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Guent Ndellé: La grande corvée d'eau pour survivre

Vendredi 10 Juin 2011

Situé dans la communauté rurale de Diama, à cinq kilomètres de Ndiayes Mbéress, le village de Guent Ndellé est une localité oubliée. Elle est dans un dénuement total. Les doléances formulées régulièrement par ses 600 habitants, tournent essentiellement autour de la nécessité de connecter ce village au réseau électrique, d'aider ses populations à bénéficier d'un projet d'adduction d'eau potable et à disposer dans les plus brefs délais d'un poste de santé et d'une maternité.


Guent Ndellé: La grande corvée d'eau pour survivre
Ces braves paysans qui sont essentiellement des éleveurs peulhs ont pu néanmoins développer, grâce au projet Compact/FEM, des réflexes de conservation de la biodiversité dans la forêt classée de Ndiaye située à quelques encablures de leur terroir.

Pour aller au village de Guent Ndellé, il faut nécessairement supporter la fatigue à bord de ces charrettes grinçantes et chaudes que nous affrétons depuis Ndiayes Mbéress, localité de la nouvelle communauté rurale de Diama située à 37 kilomètres de la capitale du Nord.
Comme des tableaux d'art plastique et autres pendentifs accrochés aux cimaises d'une galerie, nous nous agrippons aux extrémités de cette charrette poussive et brinqueballante tractée difficilement par un cheval qui ne donne pas l'impression d'être bien entretenu.

Ce matin, nous devons rallier le village de Guent Ndellé avec les membres du groupement de promotion féminine de Ndiaye qui doivent y organiser un grand forum de sensibilisation sur la nécessité de mobiliser toutes les énergies en vue de réhabiliter et de gérer la forêt classée de Ndiaye. Ces femmes bénéficiaires d'un projet de Compact/FEM qui leur permet de contribuer depuis deux ans à la réhabilitation de cette forêt classée et de mener concomitamment des activités génératrices de revenus, mènent régulièrement des campagnes de sensibilisation dans les villages situés autour de cette forêt classée.
Il fait déjà 11 heures 30. La chaleur est torride, suffocante, accablante. Un vent chaud et sec qui imite la houle, nous obstrue les narines.

Flasque, flemmard et flageolant, les yeux hagards, notre jeune cocher exhibe un visage renfrogné et apoplectique. Jetant dans tous les sens un regard à la dérobée, il suit scrupuleusement le chemin emprunté par son vieux collègue qui nous présente une mine ascétique, ravinée par la fatigue, burinée par les intempéries, en nous toisant d'un air narquois et dubitatif. Ce vieux routier n'hésite pas à nous dévisager, les sourcils froncés. Très expérimenté, il arpente des pistes ellipsoïdales, réprimandant, de temps à autre, une ribambelle d'enfants hilares et dépenaillés qui s'amusent à nous mettre les bâtons dans les roues.
Ces deux charrettes bondées de monde, traversent des chênes et des genêts, évitent des touffes de cactus, des épines charnues et rabougries, en nous secouant les entrailles. Du fait d'une fausse manoeuvre d'un des cochers qui saisit difficilement les rênes dans ses mains moites, une femme mal assise se retrouve par terre. Plus de peur que de mal. Mine de rien, ça donne un peu de piquant à ce voyage agrémenté déjà par ces causeries, ces railleries entre femme d'un même groupement, qui s'esclaffent, se tiraillent, se contorsionnent pour ne pas tomber. Ces femmes braves, stoïques et très dégourdies, se mettent à rire à dents déployées, s'adonnant ainsi à toutes sortes de plaisanteries. Un bavardage amical qui nous permet d'oublier momentanément le stress des grandes villes. Ces salves d'applaudissements et autres cris de joie nous égaient à bord de ces charrettes qui nous permettent de nous évader de la vie monotone des centres urbains. Ce voyage est éprouvant. Nos vêtements sont maculés de poussière et froissés. La sueur nous colle les cheveux aux tempes. En cette période de saison sèche, la végétation n'est pas luxuriante et il est quasi impossible d'apercevoir une vache brouter la pelouse. Nous ressentons quand bien même une bizarre excitation qui s'empare de nous, lorsque nous amorçons de manière pénible et désagréable ces petites collines agaçantes qui s'élèvent à tout bout de champ, lorsque nous traversons ces bois qui constituent, selon nos guides, des refuges pour les reptiles. Dans cette zone où on mène une vie cloîtrée, le visiteur romantique fait corps avec cette nature envoûtante, qui met en exergue l'effilé, l'énormité, la platitude, l'odeur, la forme, la miniature, la pointe , la masse, le volume, la matière. Et face à cette beauté naturelle, nous demeurons immobiles, en extase.A 13 heures, nous débarquons enfin à Guent Ndellé. Avant le forum, le chef du village, Ablaye Sow, entouré de son frère Demba Oumar Sow, Saidou Diallo, Abdoul Kâ, Abdourahmane Sow, Abdoul Diallo et autres notables,nous expose les principales doléances de cette localité du Oualo des profondeurs perdue dans l'anonymat.
Ce que nous demandons en priorité au gouvernement, a-t-il précisé, c'est de nous aider à avoir constamment de l'eau potable, à connecter notre village au réseau électrique.
Les autres notables renchérissent en soulignant que leur habitat est sommaire, qu'ils vivent toujours dans des hameaux enclavés, qu'ils sont à la quête permanente de la quiétude, qu'ils continuent de croupir dans la misère.
Pour éviter les conflits entre cultivateurs et éleveurs, ils ont préféré se recroqueviller dans ce village en vue d'y mener tranquillement leur vie. Cette communauté peulhe préfère mourir dans la pauvreté et la dignité.

