujourd'hui, la clinique des maladies infectieuses de l'hôpital Fann porte le nom du Pr Iba Mar Diop.
Soixante ans de pratique médicale
Le Pr. Iba Mar Diop a tout donné à la médecine africaine : sa jeunesse et toute son énergie. Sa conscience aussi. C'est en Guinée, précisément à Mamou, carrefour entre la Haute-Guinée et le Fouta qui va servi de cadre d'expérimentation. "Durant la période des grandes épidémies de la trypanosomiase, il nous arrivait souvent de faire des tournées à pied, de village à village, sans véhicule, seulement avec un convoi de porteurs qui portaient les cantines sur la tête sans instruments sophistiqués comme c'est le cas aujourd'hui", s'est-il rappelé des difficiles conditions de travail des médecins de campagne. A Saint-Louis et en Haute-Casamance, localités ou il a aussi servi, en qualité de généraliste, les conditions n'étaient pas des meilleurs. "Ce n'était pas le grand spécialiste qui s'occupait des yeux ou bien des accouchements, on faisait même l'arrachure de dents (sic), et à côté d'un diabétique, il nous arrivait même de mettre la langue dans les urines pour savoir si c'est sucré ou pas, nous exercions à la fois le métier de pédiatre, de chirurgien et d'accoucheur ", soulignait-il. Preuve à suffisance de leur mission sacerdotale l'immense dévouement de ses pairs médecins auxiliaires : les docteurs Bathiliy, Mar Diagne, Jean Dieng, Mallé Ndiaye, Samba Ndoucoumane Guèye, Kouaté, Lamine Diop Sine ; de même Abass Ndao, Ibrahima Ba, Moustapha Touré, Carvalho, Gaspard Camara ( médecin de la famille du Pr Diop), ces autres grands médecins qui ont offert leurs noms à la postérité, en aidant grandement ... à se relever de ses catastrophes.
Aux origines lointaines du Cames.
C'est grâce au Pr. Iba Mar Diop, usant ses relations personnelles en tant que Doyen de la Faculté de médecine et Président de la Conférence des Doyens qu'il a réussi avec ses pairs à mettre sur place le Cames. C'est une longue histoire. Mais retenons quand il avait soumis au Président Senghor l'idée de regrouper toutes les Facultés de médecine dans le cadre de la francophonie, ce dernier l'avait encouragé et montré toute sa disponibilité pour les contacts à faire éventuellement. C'est ainsi qu'il a sillonné les pays d'Afrique au sud du Sahara et rencontré les chefs d'Etat que leur recommandé le Président Senghor, dans le cadre d’une mission exploratoire pour la mise sur pied cette Conférence des Doyens de Facultés de Médecine d'Afrique noire d'expression française. Avec donc beaucoup de patience et de ténacité, le Pr. Diop, vint à bout de ces obstacles et de permettre au Sénégal d'organiser le premier concours d'agrégation en 1982.
Etre médecin : une vocation ?
Plutôt un sacerdoce dira le Pr Diop : "A partir du moment qu'il est responsable de la vie de gens, le médecin, doit se sacrifier et adoucir les peines de ses malades". C'est pour ces raisons qu'il a laissé une de ses filles lors son deuxième séjour en Guinée. "J'étais médecin-chef d'une région guinéenne, quand on est venu me chercher la nuit pour aller assister un malade à quelques soixante kilomètres alors que ma fille gravement malade n'avait reçue que quelques soins, mais comme on m'a appelé, je devais la quitter et aller assister un autre malade ; et quand je suis rentré à trois heures du matin, il n'y avait plus de vie, ma fille était décédée", se rappela-t-il tristement. Entreprenant et plein d'initiatives, le Pr Iba Mar l'était, et avec ses pairs, ils étaient également des bâtisseurs. "Quand nous étions de jeunes médecins en dehors des capitales, nous construisions des maisons, des dispensaires et en plus il n'y avait pas d'experts qui venaient nous donner des conseils", me confia-t-il. Sur la relation médecin-patient de l'époque : "Nous n'étions pas là, dit-il, comme des Gouverneurs ou des Chefs de cantons. Si le patient n'a pas confiance à son médecin, ce dernier ne pourrait pas le guérir à cent pour cent. Certes, on pouvait lui administrer des médicaments, mais il restera toujours quelque chose"
Sept ans après sa disparition, ne faudrait-il pas coller au Pr. Iba Mar Diop la reflexion de Malraux "ce qui est immortel ne l'est pas par hasard", renforcé par Maurice Druon, "après tout, l'important c'est le sillage que — les esprits lumière — ont laissé sur les eaux du siècle et dont le regard de chacun peut capter un éclat d'argent". Ces belles formules trouvent un écho favorable dans le riche et passionnant parcours du Pr Iba Mar Diop qui, sans doute, fait partie de ces hommes de valeur respectés pour leurs qualités, au sens qu'il possédait un degré exceptionnel du don de soi. Soignait-il ses malades avec une compétence, un dévouement et une charité admirable. Puisse cette qualité inspirer les jeunes médecins africains, comme ses anciens étudiants et collaborateurs Mme Eva Marie Coll Seck, actuelle ministre de la Santé, les Professeurs Salif Sow, Bernard Diop, Ibrahima Diop, Oumar Faye qui étaient devenus, par la complicité médicale, ses amis.
