Pourtant des millions de mères de famille évoluent dans le silence pesant de ce traumatisme
Coumba* fait partie de cette foule de malheureuses qui vivent au quotidien les affres de la mutilation génitale. La jeune femme est une sénégalaise de 33 ans née à Dakar. Elle est issue d’une famille qui a ses origines en Casamance, une région du sud du Sénégal, connue pour son décor de carte postale et ses paysages idylliques.
Coumba coulait des jours heureux dans la capitale sénégalaise quand, à l’âge de 12 ans, prétextant des vacances, sa mère l’amena au village. Excitée à l’idée de voir à quoi ressemblait la contrée dont on lui chantait si souvent les louanges, le jeune fille était toute pressée de quitter Dakar.
Dès l’arrivée au village l’ambiance sembla étrange. Les conciliabules allèrent bon train comme si on voulait éviter à Coumba d’apprendre une mauvaise nouvelle. Sa surprise n’en fut que plus grande quand sa mère l’amena chez une vielle dame qui lui était totalement inconnue. Il s’agissait, en fait, de «l’experte en ablation de clitoris». Après les salamalecs d’usage, on passa aux choses sérieuses. Alors que deux vigoureuses dames lui tenaient chacune une jambe, l’exciseuse, se saisit du couteau qui lui sert toujours pour cet exercice et sectionna brutalement le clitoris.
La violence du geste fut telle que le sang gicla violemment. Malgré les mots pour rassurer et les tentatives d’arrêter le liquide, il coulait sans discontinuer. L’exciseuse était désemparée car pour la première fois elle avait une cliente qui saignait autant. Le fait est que Coumba souffre d’une maladie, détectée il y a peu de temps chez elle, dénommée «hémophilie». Il s’agit d’une anomalie causée par une défaillance d’un des facteurs de la coagulation. Un hémophile peut se vider de son sang en un temps record à la suite d’une toute petite coupure. Que dire alors d’une blessure volontaire faite au moyen d’un instrument aussi tranchant qu’un couteau et dans un endroit si intime du corps ?
Voyant que la jeune fille perdait trop de sang les exciseuses furent prises de panique. C’est alors qu’elles décidèrent de mâcher de la kola et de l’appliquer sur la plaie ouverte. Mais rien ne semblait arrêter le flot. Alors, elles persistèrent à appliquer encore et encore le même produit, qui réussit à calmer le saignement au bout de quelques heures. Mais une infection s’ensuivit, qui rendait les déplacements de la fille plus que chaotique l’obligeant à rester cloitrée dans une case le plus clair du temps. Coumba vécut plusieurs semaines au cours desquelles même uriner était devenu une corvée. Mais on lui présentait cette douleur comme un passage obligé pour devenir une fille «entière» (sic) et pure.
Quatre ans après le passage du couteau exciseur, la jeune fille était donnée en mariage à un émigré vivant en France. C’était en 1996. Pendant quatre ans - c'est-à-dire jusqu’en 2000 – Coumba, vivant à Dakar, n’a pas vu physiquement son époux qui était en situation irrégulière dans l’Hexagone. Quand il put enfin revenir au Sénégal, il fallait organiser au plus vite la nuit de noces. Coumba aurait préféré ne jamais voir son mari car la douleur du premier rapport était la même que le jour où on lui a arraché son clitoris. En effet, en plus de lui avoir ôté cette partie considérée comme impure, l’entrée de l’appareil génital avait été obstrué au maximum pour, dit-on, empêcher la pénétration masculine. Dès lors, avant le premier rapport, une dame a dû procéder à une incision au moyen d’une lame pour frayer un passage. L’acte se fit donc sur une plaie béante.
«Depuis cette date, explique Coumba en 2012, chacun de mes rapports me fait revivre le même supplice que lors de ma première fois». Et de poursuivre avec amertume: «le plaisir sexuel dont j’entends souvent parler reste un rêve pour moi et je sais que je ne le connaîtrais jamais».
Aujourd’hui Coumba vit en France où elle a rejoint son mari depuis 2002. Elle est devenue mère de trois enfants, un garçon et deux filles. Autant dire qu’elle a tout pour être heureuse mais reste figée dans son passé cauchemardesque. «Quand la nuit commence à tomber j’appréhende », dit-elle, consciente du calvaire qui l’attend au lit. Son mal-être est d’autant plus grand que la désormais mère de famille vit avec un mari qui a une conception assez datée du rôle de la femme. Celle-ci serait au mieux un simple réceptacle et au pire un engin cantonné à la seule reproduction.
Coumba jure de ne jamais faire subir cette torture à ses filles qui ont aujourd’hui cinq et trois ans. Lors de ses vacances de 2010 à Dakar, la grand-mère a fait une tentative mais elle a été sèchement envoyée dans les filets par une Coumba désormais en guerre contre cette pratique scandaleuse.
Cette voix méritait d’être entendue au moment où certains osent convoquer la culture ou la religion pour justifier cet acte d’un autre temps.
