Il est des hommes qui, par leur piété et leur dévouement à la religion, ont marqué leur époque. Serigne Ma-dior Cissé, muqqadam de Serigne Babacar Sy, est de ceux-là. Par sa prestance intellectuelle, adossée à sa mansuétude légendaire, cet homme de Dieu a laissé une trace indélébile à la vivification de la foi Islamique et de la Tariqa Tidjaniya. Homme d’une dimension intellectuelle incommensurable, sa vie a oscillé, durant toute son existence, entre l’application des préceptes de la Charia et la munificence envers sa communauté.
Serigne Madior Cissé et le dossier d’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba
C’est au quartier Sud, communément appelé Sindoné qu’El hadj Madior Cissé a vu le jour le 21 septembre 1919, à la Pointe Sud de l’île. «De par sa lignée, Il est issu d’une famille d’érudits aussi bien du côté de son père que de sa mère. Son père, Amadou Cissé Madior, est le fils aîné de Madior Cissé qui est un saint homme connu à travers tout Saint-Louis. Sa mère, Astou Gaye, était une femme d’une grande vertu et très pieuse», fait savoir Imam Mouhamed Abdallah Cissé, fils et guide spirituel de la dahira Mouta-habina fi Laahi (la communauté de ceux qui s’aiment en Dieu). Enfant, Serigne El Hadj Madior Cissé a appris le Coran à Saint-Louis au daara de Serigne Ahmadou Sarr Ndiaye Sarr, Cadi et imam de Saint-Louis de l’époque, avant d’intégrer l’école française. Mais, c’est au daara qu’il s’est familiarisé avec l’alphabet français car le marabout faisait venir, chaque mercredi après-midi, un instituteur, qui était chargé d’ap-prendre à lire aux talibés. Dès les premiers jours de la rentrée des classes, son maître d’alors décèle chez le jeune Madior Cissé ses capacités d’apprentissage hors du commun. Il le fait passer le même jour en classe de CP. Le jeune môme a fait ses études primaires à l’école Duval et secondaires au lycée Blanchot (actuel lycée Ameth Fall) où il décroche son Certificat d’Études Primaires et le Brevet d’Études Secondaires. A peine sorti de l’adoles-cence, Seydi El hadj Madior Cissé est animé par la volonté d’assister ses parents. Fils aîné, il renonce, dans un premier temps, à faire de longues études afin de subvenir aux besoins de ses parents. « Étant un soutien de famille, il a arrêté ses études en 1939 pour travailler aux Chemins de fer à Thiès. A cette époque, il épargnait l’essentiel de son salaire afin de reconstruire la vieille maison familiale. Durant son enfance, ses parents dormaient à la belle étoile lorsqu’il pleuvait. Lui, il était caché quelque part par ses parents pour qu’il puisse aller à l’école le lendemain. Cette situation l’a énormément marqué. C’est pourquoi, lorsqu’il a commencé à travailler, il s’est donné comme mission, la reconstruction de la maison familiale. Il disait qu’il ne remettrait les pieds à Saint-Louis qu’après avoir fini les travaux de la maison. Quand il est revenu au quartier Sud, sa mère lui a signifié sa bénédiction et a formulé d’ardentes prières à son endroit», raconte Imam Mouhamed Abdallah Cissé. Après une carrière de cheminot et une belle réussite au concours de secrétaire des greffes, duquel il sort major de sa promotion, Serigne Madior exerce successivement à Diourbel, Podor et Saint-Louis. Doté d’une grande intelligence, Seydi El hadj Madior Cissé a toujours rendu service à l’ad-ministration, d’où la confiance des colons à son égard. Au-delà de son travail de greffier, ses supérieurs dans l’administration lui confiaient d’autres missions.
«C’est à lui que le procureur français d’alors de Diour-bel a confié la recherche du dossier d’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba. Lorsqu’il est entré dans la salle des archives, il y avait une montagne de paperasses à feuilleter. C’est ainsi qu’il a formulé des prières pour demander à son Seigneur de l’assister dans ce travail. Le premier document qu’il a eu à toucher, était le dossier d’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba. Il a été assisté par Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma avec qui il s’est lié d’amitié.
«C’est à lui que le procureur français d’alors de Diour-bel a confié la recherche du dossier d’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba. Lorsqu’il est entré dans la salle des archives, il y avait une montagne de paperasses à feuilleter. C’est ainsi qu’il a formulé des prières pour demander à son Seigneur de l’assister dans ce travail. Le premier document qu’il a eu à toucher, était le dossier d’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba. Il a été assisté par Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma avec qui il s’est lié d’amitié.
