Le Sénégal traverse depuis quelque temps des moments de violence rares. Les contradictions politiques, les rencontres sportives, les mécontentements scolaires et universitaires, etc. constituent des prétextes pour vandaliser. Incendier est devenue le sport favori d’une partie importante de la jeunesse sénégalaise.
On s’interroge sur ces comportements qui troublent la quiétude des Sénégalais. Pourquoi une partie de notre jeunesse est-elle si violente ? Comment se fait-il que les pensionnaires des foyers d’Education islamique (Daara) sont moins turbulents ? Cette violence n’est-elle pas liée aux valeurs sociales transmises à l’Ecole ? Quel est l’ordre des valeurs comme le droit, la liberté, le devoir et la responsabilité dans notre société ? Voilà les questions auxquelles il importe de répondre.
L’universalisation du droit
La déclaration universelle des droits de l’homme est proclamée en 1848 par l’organisation des nations unies (ONU) à l’issue de la deuxième guerre mondiale, du fait des atrocités commises par l’Etat nazi. Le Droit y est conceptualisé pour être au centre des normes d’organisation sociale et politique. La préoccupation majeure des promoteurs du texte onusien était, après ce qui s’est passé en Allemagne, de protéger l’être humain contre les exactions de ses semblables ou des pouvoirs organisés.
Il s’en est suivi en 1989 la Convention Internationale des Droit de l’Enfant que le Sénégal a ratifié en 1993. Celle-ci met en avant quatre principes fondamentaux : La non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer ainsi que le respect des opinions de l’enfant. Il est à noter que les États-Unis n’ont pas ratifié jusqu’ici cette convention. Tout simplement parce qu’elle est conflictogène. Elle confère à l’enfant le droit de se rebeller contre tout adulte et s’oppose à celui des parents de prendre des décisions contre le gré de leurs fils. Il va sans dire que la transmission de telles valeurs n’est pas étrangère au vandalisme des jeunes et à la crise d’autorités constatés dans pas mal de pays.
D’ailleurs, il faut noter que les normes universalisées comme cette convention, sortent souvent du cadre de la philosophie de l’éducation. En effet, il est généralement admis dans ce domaine, que l’éducation est ce qui permet aux enfants d’entrer dans la culture de leur société, d’accéder aux traditions et normes de celle-ci, puis aux connaissances et savoirs particuliers, aux états d’esprit et dispositions morales, etc. Considérant cette acception du concept de l’éducation, il va sans dire qu’un pays comme le Sénégal qui ratifie une convention comme celle relative aux droits des enfants, se mets dans des contradictions insurmontables. C’est pour cela que ce pays ne pourra jamais être bien vu par les superviseurs de cette convention. Pour eux 9 enfants sénégalais sur 10 sont victimes de violences. Autrement dit, les jeunes de ce pays avec leurs parents pourront difficilement incarner les valeurs de cette convention.
Le Curriculum du système éducatif islamique
Il est évident que les valeurs transmises dans l’Ecole officielle, en termes de droits et de libertés, ne sont pas de mise dans les foyers d’enseignement islamique. En effet, les normes et traditions sociales qui y sont prônées ne peuvent pas être en contradiction avec le code de conduite islamique qui est basé sur la soumission et la discipline (Ndigël). La Shari’a qui le fonde est un corpus d’obligations du croyant vis-à-vis de Dieu d’abord et de ses semblables ensuite. Les notions de droit et de liberté n’y sont pas vulgarisées. Les titres de livres sur l’Islam, entêtes de chapitres ainsi que les facultés ou département des universités islamiques sont le plus souvent déclinés en termes d’obligations, de devoir, de lois et de responsabilités.
Le premier livre en Shari’a au Sénégal, Mukhtsar d’Al Akhdari, commence par « Le premier devoir de l’adulte (responsable) est…). Pour dire que seul l’apprentissage du devoir et de la responsabilité figure dans le cursus de l’Ecole islamique. Cette institution diffuse plus la culture de l’humilité et de la discipline que celle de la revendication et de la protestation. Ce qui n’empêche qu’elle est à la source des révolutions retentissantes contre des régimes tyranniques et des résistances farouches à la colonisation.