Gallo Thiam
Bu, Ucad
gallo_thiam@hotmail.com
Le Pr. Iba Mar naquit à Saint-Louis en mai 1921, de Amadou Diop Mar, un grand commerçant, et d'Aminata Hanne. A la question de savoir si lui, Iba, était un musulman pratiquant, il répondit : "Euh ! (sourire), bien sûr comme mes frères et cousins, mais je ne suis pas un fanatique, je m'appelle Ibrahima Diop, sinon on m'aurait appelé Jean". Poursuivant : "J'ai partagé ma jeunesse entre Saint-Louis, Tivaouane, Khombole et Pire, où durant les vacances, j'allais à l'école coranique chez les parents de l’actuel khalife, Moustapha Cissé". C'est par la suite qu'il a intégré l'Ecole normale William Ponty sous les enseignements de Mamadou Dia (ancien Président du Conseil). Le Pr Diop ajoutera : "Il fallait passer par l'Ecole primaire supérieure : soit Blanchot, Dakar, Conakry, ou Bamako". C'est après qu'il est allé à l'Ecole de médecine de Dakar d'ou il sortit médecin, diplômé en 1947.
Une riche et passionnante carrière
Le Pr Iba Mar Diop eut une vie mouvementée, agrémentée d'une riche carrière académique et professionnelle. Nommé en 1963 Directeur du Centre hospitalier de Fann, il occupa ce poste jusqu'en 1969 ; en 1970, il devient Maître de conférences agrégé et, l'année suivante, prit les rennes du Services des maladies infectieuses. Il y est resté pendant 14 ans. Devenu professeur sans Chaire, il est titularisé en 1975, puis occupera le poste de Doyen de la faculté de Médecine, de Pharmacie et d'Odonto-Stomatologie (Fmpos, à l’époque) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar jusqu'en 1985. Remarquable par ses dons pédagogiques, le Pr Diop, chercheur émérite, se lia a des amitiés a des sommités intellectuelles mondiales qui se révéleront précieuses. Il fera bénéficier de ce prestige relationnel à "sa" Faculté pour laquelle il a tant donné de son temps et de son cœur. Même à la retraite, il continua à s'intéresser de près au fonctionnement de cette dernière. Aujourd'hui, la clinique des maladies infectieuses de l'hôpital Fann porte le nom du Pr Iba Mar Diop.
Soixante ans de pratique médicale
Le Pr. Iba Mar Diop a tout donné à la médecine africaine : sa jeunesse et toute son énergie. Sa conscience aussi. C'est en Guinée, précisément à Mamou, carrefour entre la Haute-Guinée et le Fouta qui va servi de cadre d'expérimentation. "Durant la période des grandes épidémies de la trypanosomiase, il nous arrivait souvent de faire des tournées à pied, de village à village, sans véhicule, seulement avec un convoi de porteurs qui portaient les cantines sur la tête sans instruments sophistiqués comme c'est le cas aujourd'hui", s'est-il rappelé des difficiles conditions de travail des médecins de campagne. A Saint-Louis et en Haute-Casamance, localités ou il a aussi servi, en qualité de généraliste, les conditions n'étaient pas des meilleurs. "Ce n'était pas le grand spécialiste qui s'occupait des yeux ou bien des accouchements, on faisait même l'arrachure de dents (sic), et à côté d'un diabétique, il nous arrivait même de mettre la langue dans les urines pour savoir si c'est sucré ou pas, nous exercions à la fois le métier de pédiatre, de chirurgien et d'accoucheur ", soulignait-il. Preuve à suffisance de leur mission sacerdotale l'immense dévouement de ses pairs médecins auxiliaires : les docteurs Bathiliy, Mar Diagne, Jean Dieng, Mallé Ndiaye, Samba Ndoucoumane Guèye, Kouaté, Lamine Diop Sine ; de même Abass Ndao, Ibrahima Ba, Moustapha Touré, Carvalho, Gaspard Camara ( médecin de la famille du Pr Diop), ces autres grands médecins qui ont offert leurs noms à la postérité, en aidant grandement ... à se relever de ses catastrophes.