Sa maladie et sa rencontre avec Serigne Babacar Sy
En 1947, la vie de Seydi El hadj Ma-dior opère un autre tournant. Malade de 1947 à 1951, il souffre de la maladie de Pott (spondylodiscite tuberculeuse). En 1950, il subit une greffe qui s’est déroulée avec succès. Avant lui, aucune autre personne n’avait survécu à cette intervention chirurgicale. Lors des 16 mois de convalescence qu’il a passés à l’hô-pital de Saint-Louis, Seydi El hadj Madior s’est versé dans la lecture des écrits relatifs au soufisme. C’est à cette occasion qu’il découvre un personnage qui va susciter non seulement son admiration, mais surtout l’intriguer.» C’est durant sa convalescence qu’il a vu en rêve l’Imam Ibrahim Matbouli, un saint homme rappelé à Dieu depuis 5 siè-cles qui lui disait qu’il souhaitait prodiguer des prières pour lui.
À sa sortie d’hôpital, l’image de l’Imam Matbouli lui revenait souvent en tête jusqu’au jour où, s’affairant dans ses bagages, il tomba sur la photo de Serigne Babacar Sy. La photo était identique au portrait de Matbouli, à l’exception de la couleur de peau. L’un est noir, l’autre arabe. A ce moment, il a compris le sens de son rêve et l’invite du vénéré Khalife Serigne Babacar Sy», confie Imam Mouhamed Abdallah Cissé. Sur ce, Seydi El hadj Madior décide de se rendre à Tivaouane à la rencontre de celui qui deviendra son maître spirituel. Une fois à Tivaouane, il s’est présenté à Serigne Babacar Sy. Ce dernier l’a reçu et les deux hommes de Dieu eurent un entretien d’une dimension mystique. C’était le point de départ d’une relation affective et spirituelle qui va durer pour l’éter-nité. Selon l’Imam de la grande mosquée Al Ihsan, Serigne Babacar Sy a fait de Seydi El hadj Madior, son fils spirituel et l’un de ses plus proches confidents. En 1955, Se-rigne Babacar Sy lui confia la destinée de la dahira Moutahabina fi Laahi.
À sa sortie d’hôpital, l’image de l’Imam Matbouli lui revenait souvent en tête jusqu’au jour où, s’affairant dans ses bagages, il tomba sur la photo de Serigne Babacar Sy. La photo était identique au portrait de Matbouli, à l’exception de la couleur de peau. L’un est noir, l’autre arabe. A ce moment, il a compris le sens de son rêve et l’invite du vénéré Khalife Serigne Babacar Sy», confie Imam Mouhamed Abdallah Cissé. Sur ce, Seydi El hadj Madior décide de se rendre à Tivaouane à la rencontre de celui qui deviendra son maître spirituel. Une fois à Tivaouane, il s’est présenté à Serigne Babacar Sy. Ce dernier l’a reçu et les deux hommes de Dieu eurent un entretien d’une dimension mystique. C’était le point de départ d’une relation affective et spirituelle qui va durer pour l’éter-nité. Selon l’Imam de la grande mosquée Al Ihsan, Serigne Babacar Sy a fait de Seydi El hadj Madior, son fils spirituel et l’un de ses plus proches confidents. En 1955, Se-rigne Babacar Sy lui confia la destinée de la dahira Moutahabina fi Laahi.
Chercheur hors-pair
Seydi El hadj Madior était un homme insatiable en matière de connaissance. Imam Mouhamed Abdallah Cissé confie qu’il dépensait énormément d’argent afin d’acqué-rir des ouvrages parfois très rares. «Il avait l’habitude de nous envoyer mon frère et moi chercher certaines œuvres dans le monde arabe. Il était un chercheur hors-pair. Avant de ranger les ouvrages dans la bibliothèque, il les lisait tous et faisait des annotations. Il les avait tous annotés. Sur recommandation de son maître et père spirituel, il animait, chaque année, une conférence dédiée à la Charia. Il n’aimait pas les mondanités. Toute son énergie, il la consacrait à l’adoration de son créateur. Et c’est cela qu’il a inculqué à ses enfants. Notre père était très vigilant en matière d’études. Il a fait venir des exégètes et grands maîtres qui nous enseignaient le rite malikite. Parmi ceux-ci, on peut citer Se-rigne Ahmadou Fall qui a mémorisé à la lettre l’encyclopédie de l’Imam Malick. Il y avait aussi Serigne Alioune Gaye de Mpal qui mémorisait lui aussi à la perfection les écrits de Seydi El hadj Malick Sy et le soufisme», informe-t-il.
