« Anthropologie de la sexualité : philosophie, culture et construction sociale du sexe au Sénégal ». C’est l’intitulé de la thèse d’Etat présentée, samedi dernier, par Cheikh Ibrahima Niang. Ce travail, selon le jury, qui a donné la mention très honorable à l’auteur, brise les tabous qui entourent la sexualité.
Dr Cheikh Ibrahima Niang, maître-assistant à l’Institut des Sciences de l’Environnement (Ise) de l’Ucad, a présenté, samedi dernier, une thèse d’Etat sur « Anthropologie de la sexualité : philosophie, culture et construction sociale du sexe au Sénégal » devant un jury composé d’éminents professeurs de l’Ucad, d’universités américaines et françaises. Cette thèse présente une analyse des concepts et des discours autour de la sexualité. Ce travail, fruit de 20 ans de recherches, témoigne, comme le dit le Pr Abdoulaye Bara Diop, directeur de la thèse, « d’une vaste culture de son auteur qui envisage tous les aspects de son objet d’étude ». Pour le Pr Diop, Dr Niang a même « érotisé le cosmos, l’expérience et le concept ». Dans un document de 1133 pages réparties en deux volumes, Cheikh Ibrahima Niang est revenu, devant le jury présidé par le Pr Boubacar Ly, assisté de 5 autres professeurs issus de l’Ucad, des universités américaines et françaises, sur les différents aspects de la sexualité de la production à la reproduction du sexe en passant par le processus de maturité et d’accouchement.
Le sexe n’est pas une donnée naturelle
Dans cette étude, le sexe est déjà féminin au départ. Et que la femme joue un rôle déterminant dans la sexualité. « C’est elle qui crée la sexualité. Un capital érotique », a déclaré Dr Niang. Pour lui, on ne peut pas réduire la sexualité seulement aux organes. « Le sexe est art, un art par essence dominé, inventé et continuellement réinventé par la femme. Le discours du sexe est essentiellement produit par la femme. Il entre dans des logiques de construction des identités et de confrontation des rapports de genre », a-t-il expliqué, soulignant que « le sexe n’est pas une donnée naturelle, il est fabriqué par les processus sociaux qui enfouissent, en même temps, le masculin et le féminin dans les organes, dans les corps individuels et collectifs ».
À son avis, le discours autour du sexe doit fournir des éléments majeurs pour l’éducation sexuelle à l’école, pour l’éducation à l’égalité des genres et pour la lutte contre les violences sexuelles et la désexualisation. Malheureusement, a-t-il déploré, « l’inadéquation de nos systèmes de santé et d’éducation, de nos structures politiques aux questions urgentes des sociétés renvoie à des constructions de la masculinité et de la féminité qui sont, pour le moins, susceptibles d’être remises en cause ». Du coup, a poursuivi Dr Niang, « cette conception prolonge la barbarie comme processus de négation de l’autre, alors que le moment est venu de redéfinir la civilisation comme processus social de production pacifique et de reconnaissance de l’autre et de la gestion de la diversité ». Il reste convaincu que le viol et le harcèlement sexuel constituent des entraves à la sexualité. « Nous sommes dans un monde en crise, les repères ont changé. Les femmes sont mises dans une situation de stress terrible », a-t-il déploré.
« Wolofocentrisme »
Dans sa conclusion, Dr Niang devient « le porte-parole de la féminisation » comme le dit son directeur de thèse. « C’est une mission honorable, mais un chercheur ne doit pas être engagé », a regretté le Pr Diop. Toutefois, le maître a estimé que certaines considérations de son élève comme les concepts, les interprétations, l’homosexualité et le « wolofocentrisme » du document paraissent « discutables ». « Il ramène tout à la société wolof, exceptés quelques textes en pulaar », a-t-il ajouté. Le Pr Moustapha Tamba, membre du jury, a indiqué que le titre de la thèse pouvait se résumer à « l’anthropologie de la sexualité au Sénégal chez les Wolofs ».
Pour le Dr Niang, l’interdisciplinarité fait qu’il est difficile de se limiter à certaines considérations disciplinaires. Le Pr Ly et les autres membres du jury comme le Pr Fatou Sow de l’Université Paris Diderot, le Pr Ellen Foley de l’Université Clark aux Etats-Unis, ainsi que le Pr Collins Airihinbuwa de l’université Pennstate aux Etats-Unis ont salué la qualité du travail du Dr Niang. « C’est une thèse féministe de très haut niveau. Une défense et une illustration de la féminisation », a déclaré le Pr Ly, qui souligne que « le sexe féminin est finalement le fondement de la civilisation ». « C’est un travail ambitieux au bon sens du terme », a ajouté le Pr Abdoulaye Bara Diop. « Le sexe est une catégorie totale, un fait total. Dr Niang en a fait l’ontogénèse et la cosmogénèse. On est un peu abasourdi quand on a fini de la lire. Elle est riche par ses données qui proviennent de la culture, des arts graphiques et des photos. C’est tout l’espace humain, mais cosmique qui y est abordé », a-t-il indiqué. À l’issue de la soutenance, le jury a sanctionné cette thèse d’Etat par une mention très honorable.
