Enjeu fondamental de développement, le contenu local est au cœur du débat relatif aux hydrocarbures. Les politiciens ne sont pas en reste. ''Bientôt, disait Aminata Touré pour convaincre les électeurs, Saint-Louis sera la capitale du gaz au Sénégal. L’État a adopté une loi sur le contenu local. Cela signifie que le gaz qu’on va extraire, c’est vous qui allez le transformer. Donc, le département de Saint-Louis a un bel avenir devant lui’’. Il faut noter que les enjeux sont bien plus complexes et sont aux antipodes des affirmations de l’ex-lieutenant de Macky Sall.
Le Sénégal sera bientôt membre de l’Organisation des pays exportateurs de gaz. Ceci aura des conséquences sur le plan économique et social du pays. Mais concrètement, comment les populations locales devront-elles sentir cette émergence économique prévue en 2023 ? Que dit la loi sur le contenu local ? Les réponses sont loin d’être évidentes. Même des personnalités s’y perdent. Lors des élections législatives, pour avoir le vote des Saint-Louisiens, l’ex-lieutenant de Macky Sall, Aminata Touré, disait : ''Bientôt, Saint-Louis sera la capitale du gaz au Sénégal. L’État a adopté une loi sur le contenu local. Cela signifie que le gaz qu’on va extraire, c’est vous qui allez le transformer. Donc, le département de Saint-Louis a un bel avenir devant lui
La question qui se pose est alors de savoir si le contenu local signifie que les ressources naturelles doivent être forcément transformées par les populations des localités où se trouvent les gisements ? En l’occurrence, le gaz du champ GTA doit-il être transformé par les Saint-Louisiens ou à Saint-Louis ?
Aux termes de l’article 1er de la loi 2019-04, ‘’le contenu local dans le secteur des hydrocarbures renvoie à l'ensemble des initiatives prises en vue de promouvoir l'utilisation des biens et des services nationaux, ainsi que le développement de la participation de la main-d'œuvre, de la technologie et du capital nationaux dans toute la chaîne de valeur de l'industrie pétrolière et gazière’’.
Dans la même veine, l’article 3 a été précis, en ce qui concerne les objectifs à atteindre avec une telle disposition. ‘’La présente loi, souligne-t-il, a pour objectif de promouvoir et de développer le contenu local, c'est-à-dire : a) d'augmenter la valeur ajoutée locale et la création d'emplois locaux dans la chaîne de valeur des industries pétrolières et gazières grâce à l'utilisation de l'expertise, ainsi que des biens et services locaux ; b) de favoriser le développement d'une main-d'œuvre locale qualifiée et compétitive ; c) de développer les capacités nationales dans la chaîne de valeur de l'industrie pétrolière et gazière par l'éducation, la formation, le transfert de technologie et de savoir-faire et la recherche-développement ; d) de favoriser le renforcement de la compétitivité nationale et internationale des entreprises sénégalaises’’.
Membre du Groupe multipartite d’ITIE/Sénégal (Initiative pour la transparence dans les industries extractives), Moussa Mbaye Guèye s’est voulu on ne peut plus clair. Selon lui, dans le contenu local, il est surtout question de l’emploi de la main-d’œuvre locale, de la dimension approvisionnement local pour les entreprises sénégalaises et la participation au développement local. ‘’Quand on parle de contenu local, souligne-t-il, les gens ont tendance à se limiter à la question de l’emploi. Mais le contenu local renvoie à trois phases. Il y a la dimension approvisionnement local pour les fournisseurs de biens et de services, mais aussi la participation au développement local… Dans notre perspective, nous disons que travailler avec l’entreprise, c’est mieux que travailler dans l’entreprise. Parce que c’est plus profitable’’. Ce qui lui fait dire qu’il y a beaucoup d’insuffisances dans la déclaration de l’ancienne Première ministre.
Au-delà de ces dispositions législatives pertinentes, il faut savoir que rien ne sera donné sur un plateau d’argent aux locaux qui, au sens de la loi sur le contenu local, ne sont pas les Saint-Louisiens comme certains peuvent le penser, mais les Sénégalais, quelle que soit leur origine.
Une chose est, en effet, d’avoir la loi, avertit Moussa Mbaye Guèye, mais c’en est une autre d’avoir les compétences qui permettent de s’en prévaloir. ‘’L’État, explique l’expert, peut faire une loi. Ce qui va être problématique, c’est que les gens doivent disposer des compétences pour répondre aux offres d’emploi qu’on va leur proposer. C’est pourquoi nous estimons qu’il faut mettre en place toutes les conditions pour former un tant soit peu les populations, afin qu’elles aient les compétences nécessaires pour répondre potentiellement aux offres d’emploi. C’est aussi valable pour les entreprises qui doivent relever leurs plateaux de compétence pour répondre aux exigences de ce secteur’’.