Omar Ba avec Baolnews.com
Coumba* fait partie de cette foule de malheureuses qui vivent au quotidien les affres de la mutilation génitale. La jeune femme est une sénégalaise de 33 ans née à Dakar. Elle est issue d’une famille qui a ses origines en Casamance, une région du sud du Sénégal, connue pour son décor de carte postale et ses paysages idylliques.
Coumba coulait des jours heureux dans la capitale sénégalaise quand, à l’âge de 12 ans, prétextant des vacances, sa mère l’amena au village. Excitée à l’idée de voir à quoi ressemblait la contrée dont on lui chantait si souvent les louanges, le jeune fille était toute pressée de quitter Dakar.
Dès l’arrivée au village l’ambiance sembla étrange. Les conciliabules allèrent bon train comme si on voulait éviter à Coumba d’apprendre une mauvaise nouvelle. Sa surprise n’en fut que plus grande quand sa mère l’amena chez une vielle dame qui lui était totalement inconnue. Il s’agissait, en fait, de «l’experte en ablation de clitoris». Après les salamalecs d’usage, on passa aux choses sérieuses. Alors que deux vigoureuses dames lui tenaient chacune une jambe, l’exciseuse, se saisit du couteau qui lui sert toujours pour cet exercice et sectionna brutalement le clitoris.
La violence du geste fut telle que le sang gicla violemment. Malgré les mots pour rassurer et les tentatives d’arrêter le liquide, il coulait sans discontinuer. L’exciseuse était désemparée car pour la première fois elle avait une cliente qui saignait autant. Le fait est que Coumba souffre d’une maladie, détectée il y a peu de temps chez elle, dénommée «hémophilie». Il s’agit d’une anomalie causée par une défaillance d’un des facteurs de la coagulation. Un hémophile peut se vider de son sang en un temps record à la suite d’une toute petite coupure. Que dire alors d’une blessure volontaire faite au moyen d’un instrument aussi tranchant qu’un couteau et dans un endroit si intime du corps ?
Voyant que la jeune fille perdait trop de sang les exciseuses furent prises de panique. C’est alors qu’elles décidèrent de mâcher de la kola et de l’appliquer sur la plaie ouverte. Mais rien ne semblait arrêter le flot. Alors, elles persistèrent à appliquer encore et encore le même produit, qui réussit à calmer le saignement au bout de quelques heures. Mais une infection s’ensuivit, qui rendait les déplacements de la fille plus que chaotique l’obligeant à rester cloitrée dans une case le plus clair du temps. Coumba vécut plusieurs semaines au cours desquelles même uriner était devenu une corvée. Mais on lui présentait cette douleur comme un passage obligé pour devenir une fille «entière» (sic) et pure.
Quatre ans après le passage du couteau exciseur, la jeune fille était donnée en mariage à un émigré vivant en France. C’était en 1996. Pendant quatre ans - c'est-à-dire jusqu’en 2000 – Coumba, vivant à Dakar, n’a pas vu physiquement son époux qui était en situation irrégulière dans l’Hexagone. Quand il put enfin revenir au Sénégal, il fallait organiser au plus vite la nuit de noces. Coumba aurait préféré ne jamais voir son mari car la douleur du premier rapport était la même que le jour où on lui a arraché son clitoris. En effet, en plus de lui avoir ôté cette partie considérée comme impure, l’entrée de l’appareil génital avait été obstrué au maximum pour, dit-on, empêcher la pénétration masculine. Dès lors, avant le premier rapport, une dame a dû procéder à une incision au moyen d’une lame pour frayer un passage. L’acte se fit donc sur une plaie béante.
«Depuis cette date, explique Coumba en 2012, chacun de mes rapports me fait revivre le même supplice que lors de ma première fois». Et de poursuivre avec amertume: «le plaisir sexuel dont j’entends souvent parler reste un rêve pour moi et je sais que je ne le connaîtrais jamais».
Aujourd’hui Coumba vit en France où elle a rejoint son mari depuis 2002. Elle est devenue mère de trois enfants, un garçon et deux filles. Autant dire qu’elle a tout pour être heureuse mais reste figée dans son passé cauchemardesque. «Quand la nuit commence à tomber j’appréhende », dit-elle, consciente du calvaire qui l’attend au lit. Son mal-être est d’autant plus grand que la désormais mère de famille vit avec un mari qui a une conception assez datée du rôle de la femme. Celle-ci serait au mieux un simple réceptacle et au pire un engin cantonné à la seule reproduction.
Coumba jure de ne jamais faire subir cette torture à ses filles qui ont aujourd’hui cinq et trois ans. Lors de ses vacances de 2010 à Dakar, la grand-mère a fait une tentative mais elle a été sèchement envoyée dans les filets par une Coumba désormais en guerre contre cette pratique scandaleuse.
Cette voix méritait d’être entendue au moment où certains osent convoquer la culture ou la religion pour justifier cet acte d’un autre temps.
Omar Ba avec Baolnews.com