Dans ce village mythique et atypique, une femme n'a pas hésité à nous apostropher pour nous faire comprendre que les populations sont obligées de parcourir très souvent un trajet de 13 kilomètres pour aller se soigner à Savoigne.
Elle a juré, la main sur le coeur, que les évacuations sanitaires engendrent des conséquences désastreuses dans cette localité. Car, il arrive souvent qu'une femme enceinte et à terme, rende l'âme au moment de son évacuation vers les structures sanitaires de Savoigne.
Notre interlocutrice nous rappelle que les femmes de ce terroir se lèvent tous les jours à cinq heures du matin pour aller chercher de l'eau potable à Ndiayes ou à Bari Jaam, villages situés à 5 kilomètres de Guent Ndellé.
La nécessité de résoudre les problèmes d'approvisionnement des populations en aliment de bétail, de santé animale, de construire au moins une école primaire de six classes dans le village et de supprimer ces abris provisoires, figure en bonne place dans leurs doléances.
Ces braves paysans qui dépendent toujours de l'agriculture sous pluie pour avoir un peu de niébé, d'arachide et de mil, sont torturés par la présence de ces nombreux serpents qui cohabitent avec eux.
Si quelqu'un est mordu par un serpent, les populations doivent s'organiser pour l'évacuer rapidement vers Bari Jaam en vue de le soigner. Si le cheval qui conduit la charette est lent, le malade risque de mourir en cours de route.

Le défi de la réhabilitation d'une forêt classée

Mobilisées derrière Awa Gaye, présidente du GIE des femmes de Ndiayes qui collabore étroitement avec le projet Compact/FEM, les membres de ce groupement féminin ont tenu un grand forum à Guent Ndellé pour sensibiliser les populations sur l'urgence et la nécessité de surveiller cette forêt classée de Ndiayes, de lutter efficacement contre la coupe abusive des arbres, l'exploitation anarchique du bois de chauffe.
Située à 45 km de la ville de Saint Louis, dans la communauté rurale de Diama, cette forêt classée s'étend sur une superficie de 1665 ha. Elle est essentiellement
constituée par une steppe arbustive et arborée qui, de nos jours est menacée par la pression sur les ressources (coupes illicites, incursions du bétail). A cela s'ajoute le bilan
hydrique déficitaire dû aux cycles de sécheresses. Pour ce qui concerne la végétation, les espèces dominantes sont Acacia raddiana, Balanites aegyptiaca, Acacia nilotica et
Acacia sénégal.
Les aménagements agricoles ont entrainé la raréfaction du bois, source d'énergie essentielle pour les ménages des villages périphériques.
C'est ce qui explique, selon Mme Awa Gaye, la surexploitation du bois dont les conséquences néfastes sur la forêt ne sont plus à démontrer. En effet, cette situation a provoqué une réduction importante du couvert végétal
et la dégradation des sols.
C'est pour lutter contre cette menace sur la biodiversité de la forêt classée que le GROUPEMENT BOROM DARADJ, des femmes de Ndiaye a entrepris, avec le soutien de
COMPACT, les actions comme la restauration des zones dégradées par le renforcement du couvert végétal, la matérialisation des limites de la forêt, la promotion de sources d'énergie alternatives, la promotion de moyens d'existence durables au profit des bénéficiaires et le renforcement des capacités des population, visant à réhabiliter cette forêt.
Avec l'appui du coordonnateur régional du Compact/FEM, a rappelé Awa Gaye, "nous avons pu procéder à la matérialisation des limites de la forêt
classée, par 40 bornes, 20 pancartes et un pare feu de 27 km. Ce qui a permis, a-t-elle poursuivi, de localiser le site d'une part et d'autre part de le préserver des feux de brousse.
Elle a cité aussi les mis en défens et le renforcement de 100 ha par semis direct résultant de la restauration des zones dégradées par le renforcement du couvert végétal.
En présence des notables de Guent Ndellé, la présidente Awa Gaye a mis en exergue la restauration de zones dégradées par le renforcement du couvert végétal, la
formation de 30 personnes sur les techniques de pépinière, la diminution considérable du braconnage, des coupes illicites et de la carbonisation par la mise à la disposition des
populations de 30 fourneaux économiques et de 19 cuisinières solaires.
Les activités du projet, selon Arame Gueye, proche collaboratrice de la présidente, sont pérennisées et l'aviculture promue par la mise en place d'un Fonds d'Appui à l'Environnement et au Développement (FAED) d'une valeur de 2.000.000FCFA.
En effet, les capacités financières des populations sont
renforcées.