Dr Niang plaide pour la dépénalisation de la prostitution et de l’homosexualité
Dr Cheikh Ibrahima Niang a plaidé, samedi dernier, au cours de sa soutenance de sa thèse d’Etat portant sur « Anthropologie de la sexualité : philosophie, culture et construction sociale du sexe au Sénégal », la dépénalisation des délits de prostitution et d’homosexualité. Selon lui, le taux de prévalence du Vih/Sida est très élevé chez les travailleuses du sexe enregistrées, comparées à celles qui font dans la clandestinité à cause des violences. « Ce qu’on perd, on le voit. On a donc intérêt à dépénaliser la loi dans ce sens. C’est la paix civile qui est le moteur de la sensibilisation d’une société. Il faut éviter des réactions unilatérales et émotives et avoir un regard lucide », a-t-il déclaré.
Dans sa thèse, il montre aussi tout le danger de la violence contre les homosexuels. À son avis, cette violence ne met seulement pas en danger les personnes qui la pratiquent, mais la société toute entière. Cette violence, a-t-il constaté, « augmente le taux du Vih et banalise la violation des droits humains ». « Les lois contre la prostitution et pénalisant les rapports sexuels entre personnes de même sexe apparaissent comme des reliques coloniales en contradiction logique avec les concepts de genre socialement construits qui associent le masculin », a-t-il ajouté.
Dr Niang est aussi d’avis que l’homosexualité n’est pas un « fait occidental ». « Cette pratique a existé depuis l’antiquité, depuis l’Egypte pharaonique, etc. Ces sociétés ont pu gérer ce phénomène dans la discrétion. Il faut travailler dans ce sens et éviter de pourchasser et de condamner des gens qui ont un penchant homosexuel », a-t-il expliqué. Certes, « toutes les religions l’interdisent, mais la foi est un domaine privé », tranche-t-il.
Dr Cheikh Ibrahima Niang, maître-assistant à l’Institut des Sciences de l’Environnement (Ise) de l’Ucad, a présenté, samedi dernier, une thèse d’Etat sur « Anthropologie de la sexualité : philosophie, culture et construction sociale du sexe au Sénégal » devant un jury composé d’éminents professeurs de l’Ucad, d’universités américaines et françaises. Cette thèse présente une analyse des concepts et des discours autour de la sexualité. Ce travail, fruit de 20 ans de recherches, témoigne, comme le dit le Pr Abdoulaye Bara Diop, directeur de la thèse, « d’une vaste culture de son auteur qui envisage tous les aspects de son objet d’étude ». Pour le Pr Diop, Dr Niang a même « érotisé le cosmos, l’expérience et le concept ». Dans un document de 1133 pages réparties en deux volumes, Cheikh Ibrahima Niang est revenu, devant le jury présidé par le Pr Boubacar Ly, assisté de 5 autres professeurs issus de l’Ucad, des universités américaines et françaises, sur les différents aspects de la sexualité de la production à la reproduction du sexe en passant par le processus de maturité et d’accouchement.
Le sexe n’est pas une donnée naturelle
Dans cette étude, le sexe est déjà féminin au départ. Et que la femme joue un rôle déterminant dans la sexualité. « C’est elle qui crée la sexualité. Un capital érotique », a déclaré Dr Niang. Pour lui, on ne peut pas réduire la sexualité seulement aux organes. « Le sexe est art, un art par essence dominé, inventé et continuellement réinventé par la femme. Le discours du sexe est essentiellement produit par la femme. Il entre dans des logiques de construction des identités et de confrontation des rapports de genre », a-t-il expliqué, soulignant que « le sexe n’est pas une donnée naturelle, il est fabriqué par les processus sociaux qui enfouissent, en même temps, le masculin et le féminin dans les organes, dans les corps individuels et collectifs ».