La Révolution du Fouta (1765-1776)
Cette Révolution est bel et bien initiée par l’amicale des étudiants ressortissants du Fouta de l’université de Pir, dans le Kayor. Celle-ci, sous l’égide de Thierno Sileymaani Baal, avait comme principales ambitions, la libération du Fuuta de la tutelle des maures, de la traite européenne et de la tyrannie du régime deeniyaŋke, pour y ériger un État juste, vertueux et soucieux de la sécurité des habitants. Ce qui ne pouvait pas se faire sans une révolution. Conscients de cela, les disciples du premier Serigne Pir, Demba Faal, avaient décidé de se sacrifier pour le salut de la collectivité. Finalement, ils ont atteint leurs objectifs après une lutte qui a duré au moins sept ans sans guillotine ou massacre inutile. Alors, ils ont mis en place en 1776 l’Almaamiya. Un nouveau type d’État fondé sur l’humanisme islamique et des principes démocratiques. Un régime politique vanté par les parlementaires et humanistes européens de l’époque.
Enfin, le lien entre le comportement des jeunes et l’éducation qu’ils ont reçue est vite établi. Et la primauté du droit sur le devoir consacrée par l’Ecole officielle est un ordre non naturel dans la société sénégalaise. Ajoutons à cela, que l’héritage des intellectuels qui ont fondé l’Etat moderne dans le Fouta, qui l’ont soutenu pendant 114 ans, avec 34 Imams de 17 villages et familles différents, qui se sont alternés au pouvoir sans beaucoup d’heurts, pèsera toujours dans la marche de ce pays. L’Ecole qui les a formés étant encore une Institution qui vaille dans ce pays. On a recours à ses produits quand ça chauffe et brûle, pour calmer les esprits et rétablir l’ordre. Sans eux, l’équilibre du pays et sa stabilité ne seraient pas à la portée des acteurs politiques et planificateurs formés ailleurs. Autrement dit, il est devenu nécessaire voire urgent d’investir sur la diversité intellectuelle de la société pour le développement harmonieux du pays.
Mamadou Youry Sall
Chercheur-Enseignant à l’UGB
On s’interroge sur ces comportements qui troublent la quiétude des Sénégalais. Pourquoi une partie de notre jeunesse est-elle si violente ? Comment se fait-il que les pensionnaires des foyers d’Education islamique (Daara) sont moins turbulents ? Cette violence n’est-elle pas liée aux valeurs sociales transmises à l’Ecole ? Quel est l’ordre des valeurs comme le droit, la liberté, le devoir et la responsabilité dans notre société ? Voilà les questions auxquelles il importe de répondre.
L’universalisation du droit
La déclaration universelle des droits de l’homme est proclamée en 1848 par l’organisation des nations unies (ONU) à l’issue de la deuxième guerre mondiale, du fait des atrocités commises par l’Etat nazi. Le Droit y est conceptualisé pour être au centre des normes d’organisation sociale et politique. La préoccupation majeure des promoteurs du texte onusien était, après ce qui s’est passé en Allemagne, de protéger l’être humain contre les exactions de ses semblables ou des pouvoirs organisés.
Il s’en est suivi en 1989 la Convention Internationale des Droit de l’Enfant que le Sénégal a ratifié en 1993. Celle-ci met en avant quatre principes fondamentaux : La non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, survivre et se développer ainsi que le respect des opinions de l’enfant. Il est à noter que les États-Unis n’ont pas ratifié jusqu’ici cette convention. Tout simplement parce qu’elle est conflictogène. Elle confère à l’enfant le droit de se rebeller contre tout adulte et s’oppose à celui des parents de prendre des décisions contre le gré de leurs fils. Il va sans dire que la transmission de telles valeurs n’est pas étrangère au vandalisme des jeunes et à la crise d’autorités constatés dans pas mal de pays.