Awa Gaye et Arame Gueye ont particulièrement insisté sur la nécessité de tenir compte des problèmes de manque d'eau et d'électricité à Guent Ndellé au moment d'élaborer et de mettre en oeuvre une deuxième phase du projet Compact dans cette partie de la communauté rurale de Diama.
Une vingtaine d'intervenants ont réitéré l'engagement indéfectible des populations de ce village à entretenir cette forêt classée de Ndiayes réhabilitée par Compact/FEM.
Le sergent Mbaye Diouf des Eaux et Forêts s'est réjoui de cet engagement renouvelé des populations, réaffirmant la farouche volonté du gouvernement de responsabiliser davantage nos concitoyens du monde rural dans la gestion concertée et intégrée des forêts classées et dans la conservation de la biodiversité
Un peu d'histoire

Le village de Guent Ndellé existe depuis des siècles. Il a été fondé par Youga Koyli Sogui Sow, originaire de Ourossogui, une commune située à quelques encablures de la capitale régionale de Matam.

Selon l'actuel chef du village de Guent Ndellé, Youga Koyli était un grand transhumant. Grâce au nomadisme pastoral, il a fini par s'installer dans cette partie du Oualo des profondeurs pour y construire le premier village de Ndellé.
A en croire Ablaye Sow et les autres notables de ce terroir, Ndellé vient du mot peulh "Ndelléré" qui signifie "Une pastèque mûre, volumineuse et succulente".
Dans ce coin perdu du Oualo, ont-ils rappelé, les populations avaient l'habitude de cultiver ce genre de pastèque que les ouolofs désignaient par ces termes :"Ki-déy-Ndellé-La" (C'est une pastèque très sucrée qu'on peut consommer tout de suite).

Les populations de ce village authentique de Ndellé finirent par déserter les lieux pour aller construire un autre Ndellé situé à quelques encablures de Guent Ndellé.
Guent, qui explique, selon nos interlocuteurs, le fait d'abandonner un lieu qu'on a déjà occupé, est venu se rattacher à Ndellé pour permettre aux populations de distinguer ce premier village de Ndellé ,du deuxième village qui s'appelle tout simplement "Ndellé".
Autour de uent Ndellé, on retrouve aujourd'hui les villages de Awal, Djabaye, Bégaye, Ndellé, Guent Ndiaye, Asi.
Les populations de ces villages cohabitent dans la paix et mettent à profit les cérémonies familiales (mariages et baptêmes), les fêtes religieuses (Tabaski et Korité) pour s'épanouir.
Il est très difficile de survivre dans ce patelin où on ne consomme que du lathyri (cous-cous à base de mil) accompagné de kosam (lait caillé), du pain, du thé, de l'arachide etc. Un simple plat de riz au poisson y coûte cher dans la mesure où la sardinelle (ya-booye) leur revient souvent à plus de 200F l'unité.

Mbagnick DIAGNE


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