Pas loin d’un capharnaüm, la centaine de m2 de la grande salle d’accueil du Consulat du Sénégal, rue Hamelin, dans le chic 16ème arrondissement de Paris, n’était pas encore totalement prête, vendredi dernier dans l’après-midi. Au niveau de la logistique et de la propriété, des mesures étaient envisagées par les autorités consulaires pour un meilleur accueil des nombreux visiteurs souhaitant disposer d’un visa biométrique pour se rendre au Sénégal. Ils étaient partagés entre courroux, impatience, compréhension et reconnaissance de la souveraineté sénégalaise.
« Je suis venue pour une demande de visa. J’ai essayé d’appeler plusieurs fois mais je n’ai jamais réussi à avoir quelqu’un au bout du fil. Je me suis résolu à me déplacer. Je pars au Sénégal dans 2 semaines », soupire Ramalatou Bertrand, une jeune trentenaire accompagnée de son époux, Jean-Philippe. Les propos de ce couple mixte, dont la jeune femme a tenu à préciser qu’elle est Française, est une constance dans la file d’attente devant les quatre guichets que le Consulat a mis en place pour traiter les demandes de visas biométriques devenus obligatoire à partir de ce 1er juillet. « Je pars au Sénégal dans le cadre de mes études pour un échange interculturel avec un hôpital pédopsychiatrique dans la banlieue de Dakar (Thiaroye) », se présente Eléonore étudiante en Psychomotricité.
Dans la mise en vigueur de l’obligation du visa biométrique pour partir au Sénégal, les demandeurs du précieux sésame regrettent les ratés de la communication. « Nous sommes au courant de l’entrée en vigueur de la loi que vers le 15 juin. Nous étions restés sur le schéma de départ qui faisait qu’on avait pas besoin de visas pour partir au Sénégal. Ce que fait que nous avions réservés comme les autres fois », reprend Ramalatou Bertrand. Comme dans un couple il y a souvent le partage des tâches, après avoir campé le décor, le mari Jean-Philippe précise : « Quand on a réservés en avril, il fallait juste un passeport et une carte d’identité. Rien de plus. Nous n’avions appris qu’au mois de mai que la nouvelle législation allait entrer en vigueur ce 1er juillet. Et on nous a dit que nous n’aurions les informations qu’à partir du 15 juin et les premières infos sont tombées le 26 juin. Et nous découvrons qu’il faut s’enregistrer en ligne, payer en ligne, avoir un visa d’une validité dépassant les 6 mois. On ne peut pas payer si on a un passeport avec une validité dépassant 6 mois à la date du retour. Ce qui n’est pas mon cas, mon passeport expire dans 3 mois. Nous sommes bloqués. Si j’avais l’information au mois de mai, j’aurais pu refaire tranquillement mon passeport. Nous devons partir le 13 juillet, pour 10 jours, avec des délais aussi courts, il nous est impossible de refaire un passeport ». Eléonore, la jeune étudiante devant se rendre à l’hôpital de Thiaroye déplore également le manque de clarté au niveau de la communication. « Nous étions partis sur une base de passeport tout simplement et on a eu les informations très tardivement. Entre les informations sur internet et ce qui est annoncé sur place, il y a une différence. Je ne suis pas de Paris, je viens du Mans et si je comprends bien il me faudra revenir car je n’ai pas l’attestation d’hébergement demandé. Le site n’est pas toujours très accessible. Il y a quelques soucis ».
D’après plusieurs témoignages, le site de Snedai, l’entreprise associée à l’Etat dans la mise en place du visa biométrique, ne présente pas certaines garanties. « Pour les frais du visas, la partie paiement du site n’est pas sécurisée, clame une jeune femme préférant garder l’anonymat pour juste informer qu’elle est déjà partie trois fois au Sénégal. Et on ne peut pas partir si on ne paie pas. Regardez (elle montre des photocopies de capture d’écran de la page web du site), sur l’adresse de la page de paiement de Snedai, avant le 3w il n’y a pas le https qui garantit que la page est sécurisée et que notre carte bancaire ne pourra pas être piratée. Il y a un minimum à faire quand on veut mettre sur pied un paiement en ligne. Mais là, on n’est obligé de payer en ligne, c’est cela le pire ».
Il y a eu profusion de critiques, mais d’autres sons de cloches ont été également entendus. « La mise en place du visa (biométrique) est une bonne idée et c’est normal, juge Mélanie une pharmacienne venue d’Yvetot en Normandie, qui a programmé un séjour au Sénégal à partir du 10 août. Mon petit ami est Sénégalais et j’y vais pour visiter toute sa famille. Nous avons appris que le visa devenait obligatoire et nous faisons le nécessaire. Nous avons déjà tout fait sur internet, il nous manque plus que la prise des empreintes ici au consulat ».
« La mise en place du visa biométrique n’est pas un facteur qui nous empêche de partir au Sénégal, dans bon nombre de lieux de vacances, on nous demande des visas, il faut simplement que l’information et la communication sur le sujet fonctionnent mieux », conseille Jean-Philippe Bertrand.
La mise en place du visa ouvre une nouvelle ère de naturalisation sénégalaise. « C’est vrai que cela motive toutes les personnes d’origine sénégalaise à acquérir la nationalité sénégalaise », avoue la jeune anonyme qui a déjà voyagé trois fois au Sénégal. « Je suis née au Sénégal de parents français. Je suis revenu m’installer en France depuis quelques années ou mes enfants sont nés. Je crois que je vais demander la naturalisation sénégalaise », explique Mme Stephan.. Il y a eu beaucoup des personnes de couleur blanche dans ce cas qui, avec la nouvelle loi, en tirent la même conclusion. Et dans ce cas de figure de l’appel au lieu de naissance ou des origines, il n y a pas de monopole de couleur de peau. « J’étais surprise en l’apprenant, je croyais à une blague. Avant je voyageais avec ma mère, elle allait sur le file des Sénégalais et moi sur celle des Français, j’arrivais avant elle…(rires). Et maintenant je ne suis même pas sûr d’y aller. Cette mesure peut m’inciter à être naturalisée sénégalaise. Cela rend les choses plus simples », avoue Awa, étudiante en histoire née en France de parents Sénégalais mais qui n’a jamais demandé la nationalité sénégalaise. Chez les Sénégalais de passage ou accompagnant de Français dans la désormais Salle du visa biométrique du Consulat, il y avait un curieux sentiment que Awa résume bien. « Le fait de faire la queue, de galérer avec la paperasse est une manière de rendre la pièce de la monnaie quand même. Toutes les personnes qui ont déjà eu à demander un titre de séjour ou bien à faire un dossier de naturalisation française connaissent ce sentiment. Et je suis bien placée, car ce fut le cas de mes parents, je comprends maintenant doublement cet agacement ».
Après la photo et les prises d’empreinte et parfois un passage dans les étages du consulat pour complément, les fortunes des demandeurs de visas sont diverses. L’étudiante Eléonore en partance à l’hôpital de Thiaroye « stresse » car n’ayant pas encore un hébergeur pouvant lui fournir l’attestation d’accueil légalisée dans les plus brefs délais. Une recherche de sésame qu’elle partage avec Awa mais si cette dernière peut l’obtenir facilement grâce à ses parents retournées définitivement vivre à Fass, elle déclare ne pas disposer de temps, du fait de son job d’étudiant, nécessaire pour revenir au Consulat d’ici son départ prévu le 16 juillet. Le couple Bertrand est devenu plus discret sur son sort.
Des états d’âme que le témoignage des membres de la famille Stéphan (la mère de famille, sa fille, son fils et sa nièce) rassemblent : « C’était un peu long mais ça s’est bien passé finalement. Je pense que le système va se mettre au point avec le temps. La mise en place de la machine qui prend la photo et les empreintes n’est pas encore totalement au point. Nous devons partir le 5 juillet au Sénégal, on vient de nous rassurer que allons avoir les visas le mardi 2 juillet ».