Pallier la faiblesse des capacités techniques, technologiques et économiques des entreprises locales
Ainsi, de l’avis du représentant de la société civile au sein de l’ITIE, l’utilisation de la main-d'œuvre locale et la participation des entreprises nationales aux activités pétrolières et gazières ne peuvent être optimales que si les défis liés à la faiblesse des capacités techniques, technologiques et économiques des entreprises locales et ceux liés à la qualification professionnelle de la main-d'œuvre sont relevés. Il déclare : ‘Il faut noter que le Master Gaed (apprendre à gérer les impacts des activités extractives) a été lancé à Saint-Louis et à Nouakchott, respectivement au niveau des universités USTM et UGB. Son objectif est de former des étudiants d’Afrique francophone à la gestion des fonctions d’interface entre entreprises, États et sociétés civiles’’.
Dans tous les cas, la loi sur le contenu local offre beaucoup d’opportunités, selon le spécialiste, aussi bien au niveau des plateformes qu’au niveau de l’onshore.
Mais il faudrait que Saint-Louis se mette à niveau pour en bénéficier. Moussa Mbaye Guèye explique : ‘’Les travailleurs étrangers qui seront dans les bateaux pour exploitation des ressources ont besoin d’être sur terre à un certain moment. A Saint-Louis, par exemple, il manque d’infrastructures pouvant accueillir ces travailleurs. Actuellement, l’hôtel Onomo de Dakar est le site qui accueille les gens, lorsqu'ils auront besoin de repos. Quelque part, ce n’est pas profitable pour Saint-Louis. Parce que c’est de l’argent qui va être plus dépensé à Dakar’’, a regretté M. Guèye.
En définitive, il faut retenir que la déclaration d’Aminata Touré est vague, imprécise, avec beaucoup d’insuffisances qui peuvent induire en erreur. D’abord, la loi sur le contenu local ne vise pas spécifiquement la population de la localité abritant le gisement, mais les nationaux de manière générale. Ensuite, il faut noter qu’il y a des domaines qui sont réservés exclusivement aux Sénégalais, mais aussi d’autres domaines qui restent ouverts à la concurrence étrangère. Encore que même pour les domaines qui sont en principe réservés aux nationaux, il faudra que les compétences existent pour en tirer pleinement profit. Ce qui est loin d’être le cas pour le moment.
En 2020, informe le membre du Groupe multipartite, les services et matières achetés auprès des fournisseurs locaux ont représenté 28,91 % du volume total des achats des entreprises sélectionnées. Ils sont évalués à 715 692 333 114 F CFA, selon l’ITIE.
Le Sénégal sera bientôt membre de l’Organisation des pays exportateurs de gaz. Ceci aura des conséquences sur le plan économique et social du pays. Mais concrètement, comment les populations locales devront-elles sentir cette émergence économique prévue en 2023 ? Que dit la loi sur le contenu local ? Les réponses sont loin d’être évidentes. Même des personnalités s’y perdent. Lors des élections législatives, pour avoir le vote des Saint-Louisiens, l’ex-lieutenant de Macky Sall, Aminata Touré, disait : ''Bientôt, Saint-Louis sera la capitale du gaz au Sénégal. L’État a adopté une loi sur le contenu local. Cela signifie que le gaz qu’on va extraire, c’est vous qui allez le transformer. Donc, le département de Saint-Louis a un bel avenir devant lui
La question qui se pose est alors de savoir si le contenu local signifie que les ressources naturelles doivent être forcément transformées par les populations des localités où se trouvent les gisements ? En l’occurrence, le gaz du champ GTA doit-il être transformé par les Saint-Louisiens ou à Saint-Louis ?
Aux termes de l’article 1er de la loi 2019-04, ‘’le contenu local dans le secteur des hydrocarbures renvoie à l'ensemble des initiatives prises en vue de promouvoir l'utilisation des biens et des services nationaux, ainsi que le développement de la participation de la main-d'œuvre, de la technologie et du capital nationaux dans toute la chaîne de valeur de l'industrie pétrolière et gazière’’.
Dans la même veine, l’article 3 a été précis, en ce qui concerne les objectifs à atteindre avec une telle disposition. ‘’La présente loi, souligne-t-il, a pour objectif de promouvoir et de développer le contenu local, c'est-à-dire : a) d'augmenter la valeur ajoutée locale et la création d'emplois locaux dans la chaîne de valeur des industries pétrolières et gazières grâce à l'utilisation de l'expertise, ainsi que des biens et services locaux ; b) de favoriser le développement d'une main-d'œuvre locale qualifiée et compétitive ; c) de développer les capacités nationales dans la chaîne de valeur de l'industrie pétrolière et gazière par l'éducation, la formation, le transfert de technologie et de savoir-faire et la recherche-développement ; d) de favoriser le renforcement de la compétitivité nationale et internationale des entreprises sénégalaises’’.
