Après le Panama, le Luxembourg, c'est au tour de la république de Maurice d'être épinglée pour ses pratiques fiscales douteuses. Les "Mauritius Leaks", constitués de plus de 200 000 documents du cabinet d'avocats Conyers Dill & Pearman obtenus par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ), dévoilent les dessous d'une gigantesque machine à optimisation fiscale dont les pays africains sont les premières victimes.
En attendant de revenir plus amplement sur ce système qui a profité à plusieurs orpailleurs basés au Sénégal avant la dénonciation de l'accord de non double imposition, sachez que les mails, documents internes et vidéos récupérés par l'ICIJ, et publiés depuis hier, démontrent que des grandes banques internationales comme Goldman Sachs, Deutsche Bank, BNP Paribas, des multinationales telles que Wal-Mart, Whirlpool ou Total, mais aussi la Banque européenne d'investissement ou encore la Banque africaine de développement, ont eu recours au service des avocats de Conyers Dill & Perman, pour développer leurs activités sur place.
L'Île sait comment attirer ces riches clients. Elle propose une fiscalité très avantageuse aux entreprises qui décideraient d'y élire domicile. "Elle affiche un taux statutaire d'imposition sur les sociétés de 15 %, mais d'après nos calculs, le taux minimal dont les entreprises peuvent bénéficier, est souvent de 0 %", explique Maïmouna Diakité, chercheuse principale pour l'Afrique francophone au sein de l'ONG Tax Justice Network.
Il suffit, en effet, de remplir quelques conditions concernant, par exemple, la taille de l'entreprise (nombre de salariés) ou le secteur d'activité, pour avoir droit à des ristournes fiscales importantes. Le secret bancaire mauricien n'a, en outre, rien à envier à d'autres places financières opaques comme la Suisse, Panama ou les îles Caïmans. Il est ainsi impossible pour les autorités fiscales d'un pays tiers, de savoir qui sont les véritables bénéficiaires de la multitude de sociétés-écran inscrites au registre de la république de Maurice. "C'est l'un des pays qui accueille le plus de sociétés-écran au monde", rappelle Maïmouna Diakité.
Mais son principal attrait réside dans le vaste réseau de conventions relatives à la double imposition signées avec des pays africains. La république mauricienne en a conclu une quinzaine, qui permettent aux sociétés de toucher le jackpot fiscal. Ces traités sont conçus, à l'origine, pour éviter qu'une personne – physique ou morale – ne paie le même impôt dans son pays de résidence et dans celui où elle a son activité. Mais son objet a été dévoyé par des fiscalistes avertis et certains paradis fiscaux, pour réduire au maximum la charge fiscale qui pèse sur les multinationales.
Ainsi, ces conventions permettent aux entreprises domiciliées sur l'île Maurice de ne payer aux États africains signataires, qu'un faible taux sur les profits tirés des activités réalisées dans ces pays, puis de régler le reste de l'ardoise fiscale – impôts sur les sociétés – au fisc mauricien… qui ne leur demandera rien, ou presque. Ensuite, grâce à "d'autres conventions fiscales avec des pays occidentaux, ces profits sont rapatriés vers les sièges sociaux et les actionnaires en minimisant, de nouveau, les taxes à payer", explique Johan Langerock, expert des questions de fiscalité pour l'ONG Oxfam.
C'est ce système qui coûte très cher à des pays africains qui auraient, souvent, besoin de ces revenus fiscaux pour réduire leur taux de pauvreté ou développer des infrastructures. "L'île Maurice, juste derrière les Émirats arabes unies, est le pays le plus agressif pour obtenir des taux réduits sur le paiement des intérêts, dividendes auprès des États africains à travers ces traités", résume Maïmouna Diakité.
Le Zimbabwe, le Kenya, le Swaziland, le Sénégal ou encore le Rwanda, ont ainsi perdu des millions au profit de multinationales fiscalement averties, même s'il est difficile d'estimer avec précision à quel point ces traités fiscaux pèsent sur les finances de ces pays. "Le Sénégal a évalué à 150 milliards de francs CFA, les pertes liées à la convention signée avec la république de Maurice", précise l'experte de Tax Justice Network.
Le système est, en outre, tellement bien rôdé qu'il est "devenu un véritable cercle vicieux", affirme Johan Langerock. Il a été mis en place il y a longtemps, a fait ses preuves, et les conseils juridiques et cabinets d'avocats le connaissent par cœur, ce qui fait que "même lorsqu'une entreprise ou une institution ne veut pas forcément faire de l'optimisation fiscale, on lui conseille de passer par l'île Maurice pour faire des affaires en Afrique, car c'est le plus facile", explique cet expert. Car en plus d'être fiscalement très accueillante, la république de Maurice "offre un cadre politique,économique et législatif très stable, ce qui la rend encore plus attractive", résume-t-il.