Le coût de 50 euros du visa auquel s’ajoutent 2,5 euros de frais bancaire ou postaux a été diversement apprécié selon le statut social des demandeurs. « Nous sommes six personnes d’une association étudiante donc pas beaucoup de moyens. Il faut dire que nos maigres ressources supportent juste les frais. Cela fait un petit budget en plus », informe Eléonore, l’étudiante en partance à l’hôpital de Thiaroye. Des frais qui ne dérangent pas le couple Bertrand. « Ce n’est pas un facteur décourageant pour le choix des vacances au Sénégal. Dans beaucoup de lieux de vacances, on nous demande des visas, il faut simplement que l’information et la communication sur le sujet fonctionnent mieux », confie Jean-Philippe.
La réciprocité, une mesure de souveraineté nationale
Toute personne titulaire d’un passeport de pays demandant aux Sénégalais un visa pour entrer sur son territoire a l’obligation désormais de demander un visa pour aller au Sénégal. C’est le résumé de la loi appelé « réciprocité des visas » ou bien « visa biométrique ». La mesure est entrée en vigueur depuis hier, 1er juillet. Sa mise en place n’a pas été toujours facile avec tout d’abord les hésitations sur le fait ou non d’y inclure les bi nationaux, le fait ou non d’exonérer les touristes se déplaçant avec des Tours operators.
Finalement ni les bi nationaux, ni les tours operators – pour cette année en tout cas – ne seront obligés faire les files d’attente des 13 centres tests de la mesure (4 en France : Paris – Bordeaux – Lyon et Marseille, un en Belgique, un aux Etats-Unis, deux au niveau des frontières terrestres nationales, un à l’aéroport Leopold Sedar Senghor de Dakar et les autres en Afrique). Tout demandeur de visa biométrique, pour entrer sur le territoire sénégalais, devra constituer le dossier suivant : l'original du reçu de paiement des frais du visas (50 euros soit près de 32 000 F Cfa) à acquitter sur le site de Snedai, l’entreprise partenaire de l’Etat sénégalais dans ce PPP, un formulaire de demande de visa dûment rempli et signé par l'intéressé, une photo d'identité, un passeport en cours de validité pour six mois minimum + la photocopie des cinq premières pages, le titre de voyage aller/retour ou une attention détaillée de réservation de billet d'avion, la réservation d'hôtel ou le certificat d'hébergement et une autorisation parentale signée et légalisée u parent s'il s'agit d'un enfant mineur.
Il faudra aussi se présenter dans l’un des centres tests pour la prise des empreintes biométriques. Avec ce démarrage, les autorités nationales et consulaires assurent faire preuve de « souplesse » dans les délais d’obtention du visa, pour tout le mois de juillet, pour compenser une communication en plus du portage technique et administratif du projet qui n’ont pas toujours été sous le sceaux de la sérénité et de la clarté.
Amadou Diallo, Consul général du Sénégal à Paris : « Au-delà de l’argent généré par les visas d’entrée, il s’agit d’une question de sécurité nationale »
Le Consul général du Sénégal à Paris, Amadou Diallo, est arrivé en poste en janvier 2013, soit un mois après l’annonce de la loi sur la réciprocité des visas d’entrée au Sénégal. Il sait que la mise en place du visa biométrique est une étape fondamentale pour son exercice.
Monsieur le Consul général, ce 1er juillet est entré en vigueur le visa dit de réciprocité pour les étrangers désirant se rendre au Sénégal. Ou en êtes vous sur les éléments de sa mise en place ?
«En effet ce 1er juillet est entré en vigueur la loi sur le visa biométrique. Ce n’est pas un visa réciproque ou de réciprocité. Nous sommes prêts pour le démarrage même s’il reste des choses à finaliser nous respectons le rendez-vous pris avec le monde et les Sénégalais».
Est-ce qu’au niveau de la logistique, de la formation des agents, tout est fin prêt ?
«Non tout n’est pas en place mais ce sera le cas dans les premiers jours car c’est une volonté réelle des autorités. Le matériel est sur place. Nous sommes en train de faire la formation du personnel. Avec ce démarrage, nous allons certainement avoir des difficultés, il ne faut pas les nier mais nous allons les parfaire car nous n’avons pas le droit de rater ce rendez-vous qui est une première pour notre pays».
Quel est le nombre d’agents réquisitionnés et celui de guichets ouverts pour ce démarrage ?
«Il y a 4 guichets ouverts. Nous allons démarrer avec un léger déficit de personnel requis pour faire le travail mais j’engage les forces humaines sous notre responsabilité pour que tous les guichets soient fonctionnels de 9h à 17h30 (sans interruption). Selon l’affluence, nous allons faire en sorte qu’un service minimum soit effectué entre 12h et 14h pour que les agents puissent prendre leur pause à tour de rôle. Nous nous attendons à avoir beaucoup de monde car les usagers ne sont pas préparés à cela. Je dois reconnaître qu’il n y a pas eu la rigueur qui sied à l’information quand on aborde un projet majeur pour notre pays de cette nature. Cependant, pour l’heure, il y a quand même satisfaction. Elle est au niveau du nombre de réservation sur le site de paiement du visa biométrique. Il s’élève à plus de 1500 pour ce début juillet».
Ce chiffre est juste pour Paris ou pour l’ensemble de la diaspora
«Cette information n’a pas été précisée à mon niveau. L’essentiel est ailleurs car on voit que la mise en place du visa biométrique n’est pas un facteur bloquant. A nous d’être réactif, souple et d’attribuer les visas le plus rapidement possible et informer, de la manière la plus rassurante possible, le public».
Pourquoi n’avez-vous pas mis au point des journées tests à la veille de l’entrée en vigueur de la mesure ?
«La conduite du projet n’a pas été facile. C’est un partenariat privé public. Il y a eu des complexités dans le portage du projet. Je rappelle que ce que nous sommes en train de faire (la mise en place du visa biométrique, ndlr) constitue une phase test donc il y a des centres tests. Il y a 13 centres test de visa biométrique à travers le monde. Quatre en France, un en Belgique, en Afrique, un aux Etats, un à l’aéroport du Sénégal, deux au niveau des frontières terrestres du Sénégal. C’est vrai qu’on pouvait finaliser le projet à temps et passer à une période test de pré enrôlement et de formation. Je me répète peut être mais c’est quelque chose qui n’a pas été facile à gérer».
Ce manque de facilités, à quoi l’imputez-vous ?
«Aux difficultés inhérentes à ce tout nouveau projet. Le discours politique a été très clair, les instructions politiques ont été très claires depuis 6 mois, elles étaient connues. Dans le processus du portage, je constate qu’il y a eu une lenteur de la mise en œuvre du projet».
Quels sont les critères d’obtention du visa ?
«Toute personne titulaire d’un passeport de pays demandant aux Sénégalais un visa pour entrer sur son territoire a l’obligation désormais de demander un visa pour aller au Sénégal. Pour ce qui est spécifique à la France, il y a les ressortissants français, ceux qui sont en transit et les réfugiés politiques. La mesure ne concerne pas les bi nationaux. Je parle de ceux qui peuvent justifier leur nationalité sénégalaise par carte d’identité nationale ou par passeport. Ils sont dispensés de demande de visas pour aller au Sénégal. Dans le cadre d’accords internationaux avec d’autres pays, le Sénégal avait règlementé depuis longtemps l’obligation de visa avant l’entrée sur notre territoire. En Afrique, je peux citer le Cameroun, il y a beaucoup de pays sud américains comme le Brésil ou l’Uruguay. Pour tous ces cas, la durée de la demande du visa va aller plus vite comparée à ce qui se faisait avant. Pour l’instant nous partons sur des bases d’une semaine alors qu’avant cela pouvait prendre des mois».
Pour revenir à ma question sur les critères…
«Il faut avoir un passeport en cours de validité, payer en ligne ou par virement postale 50 euros plus les frais bancaires ou postaux (2,5 euros) et avoir les billets d’avion aller et retour, avoir une attestation d’hébergement ou une réservation d’hôtel. C’est à peu près les mêmes documents qu’on demande aux Sénégalais qui veulent venir en France sauf que pour le moment nous ne demandons pas une justification financière. Vous voyez que c’est vraiment souple c’est pour cela que je l’appelle visa payant. Car dès que vous avez payé en ligne sur le site (de Snedai, la société gestionnaire du service, NDLR), le reçu équivaut à un laisser débarquer. Vous pouvez embarquer dans l’avion et faire votre visa à Dakar au niveau du centre des visas de l’aéroport Léopold Sédar Senghor). Mais cela n’est pas conseillé pour éviter un engorgement ou le risque de rester des heures à l’aéroport avant de recevoir son visa. Les guichets à l’aéroport sont faits pour les ressortissants qui viennent de pays ne disposant pas de centre de test».
