Il a à peine 11 ans. Chétif, teint noir, vêtu de ses habits maculés de cambouillis comme tout apprenti, Sidy Bouya Fall Sarr à l’état civil, Cheikhal Khalifa pour les habitants de Sor Bayal à Saint-Louis, suit aujourd’hui un destin de soudeur malgré ses aptitudes d’élève brillant et toujours premier de sa classe.
Issu d’une famille très démuni, de parents divorcés, Cheikhal Khalifa, inscrit à l’école primaire de Sor Bayal, dans son quartier, n'a pu continuer les cours au-delà de la classe de CE1.
Une fois ses parents divorcés, il n’avait plus de soutien pour lui assurer ses fournitures scolaires, mais plus encore ses repas quotidiens qui lui auraient permis de rester attentif aux cours du maître. En classe, le ventre vide, sans petit-déjeuner, il reprenait le chemin de l’école sans prendre le déjeuner de midi.
On est en octobre 2011, à la rentrée des classes. Le petit Sidy Bouya commence ainsi à déserter les bancs de l’école pour aller se refugier au terrain Wembley où il jouait au football avec d’autres enfants et se débrouillait avec ses petits copains pour manger chez l’un d’eux.
Sa mère, qui n’arrivait pas à joindre les deux bouts, avait trouvé un travail de domestique au niveau d’une maison au quartier Sor. Absente toute la journée, elle ne faisait pas attentions aux escapades de son fils.
‘’Il n’ y a que des femmes à la maison, sa mère, ses deux tantes, leurs petits enfants et moi. Mon mari est décédé depuis plusieurs années, et mon unique fils, pêcheur, est rarement présent’’, confie sa grand-mère Ndèye Seck.
Devenue chef de famille, la grand-mère se débrouille chaque jour avec ses recettes journalières au marché, où elle vend des arachides, pour assurer la popote. Mais c’est loin d’être évident.
La promiscuité est totale dans la maison construite uniquement avec des zincs rouillés. Deux pièces rafistolées, qui servent de chambres; dans l’une d’elles, trois matelas sont posés à même le sol, une petite cour d’à peine 3m2. Le décor de la maison est peu reluisant. Pas d’eau courante, pas de toilettes, encore moins de cuisine.
Laissé à son propre sort par un père, gardien dans une banque de la place, qui n’assure pas la pension alimentaire de ses 4 enfants, Sidy Bouya choisit alors de trouver son propre créneau pour aider sa mère.
Faisant une croix sur l’école d'où il a été finalement renvoyé pour absentéisme, il finit par descendre le matin au niveau du marché de Sor et de Ndar-Toute pour aider les femmes à transporter leurs paniers moyennant une petite pièce. Conscient de la situation de la maison malgré son jeune âge, le petit Sidy voulait soutenir sa famille.
Quotidiennement, il rentrait à la maison avec 500 ou 600 francs CFA qu’il remettait à sa mère qui ne se souciait pas de ce que son fils abandonnait ainsi les bancs de l’école pour travailler au marché toute la journée.
Mais, pris par le goût de ses ‘’nouvelles responsabilités’’, l’enfant choisit alors, le 10 octobre, de déserter la maison où il y a une grande promiscuité. Il préférait passer la nuit au niveau des étals des marchés ou dans les devantures des restaurants de la ville où il faisait également la pitance. C’est dans ces conditions qu’il a été récupéré par un animateur de l’ONG Claire Enfance, qui dispose d’un centre d’écoute pour les enfants de la rue.
L’organisation effectue ainsi des descentes la nuit, avec l’autorisation du préfet, pour identifier les enfants qui passent la nuit dans les rues, pour les récupérer, les identifier et éventuellement organiser leur retour dans leurs familles.
C’est le cas de Cheikhal Khalifa. Après sa récupération, il a été placé dans un centre d’accueil, puis une enquête du service Action éducatif en milieu ouvert (AEMO), qui relève du ministère de la Justice, a fait une enquête pour identifier l’enfant.