Nous reviendrons plus en détails sur ce scandale mondial.
Libération et RFI
En attendant de revenir plus amplement sur ce système qui a profité à plusieurs orpailleurs basés au Sénégal avant la dénonciation de l'accord de non double imposition, sachez que les mails, documents internes et vidéos récupérés par l'ICIJ, et publiés depuis hier, démontrent que des grandes banques internationales comme Goldman Sachs, Deutsche Bank, BNP Paribas, des multinationales telles que Wal-Mart, Whirlpool ou Total, mais aussi la Banque européenne d'investissement ou encore la Banque africaine de développement, ont eu recours au service des avocats de Conyers Dill & Perman, pour développer leurs activités sur place.
L'Île sait comment attirer ces riches clients. Elle propose une fiscalité très avantageuse aux entreprises qui décideraient d'y élire domicile. "Elle affiche un taux statutaire d'imposition sur les sociétés de 15 %, mais d'après nos calculs, le taux minimal dont les entreprises peuvent bénéficier, est souvent de 0 %", explique Maïmouna Diakité, chercheuse principale pour l'Afrique francophone au sein de l'ONG Tax Justice Network.
Il suffit, en effet, de remplir quelques conditions concernant, par exemple, la taille de l'entreprise (nombre de salariés) ou le secteur d'activité, pour avoir droit à des ristournes fiscales importantes. Le secret bancaire mauricien n'a, en outre, rien à envier à d'autres places financières opaques comme la Suisse, Panama ou les îles Caïmans. Il est ainsi impossible pour les autorités fiscales d'un pays tiers, de savoir qui sont les véritables bénéficiaires de la multitude de sociétés-écran inscrites au registre de la république de Maurice. "C'est l'un des pays qui accueille le plus de sociétés-écran au monde", rappelle Maïmouna Diakité.
Mais son principal attrait réside dans le vaste réseau de conventions relatives à la double imposition signées avec des pays africains. La république mauricienne en a conclu une quinzaine, qui permettent aux sociétés de toucher le jackpot fiscal. Ces traités sont conçus, à l'origine, pour éviter qu'une personne – physique ou morale – ne paie le même impôt dans son pays de résidence et dans celui où elle a son activité. Mais son objet a été dévoyé par des fiscalistes avertis et certains paradis fiscaux, pour réduire au maximum la charge fiscale qui pèse sur les multinationales.
Ainsi, ces conventions permettent aux entreprises domiciliées sur l'île Maurice de ne payer aux États africains signataires, qu'un faible taux sur les profits tirés des activités réalisées dans ces pays, puis de régler le reste de l'ardoise fiscale – impôts sur les sociétés – au fisc mauricien… qui ne leur demandera rien, ou presque. Ensuite, grâce à "d'autres conventions fiscales avec des pays occidentaux, ces profits sont rapatriés vers les sièges sociaux et les actionnaires en minimisant, de nouveau, les taxes à payer", explique Johan Langerock, expert des questions de fiscalité pour l'ONG Oxfam.
C'est ce système qui coûte très cher à des pays africains qui auraient, souvent, besoin de ces revenus fiscaux pour réduire leur taux de pauvreté ou développer des infrastructures. "L'île Maurice, juste derrière les Émirats arabes unies, est le pays le plus agressif pour obtenir des taux réduits sur le paiement des intérêts, dividendes auprès des États africains à travers ces traités", résume Maïmouna Diakité.
Le Zimbabwe, le Kenya, le Swaziland, le Sénégal ou encore le Rwanda, ont ainsi perdu des millions au profit de multinationales fiscalement averties, même s'il est difficile d'estimer avec précision à quel point ces traités fiscaux pèsent sur les finances de ces pays. "Le Sénégal a évalué à 150 milliards de francs CFA, les pertes liées à la convention signée avec la république de Maurice", précise l'experte de Tax Justice Network.
Le système est, en outre, tellement bien rôdé qu'il est "devenu un véritable cercle vicieux", affirme Johan Langerock. Il a été mis en place il y a longtemps, a fait ses preuves, et les conseils juridiques et cabinets d'avocats le connaissent par cœur, ce qui fait que "même lorsqu'une entreprise ou une institution ne veut pas forcément faire de l'optimisation fiscale, on lui conseille de passer par l'île Maurice pour faire des affaires en Afrique, car c'est le plus facile", explique cet expert. Car en plus d'être fiscalement très accueillante, la république de Maurice "offre un cadre politique,économique et législatif très stable, ce qui la rend encore plus attractive", résume-t-il.
Nous reviendrons plus en détails sur ce scandale mondial.
Libération et RFI