Une litanie de bidons jaunes asséchés autour d’un forage artisanal décore le sol. Les plus nantis ont des ânes pour le transport de l’eau, tandis la plupart des femmes attendent de poser la bassine sur la tête approvisionner leur maison… C’est le quotidien des femmes de Touba Toul, commune rurale située dans le département de Thiès.
«Je suis devenue mince à cause des bidons. Je fais 20 bidons le matin et 20 autres le soir», se plaint Sara Diouf, dont le visage traîne des traces de vieillesse. Dans ce vaste espace public du village de Keur Lamane, sans eau potable et sans électricité, Binetou gère le forage grâce à un compteur Woyofal de la Senelec. «On achète une carte de 20 mille pour faire fonctionner le forage qui a besoin d’électricité. Chaque bidon rempli, c’est 5 francs. Parfois, je peux me retrouver avec 50 mille francs», explique la sexagénaire. Après la fin du forfait électrique, Binetou dépose l’argent au niveau du Comité provisoire pour la gestion du forage.
Délégataire du service public (Dsp) de l’eau potable dans cette zone, l’opérateur Aquatech a été chassé par les populations qui lui reprochent des jours de pénurie d’eau. Il faut relever que dans le cadre de la réforme relative à l’accès universel à une eau potable de qualité en milieu rural, l’Ofor a signé des contrats de 10 ans avec les opérateurs Seoh, Aquatech, Flexeau et Soges. Désigné depuis le 10 mars 2016 comme Dsp des zones rurales des régions de Thiès et Diourbel, Aquatech a débuté ses activités en avril 2018. Mais l’entreprise qui collabore avec Munif Groupe de l’homme d’affaires Tahirou Sarr fait face à la défiance des populations. «Depuis octobre 2020, on a pris de force le contrôle du forage. On restait 3 à 4 jours sans avoir de l’eau. Et si on n’en trouve, c’est à 3h ou 4h du matin avec une faible pression», dénonce Daouda Diouf, coordonnateur provisoire du Comité de gestion des forages de Touba Toul. Ce dernier a acheté un âne à 35 mille francs, rien que pour le transport quotidien de ses 20 bidons d’eau.
Des collectifs de jeunes prennent le pouvoir
Dans la réforme sur l’hydraulique rurale, Aquatech doit approvisionner 2 millions 453 mille 599 personnes, d’après le contrat de performance paraphé entre la Société et l’Ofor. La société, qui a débuté ses activités en avril 2018, est rejetée par beaucoup de villages. De Mboro à Bambey Sérère, en passant par Touba Toul, Baba Garage, Ngoyé, Ndangalma ou Tocky Gare, l’entreprise d’origine canadienne, selon son site, a été supplantée par des collectifs citoyens qui ont pignon sur rue. Des zones de non-droit où l’Etat, impuissant, voit son autorité remise en cause par des groupes organisés. «Nous contrôlons désormais 80% des forages dévolus à Aquatech qui brille par sa mauvaise gestion. On reste des jours sans eau et les factures sont chères», justifie Modou Diouf, chargé de communication de l’Union du monde rural (Umr).
Face au refus de certaines populations à payer les factures à cause de la rareté de l’eau, l’Etat a commandité une Mission d’évaluation de la réforme de l’hydraulique rurale. Le Quotidien a pu disposer des conclusions du rapport provisoire de cette étude, déposées sur la table du ministre de l’Eau et de l’assainissement depuis mai 2021 et jusqu’ici non rendues publiques. L’enquête révèle que sur un nombre total de 270 forages prévus, Aquatech ne gère actuellement que 93. En 2019, 17 villages de la zone ont refusé la gestion du nouveau Dsp (4 dans la région de Diourbel et 13 dans celle de Thiès). L’opérateur est en proie à des difficultés liées à l’électrification des forages et à la fourniture en carburant de ceux qui ne sont pas électrifiés.
A Mboro, depuis le 4 décembre 2020, Aquatech a été forcé de plier bagages par une déferlante humaine. Dans cette localité où la nappe phréatique cohabite avec les activités des Industries chimiques du Sénégal (Ics) et de la Gco, le liquide précieux est une denrée rare, voire introuvable. Dans sa somptueuse résidence R+2 nichée dans le calme olympien de la Cité Serigne Mansour, Aitou a déboursé 300 mille pour édifier un forage artisanal dans la maison qui jouxte l’un des deux forages de la commune. «L’eau est de couleur verte. On boit cette eau parce qu’on n’a pas d’autres alternatives. Si cela ne dépendait que de nous, on allait avoir un robinet avec de l’eau potable. On est à 10 mètres du forage et on ne peut pas avoir de l’eau», se résigne-t-elle.
Pour minimiser les risques sanitaires, le comprimé Aquatabs est dissolu dans l’eau. Certaines populations décident de ne plus payer l’eau. Suffisant pour mettre le Dsp en difficulté financière. Avant son départ de Mboro, il traînait une facture d’électricité impayée de 52 millions et 9 millions à Touba Toul. «On avait fait des marches et des manifestations de protestation et Aquatech nous a reçus pour faire des promesses allant dans le sens d’améliorer les choses. Mais la situation de manque d’eau s’est empirée», rembobine El Hadji Malick Guèye, coordonnateur du mouvement «Aquatech dégage» qui assure maintenant la gestion des deux forages de Mboro, situés à Ngayène et à la Cité Serigne Mansour.