C’est une mesure qui a quand même été vidée de sa substance première. On peut en avoir un aperçu avec l’exemple des Tours Operators. Dites-nous exactement s’ils sont concernés par la mesure ?
«Je n’ai pas de documents officiels me permettant de dire que les Tours opérators ne font pas partie de la mesure. Il semble qu’une notification allant dans ce sens a été envoyée à des représentations nationales. Personnellement, je ne l’ai pas reçu. Je ne peux pas commenter autrement la déclaration du ministre Youssou Ndour qu’en disant qu’il faut prendre sa parole comme telle (à propos d’une déclaration visant à exonérer les voyagistes de l’obligation de visa pour entrer au Sénégal pour 2013, ndlr). C’est une voix autorisée qui en parle, mais étant donné que je n’ai pas de documents officiels, je ne pourrai pas m’avancer sur le dossier».
C’est quand même de la cacophonie…
«Non pas du tout, n’oubliez pas que c’est un projet du président de la République. C’est une volonté politique et de souveraineté nationale. Nous sommes un pays qui soumet des exigences avant d’entrée dans son territoire. Cela me semble important eu égard aux questions de sécurité nationale. Pour avoir un visa biométrique, il faut se soumettre à quelques obligations : les empreintes, la photo biométriques seront enregistrées. L’opinion nationale et même internationale est favorable à la mesure. Au delà de l’argent qui entre dans le pays c’est une question de sécurité nationale. Toute personne qui entre sur le territoire nationale est identifiée».
Est-ce qu’on peut avoir une estimation de l’argent que va rapporter la mesure aux caisses de l’Etat ?
«C’est difficilement faisable à l’heure actuelle de l’avancement du projet. Le Sénégal est la première destination africaine, nous avons beaucoup de touristes, de missions officielles. Le Sénégal reçoit de grandes personnalités, la dernière en date fut le président américain Barack Obama qui est venu avec une forte délégation. Si toutes les visites ne sont pas de la même teneur que celle du président Obama, le Sénégal est très prisé à ce niveau. L’axe Dakar Paris est majoritaire en terme de trafic aérien. Paris est un centre important et fait 50% de ce trafic aérien. Le cout des 50 euros est moins cher à ce qui se fait dans beaucoup de pays comme la Côte d’Ivoire par exemple. L’exigence nationale et internationale est pour une bonne gestion pas d’ordre financière».
Etes-vous au courant du mécontentement populaire ?
«C’est quelque chose que j’ai constaté moi même et j’en suis désolé. Un projet de cette nature mérite d’être connu des citoyens deux mois avant son entrée en vigueur. Quand il y a un partenariat public privé c’est un peu compliqué. Nous allons répondre à ces mécontentements en mettant en place des « souplesses » lors des deux premières semaines. Ce n’est pas pour nous excuser mais c’est pour accompagner les départs d’été. Dès ce 1er juillet, si nous avons la possibilité de délivrer les visas le jour même alors que le délai est de minimum 48 heures, nous le ferons. Et cela pendant deux semaines voire tout le mois de juillet pour dissiper ainsi le degré de mécontentement. Nous allons rendre l’accueil au Sénégal plus supportable».
Est-il prévu des travaux au niveau de la salle d’attente ?
«Pour ce qui est de l’aménagement de la salle d’attente, nous sommes en pourparlers avec une société qui nous a présenté une maquette pour la gestion de la file d’attente, pour l’aménagement d’un comptoir d’accueil et de filtrage. Il y aura un espace d’accueil avec des écrans, avec des options pour le visa mais aussi les autres services du Consulat comme par exemple le service des passeports. Ce sera une grande salle d’accueil et d’orientation. Toute personne n’ayant rien à faire sur l’espace visa sera orienté sur les autres espaces consulaires. L’espace visa sera certainement le plus consulté après celui des passeports. Les coûts seront partagés entre l’Etat et la société privé qui exploite le service. A partir de cette semaine, les travaux vont démarrer. La qualité d’accueil dans ce genre de service est très importante pour ne pas dire primordiale. Pour moi le premier aéroport du Sénégal c’est le consulat dans le cadre du visa biométrique. C’est ici que nous allons commencer à vendre l’image du Sénégal aux touristes mais aussi aux hommes d’affaires désireux de conclure des marchés».
Comment jugez-vous la collaboration avec Snedai, la société associée au projet ?
«Snedai nous a beaucoup apporté. Sur des projets de cette nature, il est évident que la rigueur du secteur privé apporte un plus. Le fait d’avoir eu un privé nous a apporté la garantie de respecter le rendez-vous du 1er juillet avec les Sénégalais et le monde entier. Snedai a été d’un grand apport dans le portage du projet, dans les documents de communication qui nous aident à répondre aux sollicitations. La société a fourni le matériel qui sort le talon du visa. Il comporte du matériel ressemblant fort à un photomaton, un ordinateur, un disc dur, un scanner, un appareil pour les empreintes digitales qui sont reliés à plusieurs serveurs. L’installation est faite et il ne nous reste plus qu’à sortir le premier visa biométrique ce 1er juillet».
L’épineux cas des tours operators
« Je trouve absurde que les Tours operators soient exemptés de visas. Pour une question de souveraineté, je comprends la logique de réciprocité mais si les tours operators ne paient pas le visa, je ne vois pas l’intérêt et ce n’est pas cohérent ». Le regret de Annabelle, touriste en partance au Sénégal, est pour le moins édifiant sur les opinions de la grande majorité des futurs visiteurs du Sénégal. C’est une incompréhension que cache mal d’ailleurs Amadou Diallo, le Consul général du Sénégal à Paris : « Je n’ai pas de documents officiels me permettant de dire que les tours operators ne font pas partie de la mesure. Il semble qu’une notification allant dans ce sens ait été envoyée à des représentations nationales. Personnellement, je ne l’ai pas reçu ».
En revanche les voyages dans la capitale française ont bien reçu la nouvelle. Un tour dans les agences de voyage en donne un aperçu. Sur la rue Ordener (18em arrondissement de Paris), une employée d’une compagnie aérienne dont les origines sont liées avec la Corse avoue « avoir reçu beaucoup des refus et changement de destinations de touristes après avoir appris l’obligation du visa biométrique pour tout départ vers le Sénégal. C’est dommage car les gens trouvent cela injuste quand on sait que ceux qui voyagent avec les Tours operators sont exonérés du document ».
Dans le quartier de l’Opéra (2ème arrondissement de Paris) où les voyagistes sont présents, la mesure est accueillie, même anonymement avec plus de satisfaction. « Le ministre du tourisme Youssou Ndour sait les effets négatifs que pouvaient avoir une telle mesure sur un secteur aussi important au Sénégal. Même si pour le moment elle n’est effective qu’une année, elle permettra de mieux préparer le terrain ». En effet, après l’accord signé avec la compagnie Corsair lors du salon du Tourisme de Paris de 2012 pour favoriser et mieux vendre la destination Sénégal, l’actuel ministre du Tourisme a poursuivi son travail de collaboration avec les voyagistes pour que l’apport du secteur du tourisme dans l’économie locale prenne son envol. Un espoir de décollage qui est diversement jugé avec l’entrée en vigueur du visa biométrique.
Les Sénégalais de la diaspora entre doute et satisfaction
La mise en place de la réciprocité sur les visas d’entrée au Sénégal, depuis le 1er juillet, est diversement commentée par les Sénégalais de la diaspora rencontrés à Paris. Entre revendication de souveraineté nationale, inutilité de la mesure, cas personnels, les réactions n’ont pas manqué.
« Dans le cadre d’un séjour au Sénégal, en juillet, je suis venu renouveler mon passeport qui était expiré et aussi faire un visa pour ma fille de 13 ans. J’ai également pu avoir des renseignements sur la procédure », renseigne Doro Sy rencontré au Consulat du Sénégal de Paris.