D’ailleurs, il faut noter que les normes universalisées comme cette convention, sortent souvent du cadre de la philosophie de l’éducation. En effet, il est généralement admis dans ce domaine, que l’éducation est ce qui permet aux enfants d’entrer dans la culture de leur société, d’accéder aux traditions et normes de celle-ci, puis aux connaissances et savoirs particuliers, aux états d’esprit et dispositions morales, etc. Considérant cette acception du concept de l’éducation, il va sans dire qu’un pays comme le Sénégal qui ratifie une convention comme celle relative aux droits des enfants, se mets dans des contradictions insurmontables. C’est pour cela que ce pays ne pourra jamais être bien vu par les superviseurs de cette convention. Pour eux 9 enfants sénégalais sur 10 sont victimes de violences. Autrement dit, les jeunes de ce pays avec leurs parents pourront difficilement incarner les valeurs de cette convention.
Le Curriculum du système éducatif islamique
Il est évident que les valeurs transmises dans l’Ecole officielle, en termes de droits et de libertés, ne sont pas de mise dans les foyers d’enseignement islamique. En effet, les normes et traditions sociales qui y sont prônées ne peuvent pas être en contradiction avec le code de conduite islamique qui est basé sur la soumission et la discipline (Ndigël). La Shari’a qui le fonde est un corpus d’obligations du croyant vis-à-vis de Dieu d’abord et de ses semblables ensuite. Les notions de droit et de liberté n’y sont pas vulgarisées. Les titres de livres sur l’Islam, entêtes de chapitres ainsi que les facultés ou département des universités islamiques sont le plus souvent déclinés en termes d’obligations, de devoir, de lois et de responsabilités.
Le premier livre en Shari’a au Sénégal, Mukhtsar d’Al Akhdari, commence par « Le premier devoir de l’adulte (responsable) est…). Pour dire que seul l’apprentissage du devoir et de la responsabilité figure dans le cursus de l’Ecole islamique. Cette institution diffuse plus la culture de l’humilité et de la discipline que celle de la revendication et de la protestation. Ce qui n’empêche qu’elle est à la source des révolutions retentissantes contre des régimes tyranniques et des résistances farouches à la colonisation.
La Révolution du Fouta (1765-1776)
Cette Révolution est bel et bien initiée par l’amicale des étudiants ressortissants du Fouta de l’université de Pir, dans le Kayor. Celle-ci, sous l’égide de Thierno Sileymaani Baal, avait comme principales ambitions, la libération du Fuuta de la tutelle des maures, de la traite européenne et de la tyrannie du régime deeniyaŋke, pour y ériger un État juste, vertueux et soucieux de la sécurité des habitants. Ce qui ne pouvait pas se faire sans une révolution. Conscients de cela, les disciples du premier Serigne Pir, Demba Faal, avaient décidé de se sacrifier pour le salut de la collectivité. Finalement, ils ont atteint leurs objectifs après une lutte qui a duré au moins sept ans sans guillotine ou massacre inutile. Alors, ils ont mis en place en 1776 l’Almaamiya. Un nouveau type d’État fondé sur l’humanisme islamique et des principes démocratiques. Un régime politique vanté par les parlementaires et humanistes européens de l’époque.
Enfin, le lien entre le comportement des jeunes et l’éducation qu’ils ont reçue est vite établi. Et la primauté du droit sur le devoir consacrée par l’Ecole officielle est un ordre non naturel dans la société sénégalaise. Ajoutons à cela, que l’héritage des intellectuels qui ont fondé l’Etat moderne dans le Fouta, qui l’ont soutenu pendant 114 ans, avec 34 Imams de 17 villages et familles différents, qui se sont alternés au pouvoir sans beaucoup d’heurts, pèsera toujours dans la marche de ce pays. L’Ecole qui les a formés étant encore une Institution qui vaille dans ce pays. On a recours à ses produits quand ça chauffe et brûle, pour calmer les esprits et rétablir l’ordre. Sans eux, l’équilibre du pays et sa stabilité ne seraient pas à la portée des acteurs politiques et planificateurs formés ailleurs. Autrement dit, il est devenu nécessaire voire urgent d’investir sur la diversité intellectuelle de la société pour le développement harmonieux du pays.
Mamadou Youry Sall
Chercheur-Enseignant à l’UGB