«Il y a le compagnonnage politique d’un côté et l’État d’un autre. Que cela soit la dernière fois que je vous donne des instructions que vous n’appliquez pas». Il y a de cela quelques jours, c’est ainsi que s’est exprimé le Président de la République s’adressant, en réunion du Conseil des ministres, à Thierno Alassane Sall. Et hier, les choses sont allées très vite : peu avant de s’envoler pour l’Afrique du Sud, Macky Sall a limogé son ministre de l’Énergie et transféré ses prérogatives au Premier ministre Mahammed Dionne.
Que s’est-il passé pour que le Chef de l’État prenne cette décision radicale ? Tout a basculé très tôt dans la matinée d’hier. Selon les informations de Libération, Thierno Alassane Sall avait été appelé au Palais à 9heures pour finaliser la signature de deux accords avec le groupe Total. Le premier accord est un contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbures sur le bloc Rufisque Offshore Profond, d’une superficie de 10.357 km2. Total sera opérateur de ce bloc (90%) aux côtés de la Société Nationale des Pétroles du Sénégal (Petrosen), qui détiendra les 10% restants. Le second accord porte sur une coopération avec Petrosen et le ministère de l’Energie et du Développement des Energies Renouvelables de la République du Sénégal.
Et aux termes de cet accord, Total réalisera une étude de la zone en mer très profonde en vue d’en déterminer le potentiel d’exploration et de devenir opérateur d’un bloc d’exploration. Un mémorandum dans ce sens avait déjà été signé en marge de la visite d’État du Président Macky Sall en France. D’ailleurs, lorsque le désormais ex-ministre de l’Energie arrivait au Palais où il rejoignait le Président de la République et le Premier ministre, une délégation du groupe français dirigée par son Pdg Patrick Pouyanné était dans la salle d’attente. Selon les termes du contrat, Total devrait être présent pendant 45 ans dans l’offshore sénégalais à côté du groupe Kosmos qui détient des permis sur les blocs Saint-Louis Offshore Profond et Cayar Offshore Profond tout en exploitant le puits Gueumbeul 1. C’est d’ailleurs au Nord du premier gisement qu’a été découvert un important gisement de gaz.
Mais ce mardi, Thierno Sall a soutenu devant le Chef de l’Etat qu’il ne signerait pas les accords arguant que Total n’avait pas les mêmes capacités que...Kosmos. Groupe auquel tout devait revenir, selon Thierno Alassane Sall. Le Président est tombé des nues lorsque Thierno Sall a persisté dans sa position, alors qu’il était prévu que le contrat avec Total soit signé, le même jour. Pire, le Président a appris lors de la même rencontre que le Dg de Petrosen, dont une équipe avait pourtant séjourné à Paris la semaine dernière, appuyait cette position du ministre qui profitait largement au groupe Kosmos. Non seulement Macky Sall a pris son téléphone pour appeler le Dg de Petrosen, mais aussi il a fait savoir à son ministre qu’il tirerait la conséquence de cette défiance. Le plus incroyable est que Thierno Sall a lancé à la délégation de Total qu’il a croisé dans la salle d’attente : «Allez les gars, je suis parti !»
Contacté hier, un proche du ministre confirme cette version mais soutient que ce dernier avait refusé une première fois de signer le contrat de Total à Paris car estimant que le groupe n’a pas la capacité de «produire 7 barils par jours». La même source jure que Thierno Alassane Sall avait écrit sa lettre de démission depuis plusieurs jours et tous les membres de son cabinet étaient au courant. Et c’est pour anticiper sur une démission qui pourrait être fracassante que le Président l’aurait limogé.
«Contrairement à ce qui a été annoncé, il ne tiendra aucune conférence de presse. Par contre, il n’acceptera jamais que des gens l’attaquent ou disent qu’il est déloyal», soutient notre interlocuteur. Cependant, le ministre est accusé d’avoir voulu faire la part belle à Kosmos, ce que refuse le Président qui veut «ouvrir» le pétrole sénégalais à toutes les multinationales. Pour preuve, on annonce au Sénégal la venue des Russes de Gazprom entre autres.
«Comment peut-il dire qu’il ne signe pas alors que sa signature figure en bas du protocole qui avait été paraphé lors de la visite d’État du Chef de l’État en France ? Il s’est sûrement passé quelque chose avec Kosmos», croit savoir un proche du Président. Une chose est en tout cas certaine, et Libération a pu la recouper auprès de plusieurs sources : Thierno Sall a été bel et bien limogé. Mieux, les accords en question ont été finalement signés dans l’après-midi, après que son départ du Gouvernement ne soit acté, entre le patron de Total et Mahammed Dionne qui a hérité provisoirement de ses prérogatives. Le Pdg de Total pouvait alors se dire «ravi de pouvoir élargir la présence du groupe au Sénégal dans le secteur de l’Exploration-Production», comme il l’a confié après la signature du contrat.