« C’est un message qui est lancée sur la base d’une fierté nationale mal placée » poursuit celui qui fait parti des dirigeants du PS à Paris. « La mesure qui va entrer en vigueur sur les visas une très bonne décision » se différencie Doudou Sidibé, enseignant-chercheur en Relations internationales à Paris. Là ou Mr Sidibé parle de « courage des autorités », Doro Sy préfère évoque « une procédure inutile pour les Sénégalais à moins que le gouvernement n’ait pas d’autres objectifs que d’empocher 50 euros par entrée au Sénégal. Cela fait effectivement une manne financière mais en terme de message, ce n’est pas cohérent. Il n y a pas lieu de maintenir cette réciprocité ». Mbagnick Faye balaie d’un revers de la main ces raisons. « Ayant fait huit ans an France, je connais bien les sentiments d’agacement devant les guichets de la préfecture pour les demandes de titre de séjour ou les visas pour la France. Je suis d’avis qu’on garde la mesure car elle permet aux Français de savoir ce que nous pouvons ressentir à pareille occasion ». Rose Gomis, rencontrée devant la gare Saint-Lazare en partance à Rouen où elle habite, est plus circonspecte. « Je dois bientôt partir à Dakar. J’ai la double nationalité et en général, je partais au Sénégal avec mon passeport français. Avec la mesure, je me suis rendue compte que mon passeport sénégalais était périmé depuis 2003. Je suis obligé de chercher un visa pour aller dans mon propre pays ». « Le Sénégal est un pays ouvert, de Téranga, sa richesse est la liberté d’y accéder facilement et sans trop de contraintes. Il ne faut pas décourager ceux qui aiment le Sénégal à y aller. C’est déplorable car il y a moins de liberté plus de lourdeur » constate Doro Sy. Sur ces lourdeurs Doudou Sidibé déclarait en décembre : « Un visa à hauteur de 50 euros ne doit pas empêcher un touriste de choisir une destination. Sa mise en place n’est donc pas une mesure dissuasive pour les touristes ». Les nombreuses premières inscriptions pour acquérir le visa biométrique (1500 d’après les sources consulaires) lui donnent raison. La diaspora africaine est concernée par la mesure. En France, Henri est un réfugié politique « d’un pays d’Afrique centrale » précise t-il vaguement. « Je dois aller à Dakar très bientôt mais l’ordinateur ne peut pas enregistrer ma demande car dans le logiciel de fabrication du visa biométrique, il n y a pas l’option « réfugié », du coup je ne sais pas comment faire et mon billet d’avion n’est pas remboursable ». Entre drame et cocasse, la situation d’Henri laisse une large ouverture au choix.
Une enquête de notre correspondant à Paris Moussa DIOP
Des visas délivrés en moins de 48 h
Tout citoyen non ressortissant d’un pays hors de la zone Cedeao a désormais besoin d’un visa biométrique pour entrer au Sénégal. La mesure est entrée en vigueur hier. Toutefois, des dispenses sont accordées à certaines personnes.
Le visa biométrique est désormais obligatoire pour tout étranger habitant en dehors de l’espace Cedeao. Le lancement officiel de l’opération a eu lieu, hier à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, devant les ministres de l’intérieur, Pathé Seck, du Tourisme et des Loisirs, Youssou Ndour, et du Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Selon M. Ndour, il faut veiller à ce que le dispositif fonctionne normalement. « Il ne doit pas y avoir de failles dans la délivrance du visa biométrique », a-t-il dit. Il a demandé à tous ceux qui sont impliqués dans le processus de faire preuve de diligence dans la procédure. « Un touriste qui se décourage du fait de lenteurs, décourage d’autres », a estimé Youssou Ndour.
Le ministre de l’Intérieur a précisé que ceux qui ont la nationalité sénégalaise peuvent entrer et sortir librement du pays en se munissant simplement de leur passeport ou de leur carte d’identité sénégalais. Le commissaire Ibrahima Diallo, membre du comité de pilotage du projet, avait rappelé vendredi, lors d’une conférence de presse, que ce programme ultramoderne et sécurisé permet de délivrer, en moins de 48 heures, des visas biométriques à l’aéroport et au niveau des 18 ambassades et consulats du Sénégal dans le monde. Un contrôle sera effectué au niveau des frontières. Les frais de visa s’élèvent à 50 euros. L’Etat a délégué le contrat d’exploitation à un concessionnaire privé étranger dans le cadre de la coopération sud-sud et public-privé, mais sous le contrôle de ses agents, notamment du ministère de l’Intérieur. Le système fonctionne avec divers équipements techniques, des infrastructures de télécommunication et des logiciels d’exploitation. Selon le commissaire Diallo, cette solution technique permet d’obtenir une base de données biométrique sécurisée, des statistiques fiables pour la sécurité du territoire, une meilleure planification des projets d’immigration, une meilleure politique en matière de tourisme, etc. Le projet dure 5 ans renouvelables et, après les 10 premières années, le matériel sera rétrocédé à l’Etat. « C’est une coopération gagnant-gagnant et le Sénégal compte utiliser sa part des recettes pour financer des projets d’emploi des jeunes », avait estimé le commissaire Diallo. Des dispenses sont accordées aux non Sénégalais n’appartenant pas à l’espace Cedeao, mais qui ont déjà une carte de résidence ; aux ressortissants de pays avec qui le Sénégal a signé certains accords ; aux touristes ayant des contrats avec des tours operators pour cette présente campagne touristique ; aux binationaux qui ont un passeport et une carte d’identité Sénégalaise et aux réfugiés.
Ndiol Maka SECK
Le ministère du Tourisme a déjà enregistré 5.000 demandes
Quelque 5000 demandes de visas biométriques ont été enregistrées en 48 heures, selon le ministre sénégalais du Tourisme et des Loisirs, Youssou Ndour. Il s'exprimait, hier, au premier jour de l'entrée en vigueur de la mesure de réciprocité des visas au Sénégal. « En 48 heures seulement, 5000 demandes de visas ont été enregistrées par nos services, ce qui témoigne de l'engouement des étrangers à se rendre au Sénégal», a dit le ministre du Tourisme. M. Ndour et son collègue de l'Intérieur, Pathé Seck, procédaient au lancement officiel du dispositif de délivrance du visa biométrique à l'aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar.
(APA)
Mbaye Lo Tall, Consul a Bordeaux : « Le Sénégal n’a fait qu’appliquer une mesure d’ordre international »
Après avoir été chef de protocole de plusieurs ministres parmi lesquels Macky Sall, alors Premier ministre, et travaillé dans plusieurs consulats, Mbaye Lô Tall a été nommé à Bordeaux. L’application de la mesure sur la réciprocité des visas constitue son premier chantier en Gironde.
Quel est votre sentiment sur la mesure des visas biométriques pour les étrangers devant se rendre au Sénégal ?
«Je pense que c’est une bonne chose, la mesure participe à la sauverainteté du pays. Elle a été réclamée par les agents du ministère des Affaires étrangères depuis 1987. Sur le plan économique cela peut avoir un impact. On ne peut que s’en réjouir. Nous n’avons fait qu’appliquer une mesure d’ordre international. La mise en œuvre et les mesures d’accompagnement posaient problème. L’Etat a trouvé la parade en s’associant à une société. Nous verrons quelles sont les choses à rectifier. La pratique nous édifiera».
Avez-vous reçu des mesures d’exonération pour les Tours operators ?
«Nous n’avons pas encore reçu d’instruction concernant les Tours operators et ceux qui avaient déjà leur billet. Nous avons reçu toutes les dispositions pratiques pour faire appliquer la mesure. Pour les bi nationaux, nous avons reçu les dispositions visant à savoir s’ils sont titulaires de passeports ou de cartes d’identité sénégalaise. Dans ce cas, ils sont exemptés de visas. La disposition a été largement diffusée dans la région bordelaise par les associations des étudiants et des travailleurs».
Quelles sont les singularités de Bordeaux dans la mise en place de la loi ?