À son avis, le discours autour du sexe doit fournir des éléments majeurs pour l’éducation sexuelle à l’école, pour l’éducation à l’égalité des genres et pour la lutte contre les violences sexuelles et la désexualisation. Malheureusement, a-t-il déploré, « l’inadéquation de nos systèmes de santé et d’éducation, de nos structures politiques aux questions urgentes des sociétés renvoie à des constructions de la masculinité et de la féminité qui sont, pour le moins, susceptibles d’être remises en cause ». Du coup, a poursuivi Dr Niang, « cette conception prolonge la barbarie comme processus de négation de l’autre, alors que le moment est venu de redéfinir la civilisation comme processus social de production pacifique et de reconnaissance de l’autre et de la gestion de la diversité ». Il reste convaincu que le viol et le harcèlement sexuel constituent des entraves à la sexualité. « Nous sommes dans un monde en crise, les repères ont changé. Les femmes sont mises dans une situation de stress terrible », a-t-il déploré.
« Wolofocentrisme »
Dans sa conclusion, Dr Niang devient « le porte-parole de la féminisation » comme le dit son directeur de thèse. « C’est une mission honorable, mais un chercheur ne doit pas être engagé », a regretté le Pr Diop. Toutefois, le maître a estimé que certaines considérations de son élève comme les concepts, les interprétations, l’homosexualité et le « wolofocentrisme » du document paraissent « discutables ». « Il ramène tout à la société wolof, exceptés quelques textes en pulaar », a-t-il ajouté. Le Pr Moustapha Tamba, membre du jury, a indiqué que le titre de la thèse pouvait se résumer à « l’anthropologie de la sexualité au Sénégal chez les Wolofs ».
Pour le Dr Niang, l’interdisciplinarité fait qu’il est difficile de se limiter à certaines considérations disciplinaires. Le Pr Ly et les autres membres du jury comme le Pr Fatou Sow de l’Université Paris Diderot, le Pr Ellen Foley de l’Université Clark aux Etats-Unis, ainsi que le Pr Collins Airihinbuwa de l’université Pennstate aux Etats-Unis ont salué la qualité du travail du Dr Niang. « C’est une thèse féministe de très haut niveau. Une défense et une illustration de la féminisation », a déclaré le Pr Ly, qui souligne que « le sexe féminin est finalement le fondement de la civilisation ». « C’est un travail ambitieux au bon sens du terme », a ajouté le Pr Abdoulaye Bara Diop. « Le sexe est une catégorie totale, un fait total. Dr Niang en a fait l’ontogénèse et la cosmogénèse. On est un peu abasourdi quand on a fini de la lire. Elle est riche par ses données qui proviennent de la culture, des arts graphiques et des photos. C’est tout l’espace humain, mais cosmique qui y est abordé », a-t-il indiqué. À l’issue de la soutenance, le jury a sanctionné cette thèse d’Etat par une mention très honorable.
Dr Niang plaide pour la dépénalisation de la prostitution et de l’homosexualité
Dr Cheikh Ibrahima Niang a plaidé, samedi dernier, au cours de sa soutenance de sa thèse d’Etat portant sur « Anthropologie de la sexualité : philosophie, culture et construction sociale du sexe au Sénégal », la dépénalisation des délits de prostitution et d’homosexualité. Selon lui, le taux de prévalence du Vih/Sida est très élevé chez les travailleuses du sexe enregistrées, comparées à celles qui font dans la clandestinité à cause des violences. « Ce qu’on perd, on le voit. On a donc intérêt à dépénaliser la loi dans ce sens. C’est la paix civile qui est le moteur de la sensibilisation d’une société. Il faut éviter des réactions unilatérales et émotives et avoir un regard lucide », a-t-il déclaré.
Dans sa thèse, il montre aussi tout le danger de la violence contre les homosexuels. À son avis, cette violence ne met seulement pas en danger les personnes qui la pratiquent, mais la société toute entière. Cette violence, a-t-il constaté, « augmente le taux du Vih et banalise la violation des droits humains ». « Les lois contre la prostitution et pénalisant les rapports sexuels entre personnes de même sexe apparaissent comme des reliques coloniales en contradiction logique avec les concepts de genre socialement construits qui associent le masculin », a-t-il ajouté.
Dr Niang est aussi d’avis que l’homosexualité n’est pas un « fait occidental ». « Cette pratique a existé depuis l’antiquité, depuis l’Egypte pharaonique, etc. Ces sociétés ont pu gérer ce phénomène dans la discrétion. Il faut travailler dans ce sens et éviter de pourchasser et de condamner des gens qui ont un penchant homosexuel », a-t-il expliqué. Certes, « toutes les religions l’interdisent, mais la foi est un domaine privé », tranche-t-il.