Retourné dans sa famille, le responsable de Claire Enfance, Babacar Diop, s’est rendu compte des conditions de vie difficiles de sa famille qui n’avait même pas trouvé nécessaire de rechercher le petit livré à lui-même.
A l’école de Sor Bayal où il étudiait, renvoyé par sa maîtresse, il n’est plus accepté par le directeur à cause de ses fugues répétées. Finalement, c’est le menuisier métallique du coin qui accepte de le recueillir dans son atelier où il apprend les rudiments du métier en s’occupant des menus travaux.
‘’Au début, il venait le matin et rentrait vers 13 heures chez lui pour revenir l’après-midi à 16 h et travaillait jusqu’ à 18 heures’’, explique le propriétaire de l’atelier, Abdou Khadre Sow. Mais après quelques semaines, l’enfant disparait encore pour aller rejoindre ses copains du marché de Sor et de Ndar-Toute. ‘’Je croyais qu’il avait repris l’école et je n’ai pas cherché à le ramener dans l’atelier’’, confie M. Sow.
Cheikhal Khalifa renoue ainsi avec les nuits à la belle étoile. Dopé par les recettes journalières, il rompt encore avec sa famille. Mais la détermination des encadreurs de Claire Enfance auront encore raison sur sa témérité. L’animateur Boubacar Diop le retrouve encore, recroquevillé dans son tee-shirt pour se protéger en vain contre les nuits fraîches de Saint-Louis.
Ramené auprès de son maître d’atelier, il explique sa fugue par le besoin de se nourrir et d’aider sa famille. Aujourd’hui, le responsable de l’atelier lui assure ses repas quotidiens. A la descente, quelques pièces lui sont remises également pour le dîner.
Cheikhal Khalifa poursuit ainsi un destin de menuisier métallique depuis quelques mois, laissant pour le moment à d’autres enfants, encore nombreux, les affres des nuits fraîches de Saint-Louis, où ils s’exposent à la belle étoile, après une recherche effrénée de pitance toute la journée.
La plupart habitent Kolda, Tambacounda, Matam ou des pays de la sous-région comme le Mali, la Guiné- Bissau ou la Guinée Conakry.
APS
Issu d’une famille très démuni, de parents divorcés, Cheikhal Khalifa, inscrit à l’école primaire de Sor Bayal, dans son quartier, n'a pu continuer les cours au-delà de la classe de CE1.
Une fois ses parents divorcés, il n’avait plus de soutien pour lui assurer ses fournitures scolaires, mais plus encore ses repas quotidiens qui lui auraient permis de rester attentif aux cours du maître. En classe, le ventre vide, sans petit-déjeuner, il reprenait le chemin de l’école sans prendre le déjeuner de midi.
On est en octobre 2011, à la rentrée des classes. Le petit Sidy Bouya commence ainsi à déserter les bancs de l’école pour aller se refugier au terrain Wembley où il jouait au football avec d’autres enfants et se débrouillait avec ses petits copains pour manger chez l’un d’eux.
Sa mère, qui n’arrivait pas à joindre les deux bouts, avait trouvé un travail de domestique au niveau d’une maison au quartier Sor. Absente toute la journée, elle ne faisait pas attentions aux escapades de son fils.
‘’Il n’ y a que des femmes à la maison, sa mère, ses deux tantes, leurs petits enfants et moi. Mon mari est décédé depuis plusieurs années, et mon unique fils, pêcheur, est rarement présent’’, confie sa grand-mère Ndèye Seck.
Devenue chef de famille, la grand-mère se débrouille chaque jour avec ses recettes journalières au marché, où elle vend des arachides, pour assurer la popote. Mais c’est loin d’être évident.
La promiscuité est totale dans la maison construite uniquement avec des zincs rouillés. Deux pièces rafistolées, qui servent de chambres; dans l’une d’elles, trois matelas sont posés à même le sol, une petite cour d’à peine 3m2. Le décor de la maison est peu reluisant. Pas d’eau courante, pas de toilettes, encore moins de cuisine.