«Il n’y en a pas forcément, nous prenons les mêmes dispositions. Le seul problème que nous pouvons soulevé est au niveau des retards sur le financement des locaux. Nous n’avons pas reçu les financements. Il ya des sociétés qui ont postulé mais on a pas encore le financement».
Une enquête de notre correspondant à Paris Moussa DIOP
Le Soleil
« Je suis venue pour une demande de visa. J’ai essayé d’appeler plusieurs fois mais je n’ai jamais réussi à avoir quelqu’un au bout du fil. Je me suis résolu à me déplacer. Je pars au Sénégal dans 2 semaines », soupire Ramalatou Bertrand, une jeune trentenaire accompagnée de son époux, Jean-Philippe. Les propos de ce couple mixte, dont la jeune femme a tenu à préciser qu’elle est Française, est une constance dans la file d’attente devant les quatre guichets que le Consulat a mis en place pour traiter les demandes de visas biométriques devenus obligatoire à partir de ce 1er juillet. « Je pars au Sénégal dans le cadre de mes études pour un échange interculturel avec un hôpital pédopsychiatrique dans la banlieue de Dakar (Thiaroye) », se présente Eléonore étudiante en Psychomotricité.
Dans la mise en vigueur de l’obligation du visa biométrique pour partir au Sénégal, les demandeurs du précieux sésame regrettent les ratés de la communication. « Nous sommes au courant de l’entrée en vigueur de la loi que vers le 15 juin. Nous étions restés sur le schéma de départ qui faisait qu’on avait pas besoin de visas pour partir au Sénégal. Ce que fait que nous avions réservés comme les autres fois », reprend Ramalatou Bertrand. Comme dans un couple il y a souvent le partage des tâches, après avoir campé le décor, le mari Jean-Philippe précise : « Quand on a réservés en avril, il fallait juste un passeport et une carte d’identité. Rien de plus. Nous n’avions appris qu’au mois de mai que la nouvelle législation allait entrer en vigueur ce 1er juillet. Et on nous a dit que nous n’aurions les informations qu’à partir du 15 juin et les premières infos sont tombées le 26 juin. Et nous découvrons qu’il faut s’enregistrer en ligne, payer en ligne, avoir un visa d’une validité dépassant les 6 mois. On ne peut pas payer si on a un passeport avec une validité dépassant 6 mois à la date du retour. Ce qui n’est pas mon cas, mon passeport expire dans 3 mois. Nous sommes bloqués. Si j’avais l’information au mois de mai, j’aurais pu refaire tranquillement mon passeport. Nous devons partir le 13 juillet, pour 10 jours, avec des délais aussi courts, il nous est impossible de refaire un passeport ». Eléonore, la jeune étudiante devant se rendre à l’hôpital de Thiaroye déplore également le manque de clarté au niveau de la communication. « Nous étions partis sur une base de passeport tout simplement et on a eu les informations très tardivement. Entre les informations sur internet et ce qui est annoncé sur place, il y a une différence. Je ne suis pas de Paris, je viens du Mans et si je comprends bien il me faudra revenir car je n’ai pas l’attestation d’hébergement demandé. Le site n’est pas toujours très accessible. Il y a quelques soucis ».
D’après plusieurs témoignages, le site de Snedai, l’entreprise associée à l’Etat dans la mise en place du visa biométrique, ne présente pas certaines garanties. « Pour les frais du visas, la partie paiement du site n’est pas sécurisée, clame une jeune femme préférant garder l’anonymat pour juste informer qu’elle est déjà partie trois fois au Sénégal. Et on ne peut pas partir si on ne paie pas. Regardez (elle montre des photocopies de capture d’écran de la page web du site), sur l’adresse de la page de paiement de Snedai, avant le 3w il n’y a pas le https qui garantit que la page est sécurisée et que notre carte bancaire ne pourra pas être piratée. Il y a un minimum à faire quand on veut mettre sur pied un paiement en ligne. Mais là, on n’est obligé de payer en ligne, c’est cela le pire ».
Il y a eu profusion de critiques, mais d’autres sons de cloches ont été également entendus. « La mise en place du visa (biométrique) est une bonne idée et c’est normal, juge Mélanie une pharmacienne venue d’Yvetot en Normandie, qui a programmé un séjour au Sénégal à partir du 10 août. Mon petit ami est Sénégalais et j’y vais pour visiter toute sa famille. Nous avons appris que le visa devenait obligatoire et nous faisons le nécessaire. Nous avons déjà tout fait sur internet, il nous manque plus que la prise des empreintes ici au consulat ».
« La mise en place du visa biométrique n’est pas un facteur qui nous empêche de partir au Sénégal, dans bon nombre de lieux de vacances, on nous demande des visas, il faut simplement que l’information et la communication sur le sujet fonctionnent mieux », conseille Jean-Philippe Bertrand.
La mise en place du visa ouvre une nouvelle ère de naturalisation sénégalaise. « C’est vrai que cela motive toutes les personnes d’origine sénégalaise à acquérir la nationalité sénégalaise », avoue la jeune anonyme qui a déjà voyagé trois fois au Sénégal. « Je suis née au Sénégal de parents français. Je suis revenu m’installer en France depuis quelques années ou mes enfants sont nés. Je crois que je vais demander la naturalisation sénégalaise », explique Mme Stephan.. Il y a eu beaucoup des personnes de couleur blanche dans ce cas qui, avec la nouvelle loi, en tirent la même conclusion. Et dans ce cas de figure de l’appel au lieu de naissance ou des origines, il n y a pas de monopole de couleur de peau. « J’étais surprise en l’apprenant, je croyais à une blague. Avant je voyageais avec ma mère, elle allait sur le file des Sénégalais et moi sur celle des Français, j’arrivais avant elle…(rires). Et maintenant je ne suis même pas sûr d’y aller. Cette mesure peut m’inciter à être naturalisée sénégalaise. Cela rend les choses plus simples », avoue Awa, étudiante en histoire née en France de parents Sénégalais mais qui n’a jamais demandé la nationalité sénégalaise. Chez les Sénégalais de passage ou accompagnant de Français dans la désormais Salle du visa biométrique du Consulat, il y avait un curieux sentiment que Awa résume bien. « Le fait de faire la queue, de galérer avec la paperasse est une manière de rendre la pièce de la monnaie quand même. Toutes les personnes qui ont déjà eu à demander un titre de séjour ou bien à faire un dossier de naturalisation française connaissent ce sentiment. Et je suis bien placée, car ce fut le cas de mes parents, je comprends maintenant doublement cet agacement ».
Après la photo et les prises d’empreinte et parfois un passage dans les étages du consulat pour complément, les fortunes des demandeurs de visas sont diverses. L’étudiante Eléonore en partance à l’hôpital de Thiaroye « stresse » car n’ayant pas encore un hébergeur pouvant lui fournir l’attestation d’accueil légalisée dans les plus brefs délais. Une recherche de sésame qu’elle partage avec Awa mais si cette dernière peut l’obtenir facilement grâce à ses parents retournées définitivement vivre à Fass, elle déclare ne pas disposer de temps, du fait de son job d’étudiant, nécessaire pour revenir au Consulat d’ici son départ prévu le 16 juillet. Le couple Bertrand est devenu plus discret sur son sort.
Des états d’âme que le témoignage des membres de la famille Stéphan (la mère de famille, sa fille, son fils et sa nièce) rassemblent : « C’était un peu long mais ça s’est bien passé finalement. Je pense que le système va se mettre au point avec le temps. La mise en place de la machine qui prend la photo et les empreintes n’est pas encore totalement au point. Nous devons partir le 5 juillet au Sénégal, on vient de nous rassurer que allons avoir les visas le mardi 2 juillet ».
Le coût de 50 euros du visa auquel s’ajoutent 2,5 euros de frais bancaire ou postaux a été diversement apprécié selon le statut social des demandeurs. « Nous sommes six personnes d’une association étudiante donc pas beaucoup de moyens. Il faut dire que nos maigres ressources supportent juste les frais. Cela fait un petit budget en plus », informe Eléonore, l’étudiante en partance à l’hôpital de Thiaroye. Des frais qui ne dérangent pas le couple Bertrand. « Ce n’est pas un facteur décourageant pour le choix des vacances au Sénégal. Dans beaucoup de lieux de vacances, on nous demande des visas, il faut simplement que l’information et la communication sur le sujet fonctionnent mieux », confie Jean-Philippe.