Aux origines lointaines du Cames.
C'est grâce au Pr. Iba Mar Diop, usant ses relations personnelles en tant que Doyen de la Faculté de médecine et Président de la Conférence des Doyens qu'il a réussi avec ses pairs à mettre sur place le Cames. C'est une longue histoire. Mais retenons quand il avait soumis au Président Senghor l'idée de regrouper toutes les Facultés de médecine dans le cadre de la francophonie, ce dernier l'avait encouragé et montré toute sa disponibilité pour les contacts à faire éventuellement. C'est ainsi qu'il a sillonné les pays d'Afrique au sud du Sahara et rencontré les chefs d'Etat que leur recommandé le Président Senghor, dans le cadre d’une mission exploratoire pour la mise sur pied cette Conférence des Doyens de Facultés de Médecine d'Afrique noire d'expression française. Avec donc beaucoup de patience et de ténacité, le Pr. Diop, vint à bout de ces obstacles et de permettre au Sénégal d'organiser le premier concours d'agrégation en 1982.
Etre médecin : une vocation ?
Plutôt un sacerdoce dira le Pr Diop : "A partir du moment qu'il est responsable de la vie de gens, le médecin, doit se sacrifier et adoucir les peines de ses malades". C'est pour ces raisons qu'il a laissé une de ses filles lors son deuxième séjour en Guinée. "J'étais médecin-chef d'une région guinéenne, quand on est venu me chercher la nuit pour aller assister un malade à quelques soixante kilomètres alors que ma fille gravement malade n'avait reçue que quelques soins, mais comme on m'a appelé, je devais la quitter et aller assister un autre malade ; et quand je suis rentré à trois heures du matin, il n'y avait plus de vie, ma fille était décédée", se rappela-t-il tristement. Entreprenant et plein d'initiatives, le Pr Iba Mar l'était, et avec ses pairs, ils étaient également des bâtisseurs. "Quand nous étions de jeunes médecins en dehors des capitales, nous construisions des maisons, des dispensaires et en plus il n'y avait pas d'experts qui venaient nous donner des conseils", me confia-t-il. Sur la relation médecin-patient de l'époque : "Nous n'étions pas là, dit-il, comme des Gouverneurs ou des Chefs de cantons. Si le patient n'a pas confiance à son médecin, ce dernier ne pourrait pas le guérir à cent pour cent. Certes, on pouvait lui administrer des médicaments, mais il restera toujours quelque chose"
Sept ans après sa disparition, ne faudrait-il pas coller au Pr. Iba Mar Diop la reflexion de Malraux "ce qui est immortel ne l'est pas par hasard", renforcé par Maurice Druon, "après tout, l'important c'est le sillage que — les esprits lumière — ont laissé sur les eaux du siècle et dont le regard de chacun peut capter un éclat d'argent". Ces belles formules trouvent un écho favorable dans le riche et passionnant parcours du Pr Iba Mar Diop qui, sans doute, fait partie de ces hommes de valeur respectés pour leurs qualités, au sens qu'il possédait un degré exceptionnel du don de soi. Soignait-il ses malades avec une compétence, un dévouement et une charité admirable. Puisse cette qualité inspirer les jeunes médecins africains, comme ses anciens étudiants et collaborateurs Mme Eva Marie Coll Seck, actuelle ministre de la Santé, les Professeurs Salif Sow, Bernard Diop, Ibrahima Diop, Oumar Faye qui étaient devenus, par la complicité médicale, ses amis.
Gallo Thiam
Bu, Ucad
gallo_thiam@hotmail.com