Laissé à son propre sort par un père, gardien dans une banque de la place, qui n’assure pas la pension alimentaire de ses 4 enfants, Sidy Bouya choisit alors de trouver son propre créneau pour aider sa mère.
Faisant une croix sur l’école d'où il a été finalement renvoyé pour absentéisme, il finit par descendre le matin au niveau du marché de Sor et de Ndar-Toute pour aider les femmes à transporter leurs paniers moyennant une petite pièce. Conscient de la situation de la maison malgré son jeune âge, le petit Sidy voulait soutenir sa famille.
Quotidiennement, il rentrait à la maison avec 500 ou 600 francs CFA qu’il remettait à sa mère qui ne se souciait pas de ce que son fils abandonnait ainsi les bancs de l’école pour travailler au marché toute la journée.
Mais, pris par le goût de ses ‘’nouvelles responsabilités’’, l’enfant choisit alors, le 10 octobre, de déserter la maison où il y a une grande promiscuité. Il préférait passer la nuit au niveau des étals des marchés ou dans les devantures des restaurants de la ville où il faisait également la pitance. C’est dans ces conditions qu’il a été récupéré par un animateur de l’ONG Claire Enfance, qui dispose d’un centre d’écoute pour les enfants de la rue.
L’organisation effectue ainsi des descentes la nuit, avec l’autorisation du préfet, pour identifier les enfants qui passent la nuit dans les rues, pour les récupérer, les identifier et éventuellement organiser leur retour dans leurs familles.
C’est le cas de Cheikhal Khalifa. Après sa récupération, il a été placé dans un centre d’accueil, puis une enquête du service Action éducatif en milieu ouvert (AEMO), qui relève du ministère de la Justice, a fait une enquête pour identifier l’enfant.
Retourné dans sa famille, le responsable de Claire Enfance, Babacar Diop, s’est rendu compte des conditions de vie difficiles de sa famille qui n’avait même pas trouvé nécessaire de rechercher le petit livré à lui-même.
A l’école de Sor Bayal où il étudiait, renvoyé par sa maîtresse, il n’est plus accepté par le directeur à cause de ses fugues répétées. Finalement, c’est le menuisier métallique du coin qui accepte de le recueillir dans son atelier où il apprend les rudiments du métier en s’occupant des menus travaux.
‘’Au début, il venait le matin et rentrait vers 13 heures chez lui pour revenir l’après-midi à 16 h et travaillait jusqu’ à 18 heures’’, explique le propriétaire de l’atelier, Abdou Khadre Sow. Mais après quelques semaines, l’enfant disparait encore pour aller rejoindre ses copains du marché de Sor et de Ndar-Toute. ‘’Je croyais qu’il avait repris l’école et je n’ai pas cherché à le ramener dans l’atelier’’, confie M. Sow.
Cheikhal Khalifa renoue ainsi avec les nuits à la belle étoile. Dopé par les recettes journalières, il rompt encore avec sa famille. Mais la détermination des encadreurs de Claire Enfance auront encore raison sur sa témérité. L’animateur Boubacar Diop le retrouve encore, recroquevillé dans son tee-shirt pour se protéger en vain contre les nuits fraîches de Saint-Louis.
Ramené auprès de son maître d’atelier, il explique sa fugue par le besoin de se nourrir et d’aider sa famille. Aujourd’hui, le responsable de l’atelier lui assure ses repas quotidiens. A la descente, quelques pièces lui sont remises également pour le dîner.
Cheikhal Khalifa poursuit ainsi un destin de menuisier métallique depuis quelques mois, laissant pour le moment à d’autres enfants, encore nombreux, les affres des nuits fraîches de Saint-Louis, où ils s’exposent à la belle étoile, après une recherche effrénée de pitance toute la journée.
La plupart habitent Kolda, Tambacounda, Matam ou des pays de la sous-région comme le Mali, la Guiné- Bissau ou la Guinée Conakry.
APS