La réciprocité, une mesure de souveraineté nationale
Toute personne titulaire d’un passeport de pays demandant aux Sénégalais un visa pour entrer sur son territoire a l’obligation désormais de demander un visa pour aller au Sénégal. C’est le résumé de la loi appelé « réciprocité des visas » ou bien « visa biométrique ». La mesure est entrée en vigueur depuis hier, 1er juillet. Sa mise en place n’a pas été toujours facile avec tout d’abord les hésitations sur le fait ou non d’y inclure les bi nationaux, le fait ou non d’exonérer les touristes se déplaçant avec des Tours operators.
Finalement ni les bi nationaux, ni les tours operators – pour cette année en tout cas – ne seront obligés faire les files d’attente des 13 centres tests de la mesure (4 en France : Paris – Bordeaux – Lyon et Marseille, un en Belgique, un aux Etats-Unis, deux au niveau des frontières terrestres nationales, un à l’aéroport Leopold Sedar Senghor de Dakar et les autres en Afrique). Tout demandeur de visa biométrique, pour entrer sur le territoire sénégalais, devra constituer le dossier suivant : l'original du reçu de paiement des frais du visas (50 euros soit près de 32 000 F Cfa) à acquitter sur le site de Snedai, l’entreprise partenaire de l’Etat sénégalais dans ce PPP, un formulaire de demande de visa dûment rempli et signé par l'intéressé, une photo d'identité, un passeport en cours de validité pour six mois minimum + la photocopie des cinq premières pages, le titre de voyage aller/retour ou une attention détaillée de réservation de billet d'avion, la réservation d'hôtel ou le certificat d'hébergement et une autorisation parentale signée et légalisée u parent s'il s'agit d'un enfant mineur.
Il faudra aussi se présenter dans l’un des centres tests pour la prise des empreintes biométriques. Avec ce démarrage, les autorités nationales et consulaires assurent faire preuve de « souplesse » dans les délais d’obtention du visa, pour tout le mois de juillet, pour compenser une communication en plus du portage technique et administratif du projet qui n’ont pas toujours été sous le sceaux de la sérénité et de la clarté.
Amadou Diallo, Consul général du Sénégal à Paris : « Au-delà de l’argent généré par les visas d’entrée, il s’agit d’une question de sécurité nationale »
Le Consul général du Sénégal à Paris, Amadou Diallo, est arrivé en poste en janvier 2013, soit un mois après l’annonce de la loi sur la réciprocité des visas d’entrée au Sénégal. Il sait que la mise en place du visa biométrique est une étape fondamentale pour son exercice.
Monsieur le Consul général, ce 1er juillet est entré en vigueur le visa dit de réciprocité pour les étrangers désirant se rendre au Sénégal. Ou en êtes vous sur les éléments de sa mise en place ?
«En effet ce 1er juillet est entré en vigueur la loi sur le visa biométrique. Ce n’est pas un visa réciproque ou de réciprocité. Nous sommes prêts pour le démarrage même s’il reste des choses à finaliser nous respectons le rendez-vous pris avec le monde et les Sénégalais».
Est-ce qu’au niveau de la logistique, de la formation des agents, tout est fin prêt ?
«Non tout n’est pas en place mais ce sera le cas dans les premiers jours car c’est une volonté réelle des autorités. Le matériel est sur place. Nous sommes en train de faire la formation du personnel. Avec ce démarrage, nous allons certainement avoir des difficultés, il ne faut pas les nier mais nous allons les parfaire car nous n’avons pas le droit de rater ce rendez-vous qui est une première pour notre pays».
Quel est le nombre d’agents réquisitionnés et celui de guichets ouverts pour ce démarrage ?
«Il y a 4 guichets ouverts. Nous allons démarrer avec un léger déficit de personnel requis pour faire le travail mais j’engage les forces humaines sous notre responsabilité pour que tous les guichets soient fonctionnels de 9h à 17h30 (sans interruption). Selon l’affluence, nous allons faire en sorte qu’un service minimum soit effectué entre 12h et 14h pour que les agents puissent prendre leur pause à tour de rôle. Nous nous attendons à avoir beaucoup de monde car les usagers ne sont pas préparés à cela. Je dois reconnaître qu’il n y a pas eu la rigueur qui sied à l’information quand on aborde un projet majeur pour notre pays de cette nature. Cependant, pour l’heure, il y a quand même satisfaction. Elle est au niveau du nombre de réservation sur le site de paiement du visa biométrique. Il s’élève à plus de 1500 pour ce début juillet».
Ce chiffre est juste pour Paris ou pour l’ensemble de la diaspora
«Cette information n’a pas été précisée à mon niveau. L’essentiel est ailleurs car on voit que la mise en place du visa biométrique n’est pas un facteur bloquant. A nous d’être réactif, souple et d’attribuer les visas le plus rapidement possible et informer, de la manière la plus rassurante possible, le public».
Pourquoi n’avez-vous pas mis au point des journées tests à la veille de l’entrée en vigueur de la mesure ?
«La conduite du projet n’a pas été facile. C’est un partenariat privé public. Il y a eu des complexités dans le portage du projet. Je rappelle que ce que nous sommes en train de faire (la mise en place du visa biométrique, ndlr) constitue une phase test donc il y a des centres tests. Il y a 13 centres test de visa biométrique à travers le monde. Quatre en France, un en Belgique, en Afrique, un aux Etats, un à l’aéroport du Sénégal, deux au niveau des frontières terrestres du Sénégal. C’est vrai qu’on pouvait finaliser le projet à temps et passer à une période test de pré enrôlement et de formation. Je me répète peut être mais c’est quelque chose qui n’a pas été facile à gérer».
Ce manque de facilités, à quoi l’imputez-vous ?
«Aux difficultés inhérentes à ce tout nouveau projet. Le discours politique a été très clair, les instructions politiques ont été très claires depuis 6 mois, elles étaient connues. Dans le processus du portage, je constate qu’il y a eu une lenteur de la mise en œuvre du projet».
Quels sont les critères d’obtention du visa ?
«Toute personne titulaire d’un passeport de pays demandant aux Sénégalais un visa pour entrer sur son territoire a l’obligation désormais de demander un visa pour aller au Sénégal. Pour ce qui est spécifique à la France, il y a les ressortissants français, ceux qui sont en transit et les réfugiés politiques. La mesure ne concerne pas les bi nationaux. Je parle de ceux qui peuvent justifier leur nationalité sénégalaise par carte d’identité nationale ou par passeport. Ils sont dispensés de demande de visas pour aller au Sénégal. Dans le cadre d’accords internationaux avec d’autres pays, le Sénégal avait règlementé depuis longtemps l’obligation de visa avant l’entrée sur notre territoire. En Afrique, je peux citer le Cameroun, il y a beaucoup de pays sud américains comme le Brésil ou l’Uruguay. Pour tous ces cas, la durée de la demande du visa va aller plus vite comparée à ce qui se faisait avant. Pour l’instant nous partons sur des bases d’une semaine alors qu’avant cela pouvait prendre des mois».
Pour revenir à ma question sur les critères…
«Il faut avoir un passeport en cours de validité, payer en ligne ou par virement postale 50 euros plus les frais bancaires ou postaux (2,5 euros) et avoir les billets d’avion aller et retour, avoir une attestation d’hébergement ou une réservation d’hôtel. C’est à peu près les mêmes documents qu’on demande aux Sénégalais qui veulent venir en France sauf que pour le moment nous ne demandons pas une justification financière. Vous voyez que c’est vraiment souple c’est pour cela que je l’appelle visa payant. Car dès que vous avez payé en ligne sur le site (de Snedai, la société gestionnaire du service, NDLR), le reçu équivaut à un laisser débarquer. Vous pouvez embarquer dans l’avion et faire votre visa à Dakar au niveau du centre des visas de l’aéroport Léopold Sédar Senghor). Mais cela n’est pas conseillé pour éviter un engorgement ou le risque de rester des heures à l’aéroport avant de recevoir son visa. Les guichets à l’aéroport sont faits pour les ressortissants qui viennent de pays ne disposant pas de centre de test».