Il a toujours mené avec beaucoup d’élégance les actions de bienfaisance à l’endroit des musulmans et observait chaque année deux retraites spirituelles : une de 40 jours (entamée 10 jours avant le ramadan jusqu’à la veille de l’aïd al Fitr) et une autre de 10 jours juste avant la Tabaski, et cela pendant 45 ans. Soucieux de participer au rayonnement de l’Is-lam et de la Tarikha Tidjane, Serigne El Hadj Madior Cissé a aménagé le rez-de-chaussée de sa maison, acquise en juin 1964, en mosquée, la première dans le quartier chrétien ou Keur Tiané inaugurée le 9 juin 1967. Ses disciples provenaient d’horizons divers. «Il récupérait des personnes en rupture de ban et en faisait des personnes respectables, des muqqadams et des Imams», fait savoir Imam Mouhamed Abdallah Cissé.
Parmi ses disciples se comptaient aussi des Maures. Un exploit à son époque. Mohamed Abdou Rahmane, un disciple témoigne : «Beaucoup de Marocains fréquentaient la maison familiale. Seydi El hadj Madior était un homme de Dieu accompli, car il était très difficile d’avoir des disciples maures à son époque. J’ai vu des descendants du prophète (Psl) travailler pour lui. Cela traduit la place privilégiée qu’il occupait auprès du Seigneur. Pour preuve, trois jours avant son rappel à Dieu en 2007, il nous a appelés, mes frères et moi, pour nous signifier qu’il aurait des invités, en l‘occurrence Serigne Babacar Sy, Mame El hadj Rawane Ngom et Mame El Hadj Salif Mbengue.
Selon lui, ces derniers étaient venus l’informer qu’ils ont été envoyés par Seydi El hadj Ma-lick Sy pour venir le chercher afin de les rejoindre auprès du Créateur», termine Imam Mouhamed Abdallah Cissé. Serigne El Hadj Madior Cissé a achevé sa mission terrestre le 31 mars 2007. Il repose désormais à l’ouest de la mosquée Al Ihsan qu’il a fini de construire en juin 2000. Depuis lors, c’est son fils, Imam Mouhamed Abdallah Cissé qui dirige la dahira Moutahabina fi Laahi avec la bénédiction de son père.
Il a toujours mené avec beaucoup d’élégance les actions de bienfaisance à l’endroit des musulmans et observait chaque année deux retraites spirituelles : une de 40 jours (entamée 10 jours avant le ramadan jusqu’à la veille de l’aïd al Fitr) et une autre de 10 jours juste avant la Tabaski, et cela pendant 45 ans. Soucieux de participer au rayonnement de l’Is-lam et de la Tarikha Tidjane, Serigne El Hadj Madior Cissé a aménagé le rez-de-chaussée de sa maison, acquise en juin 1964, en mosquée, la première dans le quartier chrétien ou Keur Tiané inaugurée le 9 juin 1967. Ses disciples provenaient d’horizons divers. «Il récupérait des personnes en rupture de ban et en faisait des personnes respectables, des muqqadams et des Imams», fait savoir Imam Mouhamed Abdallah Cissé.
Parmi ses disciples se comptaient aussi des Maures. Un exploit à son époque. Mohamed Abdou Rahmane, un disciple témoigne : «Beaucoup de Marocains fréquentaient la maison familiale. Seydi El hadj Madior était un homme de Dieu accompli, car il était très difficile d’avoir des disciples maures à son époque. J’ai vu des descendants du prophète (Psl) travailler pour lui. Cela traduit la place privilégiée qu’il occupait auprès du Seigneur. Pour preuve, trois jours avant son rappel à Dieu en 2007, il nous a appelés, mes frères et moi, pour nous signifier qu’il aurait des invités, en l‘occurrence Serigne Babacar Sy, Mame El hadj Rawane Ngom et Mame El Hadj Salif Mbengue.
Selon lui, ces derniers étaient venus l’informer qu’ils ont été envoyés par Seydi El hadj Ma-lick Sy pour venir le chercher afin de les rejoindre auprès du Créateur», termine Imam Mouhamed Abdallah Cissé. Serigne El Hadj Madior Cissé a achevé sa mission terrestre le 31 mars 2007. Il repose désormais à l’ouest de la mosquée Al Ihsan qu’il a fini de construire en juin 2000. Depuis lors, c’est son fils, Imam Mouhamed Abdallah Cissé qui dirige la dahira Moutahabina fi Laahi avec la bénédiction de son père.
AMADOU SAMOURA
L’Observateur