Membre du Groupe multipartite d’ITIE/Sénégal (Initiative pour la transparence dans les industries extractives), Moussa Mbaye Guèye s’est voulu on ne peut plus clair. Selon lui, dans le contenu local, il est surtout question de l’emploi de la main-d’œuvre locale, de la dimension approvisionnement local pour les entreprises sénégalaises et la participation au développement local. ‘’Quand on parle de contenu local, souligne-t-il, les gens ont tendance à se limiter à la question de l’emploi. Mais le contenu local renvoie à trois phases. Il y a la dimension approvisionnement local pour les fournisseurs de biens et de services, mais aussi la participation au développement local… Dans notre perspective, nous disons que travailler avec l’entreprise, c’est mieux que travailler dans l’entreprise. Parce que c’est plus profitable’’. Ce qui lui fait dire qu’il y a beaucoup d’insuffisances dans la déclaration de l’ancienne Première ministre.
Au-delà de ces dispositions législatives pertinentes, il faut savoir que rien ne sera donné sur un plateau d’argent aux locaux qui, au sens de la loi sur le contenu local, ne sont pas les Saint-Louisiens comme certains peuvent le penser, mais les Sénégalais, quelle que soit leur origine.
Une chose est, en effet, d’avoir la loi, avertit Moussa Mbaye Guèye, mais c’en est une autre d’avoir les compétences qui permettent de s’en prévaloir. ‘’L’État, explique l’expert, peut faire une loi. Ce qui va être problématique, c’est que les gens doivent disposer des compétences pour répondre aux offres d’emploi qu’on va leur proposer. C’est pourquoi nous estimons qu’il faut mettre en place toutes les conditions pour former un tant soit peu les populations, afin qu’elles aient les compétences nécessaires pour répondre potentiellement aux offres d’emploi. C’est aussi valable pour les entreprises qui doivent relever leurs plateaux de compétence pour répondre aux exigences de ce secteur’’.
Pallier la faiblesse des capacités techniques, technologiques et économiques des entreprises locales
Ainsi, de l’avis du représentant de la société civile au sein de l’ITIE, l’utilisation de la main-d'œuvre locale et la participation des entreprises nationales aux activités pétrolières et gazières ne peuvent être optimales que si les défis liés à la faiblesse des capacités techniques, technologiques et économiques des entreprises locales et ceux liés à la qualification professionnelle de la main-d'œuvre sont relevés. Il déclare : ‘Il faut noter que le Master Gaed (apprendre à gérer les impacts des activités extractives) a été lancé à Saint-Louis et à Nouakchott, respectivement au niveau des universités USTM et UGB. Son objectif est de former des étudiants d’Afrique francophone à la gestion des fonctions d’interface entre entreprises, États et sociétés civiles’’.
Dans tous les cas, la loi sur le contenu local offre beaucoup d’opportunités, selon le spécialiste, aussi bien au niveau des plateformes qu’au niveau de l’onshore.
Mais il faudrait que Saint-Louis se mette à niveau pour en bénéficier. Moussa Mbaye Guèye explique : ‘’Les travailleurs étrangers qui seront dans les bateaux pour exploitation des ressources ont besoin d’être sur terre à un certain moment. A Saint-Louis, par exemple, il manque d’infrastructures pouvant accueillir ces travailleurs. Actuellement, l’hôtel Onomo de Dakar est le site qui accueille les gens, lorsqu'ils auront besoin de repos. Quelque part, ce n’est pas profitable pour Saint-Louis. Parce que c’est de l’argent qui va être plus dépensé à Dakar’’, a regretté M. Guèye.
En définitive, il faut retenir que la déclaration d’Aminata Touré est vague, imprécise, avec beaucoup d’insuffisances qui peuvent induire en erreur. D’abord, la loi sur le contenu local ne vise pas spécifiquement la population de la localité abritant le gisement, mais les nationaux de manière générale. Ensuite, il faut noter qu’il y a des domaines qui sont réservés exclusivement aux Sénégalais, mais aussi d’autres domaines qui restent ouverts à la concurrence étrangère. Encore que même pour les domaines qui sont en principe réservés aux nationaux, il faudra que les compétences existent pour en tirer pleinement profit. Ce qui est loin d’être le cas pour le moment.
En 2020, informe le membre du Groupe multipartite, les services et matières achetés auprès des fournisseurs locaux ont représenté 28,91 % du volume total des achats des entreprises sélectionnées. Ils sont évalués à 715 692 333 114 F CFA, selon l’ITIE.