C’est une mesure qui a quand même été vidée de sa substance première. On peut en avoir un aperçu avec l’exemple des Tours Operators. Dites-nous exactement s’ils sont concernés par la mesure ?
«Je n’ai pas de documents officiels me permettant de dire que les Tours opérators ne font pas partie de la mesure. Il semble qu’une notification allant dans ce sens a été envoyée à des représentations nationales. Personnellement, je ne l’ai pas reçu. Je ne peux pas commenter autrement la déclaration du ministre Youssou Ndour qu’en disant qu’il faut prendre sa parole comme telle (à propos d’une déclaration visant à exonérer les voyagistes de l’obligation de visa pour entrer au Sénégal pour 2013, ndlr). C’est une voix autorisée qui en parle, mais étant donné que je n’ai pas de documents officiels, je ne pourrai pas m’avancer sur le dossier».
C’est quand même de la cacophonie…
«Non pas du tout, n’oubliez pas que c’est un projet du président de la République. C’est une volonté politique et de souveraineté nationale. Nous sommes un pays qui soumet des exigences avant d’entrée dans son territoire. Cela me semble important eu égard aux questions de sécurité nationale. Pour avoir un visa biométrique, il faut se soumettre à quelques obligations : les empreintes, la photo biométriques seront enregistrées. L’opinion nationale et même internationale est favorable à la mesure. Au delà de l’argent qui entre dans le pays c’est une question de sécurité nationale. Toute personne qui entre sur le territoire nationale est identifiée».
Est-ce qu’on peut avoir une estimation de l’argent que va rapporter la mesure aux caisses de l’Etat ?
«C’est difficilement faisable à l’heure actuelle de l’avancement du projet. Le Sénégal est la première destination africaine, nous avons beaucoup de touristes, de missions officielles. Le Sénégal reçoit de grandes personnalités, la dernière en date fut le président américain Barack Obama qui est venu avec une forte délégation. Si toutes les visites ne sont pas de la même teneur que celle du président Obama, le Sénégal est très prisé à ce niveau. L’axe Dakar Paris est majoritaire en terme de trafic aérien. Paris est un centre important et fait 50% de ce trafic aérien. Le cout des 50 euros est moins cher à ce qui se fait dans beaucoup de pays comme la Côte d’Ivoire par exemple. L’exigence nationale et internationale est pour une bonne gestion pas d’ordre financière».
Etes-vous au courant du mécontentement populaire ?
«C’est quelque chose que j’ai constaté moi même et j’en suis désolé. Un projet de cette nature mérite d’être connu des citoyens deux mois avant son entrée en vigueur. Quand il y a un partenariat public privé c’est un peu compliqué. Nous allons répondre à ces mécontentements en mettant en place des « souplesses » lors des deux premières semaines. Ce n’est pas pour nous excuser mais c’est pour accompagner les départs d’été. Dès ce 1er juillet, si nous avons la possibilité de délivrer les visas le jour même alors que le délai est de minimum 48 heures, nous le ferons. Et cela pendant deux semaines voire tout le mois de juillet pour dissiper ainsi le degré de mécontentement. Nous allons rendre l’accueil au Sénégal plus supportable».
Est-il prévu des travaux au niveau de la salle d’attente ?
«Pour ce qui est de l’aménagement de la salle d’attente, nous sommes en pourparlers avec une société qui nous a présenté une maquette pour la gestion de la file d’attente, pour l’aménagement d’un comptoir d’accueil et de filtrage. Il y aura un espace d’accueil avec des écrans, avec des options pour le visa mais aussi les autres services du Consulat comme par exemple le service des passeports. Ce sera une grande salle d’accueil et d’orientation. Toute personne n’ayant rien à faire sur l’espace visa sera orienté sur les autres espaces consulaires. L’espace visa sera certainement le plus consulté après celui des passeports. Les coûts seront partagés entre l’Etat et la société privé qui exploite le service. A partir de cette semaine, les travaux vont démarrer. La qualité d’accueil dans ce genre de service est très importante pour ne pas dire primordiale. Pour moi le premier aéroport du Sénégal c’est le consulat dans le cadre du visa biométrique. C’est ici que nous allons commencer à vendre l’image du Sénégal aux touristes mais aussi aux hommes d’affaires désireux de conclure des marchés».
Comment jugez-vous la collaboration avec Snedai, la société associée au projet ?
«Snedai nous a beaucoup apporté. Sur des projets de cette nature, il est évident que la rigueur du secteur privé apporte un plus. Le fait d’avoir eu un privé nous a apporté la garantie de respecter le rendez-vous du 1er juillet avec les Sénégalais et le monde entier. Snedai a été d’un grand apport dans le portage du projet, dans les documents de communication qui nous aident à répondre aux sollicitations. La société a fourni le matériel qui sort le talon du visa. Il comporte du matériel ressemblant fort à un photomaton, un ordinateur, un disc dur, un scanner, un appareil pour les empreintes digitales qui sont reliés à plusieurs serveurs. L’installation est faite et il ne nous reste plus qu’à sortir le premier visa biométrique ce 1er juillet».
L’épineux cas des tours operators
« Je trouve absurde que les Tours operators soient exemptés de visas. Pour une question de souveraineté, je comprends la logique de réciprocité mais si les tours operators ne paient pas le visa, je ne vois pas l’intérêt et ce n’est pas cohérent ». Le regret de Annabelle, touriste en partance au Sénégal, est pour le moins édifiant sur les opinions de la grande majorité des futurs visiteurs du Sénégal. C’est une incompréhension que cache mal d’ailleurs Amadou Diallo, le Consul général du Sénégal à Paris : « Je n’ai pas de documents officiels me permettant de dire que les tours operators ne font pas partie de la mesure. Il semble qu’une notification allant dans ce sens ait été envoyée à des représentations nationales. Personnellement, je ne l’ai pas reçu ».
En revanche les voyages dans la capitale française ont bien reçu la nouvelle. Un tour dans les agences de voyage en donne un aperçu. Sur la rue Ordener (18em arrondissement de Paris), une employée d’une compagnie aérienne dont les origines sont liées avec la Corse avoue « avoir reçu beaucoup des refus et changement de destinations de touristes après avoir appris l’obligation du visa biométrique pour tout départ vers le Sénégal. C’est dommage car les gens trouvent cela injuste quand on sait que ceux qui voyagent avec les Tours operators sont exonérés du document ».
Dans le quartier de l’Opéra (2ème arrondissement de Paris) où les voyagistes sont présents, la mesure est accueillie, même anonymement avec plus de satisfaction. « Le ministre du tourisme Youssou Ndour sait les effets négatifs que pouvaient avoir une telle mesure sur un secteur aussi important au Sénégal. Même si pour le moment elle n’est effective qu’une année, elle permettra de mieux préparer le terrain ». En effet, après l’accord signé avec la compagnie Corsair lors du salon du Tourisme de Paris de 2012 pour favoriser et mieux vendre la destination Sénégal, l’actuel ministre du Tourisme a poursuivi son travail de collaboration avec les voyagistes pour que l’apport du secteur du tourisme dans l’économie locale prenne son envol. Un espoir de décollage qui est diversement jugé avec l’entrée en vigueur du visa biométrique.
Les Sénégalais de la diaspora entre doute et satisfaction
La mise en place de la réciprocité sur les visas d’entrée au Sénégal, depuis le 1er juillet, est diversement commentée par les Sénégalais de la diaspora rencontrés à Paris. Entre revendication de souveraineté nationale, inutilité de la mesure, cas personnels, les réactions n’ont pas manqué.
« Dans le cadre d’un séjour au Sénégal, en juillet, je suis venu renouveler mon passeport qui était expiré et aussi faire un visa pour ma fille de 13 ans. J’ai également pu avoir des renseignements sur la procédure », renseigne Doro Sy rencontré au Consulat du Sénégal de Paris.