Cheikh Mbacké GUISSE-
Libération
Que s’est-il passé pour que le Chef de l’État prenne cette décision radicale ? Tout a basculé très tôt dans la matinée d’hier. Selon les informations de Libération, Thierno Alassane Sall avait été appelé au Palais à 9heures pour finaliser la signature de deux accords avec le groupe Total. Le premier accord est un contrat de recherche et de partage de production d’hydrocarbures sur le bloc Rufisque Offshore Profond, d’une superficie de 10.357 km2. Total sera opérateur de ce bloc (90%) aux côtés de la Société Nationale des Pétroles du Sénégal (Petrosen), qui détiendra les 10% restants. Le second accord porte sur une coopération avec Petrosen et le ministère de l’Energie et du Développement des Energies Renouvelables de la République du Sénégal.
Et aux termes de cet accord, Total réalisera une étude de la zone en mer très profonde en vue d’en déterminer le potentiel d’exploration et de devenir opérateur d’un bloc d’exploration. Un mémorandum dans ce sens avait déjà été signé en marge de la visite d’État du Président Macky Sall en France. D’ailleurs, lorsque le désormais ex-ministre de l’Energie arrivait au Palais où il rejoignait le Président de la République et le Premier ministre, une délégation du groupe français dirigée par son Pdg Patrick Pouyanné était dans la salle d’attente. Selon les termes du contrat, Total devrait être présent pendant 45 ans dans l’offshore sénégalais à côté du groupe Kosmos qui détient des permis sur les blocs Saint-Louis Offshore Profond et Cayar Offshore Profond tout en exploitant le puits Gueumbeul 1. C’est d’ailleurs au Nord du premier gisement qu’a été découvert un important gisement de gaz.
Mais ce mardi, Thierno Sall a soutenu devant le Chef de l’Etat qu’il ne signerait pas les accords arguant que Total n’avait pas les mêmes capacités que...Kosmos. Groupe auquel tout devait revenir, selon Thierno Alassane Sall. Le Président est tombé des nues lorsque Thierno Sall a persisté dans sa position, alors qu’il était prévu que le contrat avec Total soit signé, le même jour. Pire, le Président a appris lors de la même rencontre que le Dg de Petrosen, dont une équipe avait pourtant séjourné à Paris la semaine dernière, appuyait cette position du ministre qui profitait largement au groupe Kosmos. Non seulement Macky Sall a pris son téléphone pour appeler le Dg de Petrosen, mais aussi il a fait savoir à son ministre qu’il tirerait la conséquence de cette défiance. Le plus incroyable est que Thierno Sall a lancé à la délégation de Total qu’il a croisé dans la salle d’attente : «Allez les gars, je suis parti !»
Contacté hier, un proche du ministre confirme cette version mais soutient que ce dernier avait refusé une première fois de signer le contrat de Total à Paris car estimant que le groupe n’a pas la capacité de «produire 7 barils par jours». La même source jure que Thierno Alassane Sall avait écrit sa lettre de démission depuis plusieurs jours et tous les membres de son cabinet étaient au courant. Et c’est pour anticiper sur une démission qui pourrait être fracassante que le Président l’aurait limogé.
«Contrairement à ce qui a été annoncé, il ne tiendra aucune conférence de presse. Par contre, il n’acceptera jamais que des gens l’attaquent ou disent qu’il est déloyal», soutient notre interlocuteur. Cependant, le ministre est accusé d’avoir voulu faire la part belle à Kosmos, ce que refuse le Président qui veut «ouvrir» le pétrole sénégalais à toutes les multinationales. Pour preuve, on annonce au Sénégal la venue des Russes de Gazprom entre autres.
«Comment peut-il dire qu’il ne signe pas alors que sa signature figure en bas du protocole qui avait été paraphé lors de la visite d’État du Chef de l’État en France ? Il s’est sûrement passé quelque chose avec Kosmos», croit savoir un proche du Président. Une chose est en tout cas certaine, et Libération a pu la recouper auprès de plusieurs sources : Thierno Sall a été bel et bien limogé. Mieux, les accords en question ont été finalement signés dans l’après-midi, après que son départ du Gouvernement ne soit acté, entre le patron de Total et Mahammed Dionne qui a hérité provisoirement de ses prérogatives. Le Pdg de Total pouvait alors se dire «ravi de pouvoir élargir la présence du groupe au Sénégal dans le secteur de l’Exploration-Production», comme il l’a confié après la signature du contrat.
Cheikh Mbacké GUISSE-
Libération