Par Babacar Guèye DIOP-bgdiop@lequotidien.sn
«Je suis devenue mince à cause des bidons. Je fais 20 bidons le matin et 20 autres le soir», se plaint Sara Diouf, dont le visage traîne des traces de vieillesse. Dans ce vaste espace public du village de Keur Lamane, sans eau potable et sans électricité, Binetou gère le forage grâce à un compteur Woyofal de la Senelec. «On achète une carte de 20 mille pour faire fonctionner le forage qui a besoin d’électricité. Chaque bidon rempli, c’est 5 francs. Parfois, je peux me retrouver avec 50 mille francs», explique la sexagénaire. Après la fin du forfait électrique, Binetou dépose l’argent au niveau du Comité provisoire pour la gestion du forage.
Délégataire du service public (Dsp) de l’eau potable dans cette zone, l’opérateur Aquatech a été chassé par les populations qui lui reprochent des jours de pénurie d’eau. Il faut relever que dans le cadre de la réforme relative à l’accès universel à une eau potable de qualité en milieu rural, l’Ofor a signé des contrats de 10 ans avec les opérateurs Seoh, Aquatech, Flexeau et Soges. Désigné depuis le 10 mars 2016 comme Dsp des zones rurales des régions de Thiès et Diourbel, Aquatech a débuté ses activités en avril 2018. Mais l’entreprise qui collabore avec Munif Groupe de l’homme d’affaires Tahirou Sarr fait face à la défiance des populations. «Depuis octobre 2020, on a pris de force le contrôle du forage. On restait 3 à 4 jours sans avoir de l’eau. Et si on n’en trouve, c’est à 3h ou 4h du matin avec une faible pression», dénonce Daouda Diouf, coordonnateur provisoire du Comité de gestion des forages de Touba Toul. Ce dernier a acheté un âne à 35 mille francs, rien que pour le transport quotidien de ses 20 bidons d’eau.
Des collectifs de jeunes prennent le pouvoir
Dans la réforme sur l’hydraulique rurale, Aquatech doit approvisionner 2 millions 453 mille 599 personnes, d’après le contrat de performance paraphé entre la Société et l’Ofor. La société, qui a débuté ses activités en avril 2018, est rejetée par beaucoup de villages. De Mboro à Bambey Sérère, en passant par Touba Toul, Baba Garage, Ngoyé, Ndangalma ou Tocky Gare, l’entreprise d’origine canadienne, selon son site, a été supplantée par des collectifs citoyens qui ont pignon sur rue. Des zones de non-droit où l’Etat, impuissant, voit son autorité remise en cause par des groupes organisés. «Nous contrôlons désormais 80% des forages dévolus à Aquatech qui brille par sa mauvaise gestion. On reste des jours sans eau et les factures sont chères», justifie Modou Diouf, chargé de communication de l’Union du monde rural (Umr).
Face au refus de certaines populations à payer les factures à cause de la rareté de l’eau, l’Etat a commandité une Mission d’évaluation de la réforme de l’hydraulique rurale. Le Quotidien a pu disposer des conclusions du rapport provisoire de cette étude, déposées sur la table du ministre de l’Eau et de l’assainissement depuis mai 2021 et jusqu’ici non rendues publiques. L’enquête révèle que sur un nombre total de 270 forages prévus, Aquatech ne gère actuellement que 93. En 2019, 17 villages de la zone ont refusé la gestion du nouveau Dsp (4 dans la région de Diourbel et 13 dans celle de Thiès). L’opérateur est en proie à des difficultés liées à l’électrification des forages et à la fourniture en carburant de ceux qui ne sont pas électrifiés.
A Mboro, depuis le 4 décembre 2020, Aquatech a été forcé de plier bagages par une déferlante humaine. Dans cette localité où la nappe phréatique cohabite avec les activités des Industries chimiques du Sénégal (Ics) et de la Gco, le liquide précieux est une denrée rare, voire introuvable. Dans sa somptueuse résidence R+2 nichée dans le calme olympien de la Cité Serigne Mansour, Aitou a déboursé 300 mille pour édifier un forage artisanal dans la maison qui jouxte l’un des deux forages de la commune. «L’eau est de couleur verte. On boit cette eau parce qu’on n’a pas d’autres alternatives. Si cela ne dépendait que de nous, on allait avoir un robinet avec de l’eau potable. On est à 10 mètres du forage et on ne peut pas avoir de l’eau», se résigne-t-elle.
Pour minimiser les risques sanitaires, le comprimé Aquatabs est dissolu dans l’eau. Certaines populations décident de ne plus payer l’eau. Suffisant pour mettre le Dsp en difficulté financière. Avant son départ de Mboro, il traînait une facture d’électricité impayée de 52 millions et 9 millions à Touba Toul. «On avait fait des marches et des manifestations de protestation et Aquatech nous a reçus pour faire des promesses allant dans le sens d’améliorer les choses. Mais la situation de manque d’eau s’est empirée», rembobine El Hadji Malick Guèye, coordonnateur du mouvement «Aquatech dégage» qui assure maintenant la gestion des deux forages de Mboro, situés à Ngayène et à la Cité Serigne Mansour.
Par Babacar Guèye DIOP-bgdiop@lequotidien.sn