« C’est un message qui est lancée sur la base d’une fierté nationale mal placée » poursuit celui qui fait parti des dirigeants du PS à Paris. « La mesure qui va entrer en vigueur sur les visas une très bonne décision » se différencie Doudou Sidibé, enseignant-chercheur en Relations internationales à Paris. Là ou Mr Sidibé parle de « courage des autorités », Doro Sy préfère évoque « une procédure inutile pour les Sénégalais à moins que le gouvernement n’ait pas d’autres objectifs que d’empocher 50 euros par entrée au Sénégal. Cela fait effectivement une manne financière mais en terme de message, ce n’est pas cohérent. Il n y a pas lieu de maintenir cette réciprocité ». Mbagnick Faye balaie d’un revers de la main ces raisons. « Ayant fait huit ans an France, je connais bien les sentiments d’agacement devant les guichets de la préfecture pour les demandes de titre de séjour ou les visas pour la France. Je suis d’avis qu’on garde la mesure car elle permet aux Français de savoir ce que nous pouvons ressentir à pareille occasion ». Rose Gomis, rencontrée devant la gare Saint-Lazare en partance à Rouen où elle habite, est plus circonspecte. « Je dois bientôt partir à Dakar. J’ai la double nationalité et en général, je partais au Sénégal avec mon passeport français. Avec la mesure, je me suis rendue compte que mon passeport sénégalais était périmé depuis 2003. Je suis obligé de chercher un visa pour aller dans mon propre pays ». « Le Sénégal est un pays ouvert, de Téranga, sa richesse est la liberté d’y accéder facilement et sans trop de contraintes. Il ne faut pas décourager ceux qui aiment le Sénégal à y aller. C’est déplorable car il y a moins de liberté plus de lourdeur » constate Doro Sy. Sur ces lourdeurs Doudou Sidibé déclarait en décembre : « Un visa à hauteur de 50 euros ne doit pas empêcher un touriste de choisir une destination. Sa mise en place n’est donc pas une mesure dissuasive pour les touristes ». Les nombreuses premières inscriptions pour acquérir le visa biométrique (1500 d’après les sources consulaires) lui donnent raison. La diaspora africaine est concernée par la mesure. En France, Henri est un réfugié politique « d’un pays d’Afrique centrale » précise t-il vaguement. « Je dois aller à Dakar très bientôt mais l’ordinateur ne peut pas enregistrer ma demande car dans le logiciel de fabrication du visa biométrique, il n y a pas l’option « réfugié », du coup je ne sais pas comment faire et mon billet d’avion n’est pas remboursable ». Entre drame et cocasse, la situation d’Henri laisse une large ouverture au choix.
Une enquête de notre correspondant à Paris Moussa DIOP
Des visas délivrés en moins de 48 h
Tout citoyen non ressortissant d’un pays hors de la zone Cedeao a désormais besoin d’un visa biométrique pour entrer au Sénégal. La mesure est entrée en vigueur hier. Toutefois, des dispenses sont accordées à certaines personnes.
Le visa biométrique est désormais obligatoire pour tout étranger habitant en dehors de l’espace Cedeao. Le lancement officiel de l’opération a eu lieu, hier à l’aéroport Léopold Sédar Senghor, devant les ministres de l’intérieur, Pathé Seck, du Tourisme et des Loisirs, Youssou Ndour, et du Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères. Selon M. Ndour, il faut veiller à ce que le dispositif fonctionne normalement. « Il ne doit pas y avoir de failles dans la délivrance du visa biométrique », a-t-il dit. Il a demandé à tous ceux qui sont impliqués dans le processus de faire preuve de diligence dans la procédure. « Un touriste qui se décourage du fait de lenteurs, décourage d’autres », a estimé Youssou Ndour.
Le ministre de l’Intérieur a précisé que ceux qui ont la nationalité sénégalaise peuvent entrer et sortir librement du pays en se munissant simplement de leur passeport ou de leur carte d’identité sénégalais. Le commissaire Ibrahima Diallo, membre du comité de pilotage du projet, avait rappelé vendredi, lors d’une conférence de presse, que ce programme ultramoderne et sécurisé permet de délivrer, en moins de 48 heures, des visas biométriques à l’aéroport et au niveau des 18 ambassades et consulats du Sénégal dans le monde. Un contrôle sera effectué au niveau des frontières. Les frais de visa s’élèvent à 50 euros. L’Etat a délégué le contrat d’exploitation à un concessionnaire privé étranger dans le cadre de la coopération sud-sud et public-privé, mais sous le contrôle de ses agents, notamment du ministère de l’Intérieur. Le système fonctionne avec divers équipements techniques, des infrastructures de télécommunication et des logiciels d’exploitation. Selon le commissaire Diallo, cette solution technique permet d’obtenir une base de données biométrique sécurisée, des statistiques fiables pour la sécurité du territoire, une meilleure planification des projets d’immigration, une meilleure politique en matière de tourisme, etc. Le projet dure 5 ans renouvelables et, après les 10 premières années, le matériel sera rétrocédé à l’Etat. « C’est une coopération gagnant-gagnant et le Sénégal compte utiliser sa part des recettes pour financer des projets d’emploi des jeunes », avait estimé le commissaire Diallo. Des dispenses sont accordées aux non Sénégalais n’appartenant pas à l’espace Cedeao, mais qui ont déjà une carte de résidence ; aux ressortissants de pays avec qui le Sénégal a signé certains accords ; aux touristes ayant des contrats avec des tours operators pour cette présente campagne touristique ; aux binationaux qui ont un passeport et une carte d’identité Sénégalaise et aux réfugiés.
Ndiol Maka SECK
Le ministère du Tourisme a déjà enregistré 5.000 demandes
Quelque 5000 demandes de visas biométriques ont été enregistrées en 48 heures, selon le ministre sénégalais du Tourisme et des Loisirs, Youssou Ndour. Il s'exprimait, hier, au premier jour de l'entrée en vigueur de la mesure de réciprocité des visas au Sénégal. « En 48 heures seulement, 5000 demandes de visas ont été enregistrées par nos services, ce qui témoigne de l'engouement des étrangers à se rendre au Sénégal», a dit le ministre du Tourisme. M. Ndour et son collègue de l'Intérieur, Pathé Seck, procédaient au lancement officiel du dispositif de délivrance du visa biométrique à l'aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar.
(APA)
Mbaye Lo Tall, Consul a Bordeaux : « Le Sénégal n’a fait qu’appliquer une mesure d’ordre international »
Après avoir été chef de protocole de plusieurs ministres parmi lesquels Macky Sall, alors Premier ministre, et travaillé dans plusieurs consulats, Mbaye Lô Tall a été nommé à Bordeaux. L’application de la mesure sur la réciprocité des visas constitue son premier chantier en Gironde.
Quel est votre sentiment sur la mesure des visas biométriques pour les étrangers devant se rendre au Sénégal ?
«Je pense que c’est une bonne chose, la mesure participe à la sauverainteté du pays. Elle a été réclamée par les agents du ministère des Affaires étrangères depuis 1987. Sur le plan économique cela peut avoir un impact. On ne peut que s’en réjouir. Nous n’avons fait qu’appliquer une mesure d’ordre international. La mise en œuvre et les mesures d’accompagnement posaient problème. L’Etat a trouvé la parade en s’associant à une société. Nous verrons quelles sont les choses à rectifier. La pratique nous édifiera».
Avez-vous reçu des mesures d’exonération pour les Tours operators ?
«Nous n’avons pas encore reçu d’instruction concernant les Tours operators et ceux qui avaient déjà leur billet. Nous avons reçu toutes les dispositions pratiques pour faire appliquer la mesure. Pour les bi nationaux, nous avons reçu les dispositions visant à savoir s’ils sont titulaires de passeports ou de cartes d’identité sénégalaise. Dans ce cas, ils sont exemptés de visas. La disposition a été largement diffusée dans la région bordelaise par les associations des étudiants et des travailleurs».
Quelles sont les singularités de Bordeaux dans la mise en place de la loi ?
«Il n’y en a pas forcément, nous prenons les mêmes dispositions. Le seul problème que nous pouvons soulevé est au niveau des retards sur le financement des locaux. Nous n’avons pas reçu les financements. Il ya des sociétés qui ont postulé mais on a pas encore le financement».
Une enquête de notre correspondant à Paris Moussa DIOP
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